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Et Moldo vint…
Personne d'autre n'a mieux soigné son entrée à la Beaujoire que Viorel Moldovan. Étiqueté cher et hors de forme, le Roumain a réussi à faire l'unanimité à Nantes un soir d'août 2000, contre Marseille. En 22 minutes.
« Je ne pense pas que Viorel ait beaucoup travaillé pendant ce temps-là. » Après trois semaines d’âpres négociations avec le Fenerbahçe, et un discount obtenu de 50%, Robert Budzynski annonce avec honnêteté la signature d’un Viorel Moldovan pas prêt, au FC Nantes. Pour 30 millions de francs au lieu de 60, soit, en juillet 2000, le transfert le plus cher de l’histoire canarie, le 10e Roumain à venir jouer en France depuis 1945 n’inspire pas de suite confiance. Surtout que le supporter nantais a appris à se méfier. Depuis Vahid Halilhodžić, le FC Nantes se vautre dans sa quête du 9 idéal. Si Nicolas Ouédec, pur produit de la maison, a fait gagner un peu de temps aux recruteurs, Viorel Moldovan arrive après une série de cauchemars : Diego Bustos, Gaetano Giallanza ou encore Javier Mazzoni. Et le Roumain arrive à court de forme : « Je ne pensais pas qu’on reprenait si tôt en France. » Il sort aussi usé par le contexte stambouliote : « Ras-le-bol, une pression terrible. » Et quand Viorel découvre le vestiaire nantais et les premiers exercices de Raynald Denoueix, cela n’augure rien de bon. « Je me suis demandé si c’était l’équipe junior ou senior, la première fois, dans le vestiaire. À part Fabbri, Gillet, Delhommeau, les autres avaient un physique de gamin, s’étonne Moldovan. Ils n’avaient ni la taille, ni les kilos. Et puis, quand l’entraînement a commencé, quand j’ai vu la circulation de balle, à quelle vitesse ça allait, la précision des passes, j’ai changé d’avis. J’étais toujours à contretemps, en attaque quand il fallait défendre et inversement. » Le joueur vanté et vendu aux Nantais par un certain Gigi Becali, dans le top 3 des salaires du club, démarre mal.
« Il sera prêt en décembre »
Pourtant, les plus optimistes se rappellent que le staff de l’époque Coco Suaudeau s’était déjà intéressé au Roumain en 1995. Sans donner suite, le laissant à la Suisse, aux Grasshoppers notamment, puis à un plan moyen à Coventry où il se faisait traiter de « gitan » , avant le contraste de deux saisons au Fenerbahçe. Pour les plus optimistes toujours, la Jonelière vient quand même de rapatrier celui qu’on appelle « Dracula Goal » , ou aussi le meilleur buteur de la tête du championnat de Turquie en 1998-1999 (?). Un quart-de-finaliste de l’Euro 2000 aussi. Des cheveux peroxydés peut-être. Bref, Raynald Denoueix présente en une phrase le pedigree de son nouveau renard : « Je suis sûr qu’en mettant la balle devant, il sera là 9 fois sur 10. » En tout cas, Viorel fait tout pour. Passant près d’un mois à se retaper, parfois en marge du groupe sous la coupe de Georges Eo, Moldovan s’astreint à noter sur un cahier les exercices quotidiens du coach : « Le soir, je relisais mes notes et je refaisais les mouvements dans ma tête. » Le Français n’est rapidement plus du tout un problème pour lui, et le Roumain s’intègre parfaitement dans la vie de groupe, amateur de quelques parties de cartes. Le nouveau 9 prépare son entrée. Mais les supporters sont encore sur leur garde pour un joueur qui ne sera vraiment « prêt qu’en décembre » , d’après les médecins du club.
Merci Allioune Touré
Le 19 août 2000, la 4e journée de Ligue 1 propose Marseille au menu de la Beaujoire. Un Marseille avec Trévisan dans les bois, Bakayoko devant, le regretté Klas Ingesson au milieu, Gallas derrière et Marcelinho un peu partout. Ce Nantes capable de tout, comme d’ouvrir sa saison par une défaite à domicile contre Lens (0-2), de rosser ensuite Monaco à Louis-II (2-5) et d’enchaîner par une victoire à Guingamp (0-1), veut véritablement lancer sa saison à domicile. Et Viorel Moldovan sa saison tout court. Pour la première fois sur le banc canari, le Roumain observe son équipe buter contre l’OM d’Abel Braga. Malgré une égalisation de Salomon Olembé répondant à l’ouverture du score de Jérôme Leroy, Marcelinho remet les Phocéens, plutôt dominés, devant à l’heure de jeu. En Tribune Loire, blindée et bruyante, on voit enfin Viorel Moldovan s’échauffer. Celui qu’il regarde avec prudence depuis cet été. Olivier Monterrubio s’épuise sur l’aile gauche. Raynald Denoueix change ses plans à la 70e minute et offre au Roumain un beau décor pour mettre tout le monde d’accord. Sur l’aile droite, Allioune Touré ne s’épuise pas et fait dans le classique : tête baissée, il mouline les passements de jambe, accélère le long de la ligne de touche et centre à l’aveugle. Et gagne parfois des corners, qui seront décisifs. Avec Ziani une première fois à la baguette, et une sortie hasardeuse de Trévisan, Nestor Fabbri égalise (78e). La tension monte jusqu’à la 93e minute, avec Ziani, toujours, au point de corner. La dernière chance. D’une trajectoire sortante, le ballon se dirige droit vers la tête de Viorel Moldovan. Le « gitan » de Coventry gagne son duel sur Pancho Abardonado, décroise sa tête et trompe l’horizontale désespérée de Trévisan. 3-2. Match plié, et un Viorel Moldovan gagnant le totem d’immunité. Le Roumain et ses 30 millions ont gagné du temps pour s’acclimater et devenir ce mec qui rendait alors les équipes de Nantes au moins redoutables : un 9 qui plante. Depuis son départ de la Jonelière, Nantes est reparti dans sa quête impossible. De titres déjà, et d’un grand avant-centre ensuite. De Makukula, qui a coûté plus cher que Viorel, à l’Islandais Sightorsson aujourd’hui, bien décevant depuis son arrivée sur les bords de l’Erdre. Un homme pourtant à 30 millions de francs également.
Par Ronan Boscher // Propos tirés de L'Équipe et France Football