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Et Nantes coula à Leverkusen
L'histoire avait tout pour être belle. Jean-Louis Garcia est laissé au chômage après la saison 93-94. Mais huit mois après, il est de retour, titulaire pour son premier match européen, en quart de finale de C3 à Leverkusen. À la fin du match, c'est une rouste : 5-1.
En 1995 déjà, Leverkusen est un bien mal nommé « bon tirage » . Le Werkself a un niveau théoriquement inférieur à celui des Canaris. Leur jeu est hésitant, ils sont seulement 8es en Bundesliga et leurs joueurs vieillissent à vue d’œil. Bernd Schuster affiche déjà 36 ans. À côté, Nantes est le leader incontesté et incontestable de D1. Surpuissant, imbattable, écrasant le PSG d’un net 3-0 au Parc des Princes en janvier. « Le potentiel en Coupe d’Europe, on l’avait. Tout le monde savait qu’on avait la qualité pour faire quelque chose. On le prouvait en championnat » , affirme Nicolas Ouédec. Pourtant, il aurait dû y avoir un motif de méfiance, souligné aujourd’hui par l’ancien attaquant : « Le football allemand nous réussissait peut-être moins. Jusque-là, nous avions eu beaucoup d’équipes russes au tirage au sort, avec un jeu plus ouvert. Leverkusen, c’était très rugueux. »
C’est ainsi que l’un des pires matchs de l’histoire du FC Nantes va se dérouler devant 25 000 Allemands qui ne demandaient pas tant. Imaginez un peu Ronan Le Crom titulaire pour le PSG en Ligue des champions, ce mardi contre Leverkusen. Il y a 19 ans, c’est cette « aventure » qu’a vécue le FC Nantes-Atlantique. Dès lors, le responsable tout trouvé de cet échec est devenu cet entraîneur des gardiens promu titulaire : Jean-Louis Garcia. Encore et toujours, dans la mémoire collective des supporters nantais, Garcia est le capitaine de pédalo qui a entraîné une équipe à la dérive dans son sillage. À tel point que l’intéressé ne s’exprime plus sur le sujet, préférant seulement envisager son futur avec Châteauroux.
Garcia berna
Jean-Louis Garcia signe à Nantes en 91, en doublure de David Marraud, mais ne s’impose jamais comme une alternative crédible. Il traîne dans l’effectif du FC Nantes-Atlantique, voit Casagrande et Loussouarn lui passer devant et finit au chômage à l’issue de la saison 93-94. Avec l’aide des Assédics, il s’engage dans une reconversion pour être entraîneur des gardiens. Son refuge pour sa formation est tout trouvé : le FCNA. Dès lors, l’entraînement n’est plus pour lui, mais de lui. Seulement, une épidémie de blessures attaque les Nantais : David Marraud, le gardien qui fait frissonner de peur la Beaujoire à chaque intervention, est out. Casagrande prend sa place avec succès, mais George Weah a le pied lourd sur sa main. C’est donc au tour de Loussouarn d’assurer dans les buts – et Jean-Louis Garcia ressort sa licence de footballeur si besoin est. Besoin il y aura, à trois jours du déplacement au Ulrich Haberland Stadion de Leverkusen.
Il suffit de huit minutes pour sentir la déconvenue qui vient. Une frappe lointaine de Lehnhoff, largement à portée des mains de Garcia, lui échappe. Ulf Kirsten corse la mise dix minutes plus tard, avec un Garcia peu inspiré par la passe foireuse de Pignol en retrait. 2-0, la soirée s’annonce déjà longue pour le gardien sorti expressément de la retraite. Le plus cruel de l’histoire est ce même Kirsten qui se régale après les 90 minutes devant les médias : « Le gardien et la défense française étaient vraiment très faibles. » Car la suite est une « gifle, due à un très mauvais début » , des mots mêmes de Ouédec.
La gifle
Ce n’est pourtant toujours pas un match hors de portée des Canaris. L’espoir reste. Le score n’évolue pas dans ce match aller, malgré les opportunités de Kirsten (un poteau, une barre) et Völler à l’heure de jeu. Enfin dans son match, Jean-Louis Garcia s’emploie joliment quand il le faut pour préserver le score. Et Nantes revient dans la partie : une faute bête et méchante de Christian Wörns fait alors cadeau d’un penalty inespéré à Ouédec, qui réduit la marque à 2-1. Avec le but à l’extérieur dans le sac à dos, le « tarif maison » à la Beauj suffira.
Problème : les Nantais sont orgueilleux et ne connaissent plus la défaite depuis longtemps. Alors que Jean-Michel Ferri est exclu, les Nantais se découvrent en partant à l’abordage d’une égalisation. Le directeur sportif de l’époque, Robert Budzynski, l’explique bien après le match : « Nous pensions remonter et nous sommes tombés dans la provocation intelligente de nos adversaires. » Suaudeau juge cela comme de la prétention. Nicolas Ouédec souligne surtout le manque de maturité européenne du groupe : « Ce qui nous manquait, c’était le vice, l’expérience, tout ce qui fait une équipe chevronnée. Mais on apprenait vite. Avec ne serait-ce qu’une campagne européenne supplémentaire, on aurait mieux abordé ce match, avec l’intensité qu’il faut pour ce niveau de compétition. Il nous a d’ailleurs beaucoup servi pour la Ligue des champions l’année suivante (défaite en demi-finale contre la Juventus, ndlr).On en a souvent reparlé entre nous. »
Où est la meilleure équipe de D1?
Alors que Loko rate l’égalisation à 2-2, Paulo Sergio conclut deux actions sans laisser la moindre chance à Garcia dans le dernier quart d’heure. Les Canaris se désorganisent, ajoutent la frustration et le mécontentement à la défaite. Les Allemands restent quant à eux calmes et rugueux, à l’ancienne, provoquant les Jaune et Vert s’il le faut. Le cinquième but n’est qu’une blague pour le Bayer, qui s’amuse de Nantais perdus. 5-1, la messe est dite. Pour l’aller comme pour le retour. Le FCNA peut quitter la C3 avec quelques regrets. Cette année-là, Leverkusen a éteint la meilleure équipe du championnat de France.
Par Côme Tessier