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  • Real Madrid-Chelsea (2-3, a.p.)

Et pourtant, Thomas Tuchel avait tout bon

Par Maxime Brigand
Et pourtant, Thomas Tuchel avait tout bon

Jusqu'à la 80e minute, le Chelsea tenait entre ses doigts un exploit porté par le plan parfait dessiné par son entraîneur allemand. Puis, le monument s'est effondré brutalement sous les coups d'un Real tenu par des générateurs de moments irrationnels.

Chaque printemps, c’est la même histoire. Les mêmes espoirs, la même tension, les mêmes costumes et la même quête : celle de l’exploit. En voyage à Madrid pour le troisième débat avec le Real de sa vie d’entraîneur, Thomas Tuchel avait ainsi lâché ceci, lundi après-midi : « Renverser la situation est presque impossible, mais cela vaut quand même le coup d’essayer… » Presque impossible, vraiment ? Oui, parce qu’au coup d’envoi mardi soir, aucune équipe anglaise ne s’était jamais imposée au Bernabéu par plus d’un but d’écart en Ligue des champions et parce que Chelsea, champion d’Europe en titre, restait sur une manche aller marquée par « la pire première période à Stamford Bridge » de l’ère Tuchel. À Londres, il y a une semaine, les Blues, plutôt sévèrement punis au tableau d’affichage (1-3) par les exploits du duo Courtois-Benzema, s’étaient alors plantés dans la pose de leur pressing – un outil vital de leur projet de jeu – et avaient, entre autres, laissé le Real s’amuser à créer des supériorités numériques via les décrochages de Benzema et Valverde autour d’un duo Jorginho-Kanté rapidement coincé dans un entre-deux mortel, mais aussi Vinicius Junior s’empiffrer dans les grands espaces. Furieux, Thomas Tuchel avait passé les heures suivantes à se refaire le match avec plusieurs kilos de chocolat. Verdict : « Ça m’a mis en colère et, au réveil, j’ai de nouveau revu le match. Résultat, ça m’a de nouveau mis en colère. Dans ces situations, tu commences à écrire, écrire, écrire, et à un moment donné, tu appuies sur le bouton pour mettre le match en accéléré pour que ça passe plus vite. Puis, tu arrêtes et tu vas faire un tour pour te calmer. » Heureusement pour ses nerfs, l’Allemand avait ensuite vu ses hommes répondre avec autorité à Southampton (0-6), ce qui l’avait poussé à affirmer : « Notre situation est simple. Nous ne sommes pas une équipe qui peut s’en sortir si elle n’est pas à 80-90% minimum dans son engagement. » Lundi, il avait alors promis «  une grande soirée » et avait espéré tout haut «  un scénario fantastique ». L’Europe du foot l’avait pris au mot, puis elle avait accroché sa ceinture, ouvert grand les yeux et attendu les loopings. Tuchel avait raison : ce Real-Chelsea a été royal.

Des filets mieux serrés et un carré mortel

Royal, mais aussi cruel, car durant une grosse partie de la soirée, l’ancien entraîneur du PSG a réussi à installer, via un plan parfaitement pensé, un chaos organisé au milieu du Bernabéu grâce à des permutations permanentes et à l’installation d’armes différentes de celles sorties à l’aller. En choisissant de titulariser Ruben Loftus-Cheek, ce qu’il avait déjà fait à Southampton, et de faire reculer Reece James d’un cran, Tuchel a ainsi permis à son Chelsea de gagner en sécurité face aux démarrages de Vinicius et d’inverser le rapport de force de la première manche. Cette fois, on a vu les Blues facilement construire des supériorités numériques face à un Real qui a de nouveau défendu dans un premier temps en 5-4-1 (Valverde venant alors glisser à droite de Carvajal, ce qui l’a rendu indisponible dans le cœur du jeu et a ouvert un espace à attaquer côté gauche pour Chelsea, dans lequel Rüdiger s’est souvent infiltré) grâce à la formation fréquente d’un carré en phase offensive où Loftus-Cheek, également utilité pour faire sortir Mendy sur certaines séquences, s’est installé à droite de Kanté, Kovačić à gauche, et où Mason Mount a eu un rôle d’abeille libre de voyager entre les lignes pour ensuite voler avec Havertz et Werner. Le dos de la paire Kroos-Modrić a alors été matraqué et les centraux du Real ont été gênés par un casse-tête de gestion difficile à résoudre. Tout au long de la soirée, l’objectif de Thomas Tuchel a été clair : étirer au maximum le Real pour mieux le faire danser à l’intérieur en lui embrumant l’esprit. C’est ce qu’est parfaitement venu récompenser le premier but, arrivé au bout d’un premier quart d’heure que les Madrilènes ont pourtant maîtrisé – sur cette période, les hommes d’Ancelotti, portés par un côté bourré de fausses pistes et la qualité technique de certains éléments pour rire sous pression, ont même peut-être été encore plus forts qu’à l’aller à Londres – avant de se faire attraper dans des filets bleus mieux serrés qu’à l’aller et plus alertes sur les décrochages de Benzema.

