- Fiction
- Rétrospective Batman
Et si Batman avait été footballeur
Ce samedi, le Chevalier noir, dont la création remonte à 1939, fête ses 80 ans d'existence. Mais quelle aurait été la destinée de Bruce Wayne, s'il avait opté pour une carrière de footballeur, plutôt que de casser toutes les nuits des tronches dans les rues de Gotham City ? Récit de la plus gothique des épopées footballistiques.
8 août 1997. La lumière blafarde des lampadaires éclaire une ruelle obscure de New-York. Bruce Wayne est agenouillé, seul, le regard perdu, une couverture chauffante sur ses épaules. Le coroner de la ville vient de refermer les sacs mortuaires qui enveloppent les cadavres encore chauds de ses parents, tout juste tragiquement assassinés par un voleur minable. « À ce moment-là, passé le choc et les larmes, j’ai eu une sorte de révélation, racontera plus tard l’orphelin le plus célèbre du football mondial. J’ai eu comme l’impression de visualiser la ville entière, divisée entre deux forces primaires. Le bien et le mal. La lumière et les ténèbres. Le propre et le sale. Mais la bataille est inégale. Le sale l’emporte. » La rumeur veut que ce soit à ce moment-là que serait né l’esprit de revanche qui animera plus tard Wayne sur les terrains.
Murges à la Batcave et le drame de Francky Two-Face
Pour l’heure, l’adolescent est envoyé dans un orphelinat, où il touche ses premiers ballons. Beaucoup de buts marqués, de matchs de cour de récré remportés, quelques gueules cassées, aussi. Wayne est en colère. Le soir, il dort peu, passe ses nuits d’insomnie à grimper sur les toits pour contempler le clair de lune. En 2001, lors d’une tournée américaine du Real Madrid, c’est Alfredo Di Stéfano (dit Alfred pour les intimes) qui repère le teenager, pour le prendre sous son aile : « Je l’ai vu jouer dans un city stade, dans le Bronx. Le mec mettait la misère à tout le monde. Surtout, il y avait cette rage qui émanait de son jeu. Je me suis dit qu’il fallait réussir à canaliser ça, en faire quelque chose de productif. Alors je l’ai ramené dans mon manoir, à Madrid, pour lui prodiguer une bonne éducation. » Les années passent, Wayne, qui fait ses classes à la Cantera du Real, arrive au bout de sa formation footballistique, mais n’a toujours pas convaincu les gros pontes madrilènes. Son comportement y est un peu pour quelque chose. « Il faisait pas mal la bringue, ouais. Le soir, il était toujours fourré dans ce bar Erasmus, un truc un peu underground qui s’appelait la Batcave. Il en a cassé des gueules là-bas, ça, je peux vous le dire » , déclare un de ses anciens coéquipiers de l’époque, qui préfère rester anonyme.
Pas en odeur de sainteté à Madrid, Wayne signe alors au Valence FC, où il effectuera deux saisons contrastées. Plusieurs fois grillé pour excès de vitesse sur les autoroutes espagnoles au volant de sa Lamborghini Murciélago, le joueur fera scandale quand son amour trop prononcé des bolides lui vaudra à lui et à son ami Franck Ribéry un accident de bagnole gratiné, qui laissera des séquelles indélébiles sur le visage de l’ailier du Bayern Munich. « Plus rien n’a été pareil ensuite, confie aujourd’hui amèrement Wayne. Il y a eu des séquelles physiques bien sûr, mais c’est surtout mentalement que ça a laissé des traces. Francky n’a plus jamais été le même. Parfois, il était adorable, puis, d’un coup, il avait la haine totale. Francky Two-Face, quoi. Et je ne vous parle même pas de sa nouvelle manie flippante, qui consistait à jouer à pile ou face pour prendre chacune de ces décisions… Disons qu’on a eu du mal à recoller les morceaux ensuite. »
« J’ai foutu deux grosses tartes à Jack Nicholson »
Lors de la deuxième année en Liga de Wayne, Valence est également perturbé par une attaque en justice de l’éditeur de bandes dessinées américain DC comics, qui prétend que les Chés ont réutilisé pour le logo de leur club le symbole d’un obscur super héros créé dans les années 1940, un certain « Bat Man » . Un personnage de second rang, qui n’est jamais passé à la postérité et dont les aventures ne sont plus publiées depuis 1951. « Nan, mais sérieusement ? Bath Man ? C’est quoi ce truc ? Nous n’arrêterons pas d’utiliser la chauve-souris parce que DC Comics l’a dit, balance une responsable du club valencien. Aucune marque au monde n’a l’exclusivité mondiale sur les chauves-souris… Quand le club a commencé à jouer avec une chauve-souris sur son écusson, ils chassaient encore le bison aux États-Unis. » Une punchline qui clôt définitivement les débats. En parallèle, les déboires extrasportifs de Wayne et du club espagnol n’empêchent pas l’Américain de cartonner en Liga : nullement freiné par ses nombreuses escapades nocturnes, l’attaquant – qui précise n’avoir besoin que de deux à trois heures de sommeil par nuit pour être dans une forme optimale – plante respectivement 17 et 19 buts dans l’élite lors de ses deux premières saisons en professionnel.
De quoi lui valoir un transfert à Manchester United à 22 ans, où son goût pour la castagne dans la surface adverse et son sens du but font merveille. Rapidement adopté par les supporters, Wayne n’a néanmoins pas d’atomes crochus avec tous les membres du vestiaire mancunien : « J’ai toujours eu beaucoup de mal avec Ole Gunnar Solskjær… Je ne sais pas pourquoi, le type me foutait les foies. Surtout son rire. Gros malaise à chaque fois que j’entendais le mec se bidonner. Je ne me l’explique pas. C’était notre Joker de luxe pourtant. » Si le courant ne passe pas entre Wayne et le Norvégien, l’Américain enquille les buts et les trophées avec United, ce qui lui vaut d’intégrer le nec plus ultra de la société britannique. Des milieux plutôt prout-prout, où son franc-parler et son goût pour la confrontation ne sont pas sans lui attirer des inimitiés : « J’ai foutu deux grosses tartes à Jack Nicholson sur le tapis rouge du Festival du film de Londres en 2006. Je ne me rappelle plus trop pourquoi, il était 23h et j’étais déjà bien beurré. »
Bromance anatomy
Cinéma toujours, Wayne fait aussi la Une des tabloïds en fricotant avec une belle brochette d’actrices. Pris en photo au sortir d’une boîte SM au bras de Michelle Pfeiffer, Wayne, qui avouera « avoir développé un étrange fétichisme pour les femmes en combinaison moulante, le cuir noir et les fouets » , sera aussi vu en train de fricoter avec Anne Hathaway à Piccadilly Circus. Mais c’est surtout sa bromance fusionnelle avec Robin van Persie, à la suite de son transfert à Arsenal en 2007, qui excitera la curiosité des journaux : hyper complices sur le terrain, les deux joueurs passent toutes leurs vacances ensemble et montent conjointement plusieurs entreprises, pour assurer leurs vieux jours, notamment un commerce de couvre-chefs farfelus astucieusement nommé Mad Hatter.
Un cliché de Wayne, en pleurs au chevet de Van Persie après que ce dernier a été frappé d’une intoxication alimentaire au Mister Freeze en 2010, fera aussi le tour de la planète. Les photos de leur soirée mémorable au Harley Quinn, un établissement londonien très prisé de la communauté LGBT, ne manqueront pas non plus d’enflammer la toile. « Les médias ont vachement joué sur l’attirance homo érotique qui aurait existé entre Robin et moi, se marre aujourd’hui Wayne. Mais en vérité, c’est juste tout simplement mon meilleur pote. Même si on se verra sans doute moins après mon départ pour les USA. » En 2019, à 38 ans bien tassés, l’Américain a en effet décidé de revenir aux bases, sur sa terre natale, du côté du DC United, à Washington. « Je me laisse encore un an ou deux sur les prés, ouais. Ensuite, j’ai d’autres projets, disons, plus perso… Rien à voir avec le foot. Récemment, j’ai parlé avec mon psy, je lui ai dit : « Tu sais, j’ai toujours aimé taper sur les gens, alors autant que ce soit sur les sales types. » Je me suis renseigné sur les prix des combinaisons en cuir, l’accessibilité des armures en kevlar pour les civils et sur les capes les plus fonctionnelles du marché. Je ne vous en dis pas plus… »
Par Adrien Candau
Tous propos recueillis par Vicki Vale et Jack Ryder.