Le démarrage du mouvement du premier but, inscrit par Mount : on voit la recherche de la supériorité numérique dans une zone réduite, Kovačić face au jeu, puis Loftus-Cheek qui vient s’insérer dans la « zone rouge » – celle entre les défenseurs et les milieux – et peut être touché. À noter aussi : le déplacement de Reece James qui est venu compenser au large le déplacement de Loftus-Cheek et fait sortir Alaba. La suite va voir Mount profiter d’un ballon dévié de la cuisse par Werner pour ouvrir le score dans le dos des centraux madrilènes.

Et sur cette séquence, on voit bien le fameux losange posé pour prendre numériquement le dessus sur le milieu du Real.

Ici également, le matraquage du dos de Kroos par les déplacements de Loftus-Cheek, alors que Havertz a dézoné côté pour occuper la largeur et empêcher la sortie de Mendy.

À Southampton, on avait déjà vu, entre autres, les premières esquisses de ce Loftus-Cheek faux piston, venant former un carré intérieur avec Kanté, Kovačić et Mount, ce qui avait notamment mené à l’action du 0-1.

La suite n’a d’abord été qu’une récompense des bons choix de Tuchel, qui, au-delà de demander en phase défensive à Loftus-Cheek de contrôler à la fois Kroos lorsque le Real sortait à droite et Mendy lorsque les Madrilènes sortaient à gauche, mais aussi de revenir former une ligne de cinq une fois le bloc reculé d’un cran, a aussi ordonné à plusieurs autres joueurs (James, qui a souvent quitté la défense à trois pour venir prendre la largeur lorsque Loftus-Cheek rentrait à l’intérieur, Thiago Silva et Rüdiger pouvant contourner à deux le seul Benzema ; Havertz, qui a alterné toute la nuit entre les différents intervalles pour empêcher ses vis-à-vis de sortir ; ou encore Werner, qui s’est amusé durant 83 minutes à jouer avec la distance d’intervention de Nacho) de jongler entre les rôles pour combiner comme aux plus belles heures de son Dortmund et punir les failles connues du Real. Résultat, ce dernier, également bousculé sur les phases arrêtées, a longtemps bu la tasse et s’est retrouvé dos au mur : 0-3, à la 75e minute, au terme d’une démonstration de maîtrise tactique et technique. Luka Modrić l’a d’ailleurs confirmé : « C’est incroyable de décrire ce match. Nous étions morts… »

Le troisième but est arrivé au bout d’une merveille de mouvement collectif : au départ, Kovačić trouve Werner au large, alors que Marcos Alonso a compensé dans l’axe le déplacement de l’attaquant allemand. Mason Mount, lui, se charge d’attirer Camavinga pour ouvrir un angle de passe…

… angle de passe que va parfaitement saisir Marcos Alonso pour faire sortir Nacho…

… pour attaquer l’espace libéré, Marcos Alonso va alors trouver Kovačić dans le dos d’un Valverde progressivement sorti plus haut au fil de la rencontre…

… espace détecté et exploité par Kovačić : Werner va ensuite inscrire le 0-3.

Puis, pour ne peut-être pas avoir accepté de serrer un peu le jeu lorsque le Real, aidé par un bon Camavinga, est revenu à 1-3 (Azpilicueta aurait, par exemple, pu venir aider à fermer le côté droit là où la sortie de Werner a été plus difficile à comprendre), parce que N’Golo Kanté, déjà en difficulté à l’aller, est de nouveau passé à côté de sa rencontre dans certains moments clés, parce que le Real possède des générateurs de moments irrationnels (Modrić, Benzema et Courtois en tête), parce qu’il a vu un but de Marcos Alonso être refusé pour une main, Courtois éteindre un potentiel 4-0, ses gars ouvrir progressivement l’accès à des zones mortelles tout en ne réussissant pas à se créer grand-chose face à une défense bricolée lors des 35 dernières minutes, et parce que le football reste le football, soit un sport beau parce que tout ne s’explique pas rationnellement, Thomas Tuchel a vu son château tactique s’effondrer brutalement. Après une rencontre qui a de nouveau montré qu’au bout du bout, un match de foot se gagne par les inventions des hommes en short avant de basculer sur les idées des hommes en survêtement, il a alors dit : « Ce soir, on a été malchanceux. On a été battus sur le talent individuel et sur nos propres erreurs. On méritait de se qualifier. À Stamford Bridge non plus, ils n’avaient pas tant créé d’occasions, mais la moindre demi-occasion, ils la convertissent toujours. On a eu deux pertes de balle décisives, mais ça ne fera pas but contre beaucoup d’équipes. Je reste content du match, et si on arrive à reproduire ce genre de rencontres, on sera une équipe spéciale, parce qu’on avait ce match entre nos mains. » En attendant d’en savoir plus sur son avenir et celui, flou, de Chelsea, son plan, qui pousse les méninges des joueurs à la surchauffe, va être rangé tout au fond des mémoires, en dessous du score et des images de liesse. Il ne faudra pourtant pas oublier qu’avant de se faire emporter par la folie émotionnelle du Bernabéu, Tuchel tenait un chef-d’œuvre dans l’un des endroits plus brûlants du continent.

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