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Et Gascoigne s’est effondré…

Par Paul Piquard
5 minutes
Et Gascoigne s’est effondré…

Le 18 mai 1991, Tottenham et Nottingham Forest s'affrontent à Wembley en finale de la FA Cup. L'occasion pour un Paul Gascoigne de s'offrir un bel adieu dans une compétition où il a brillé avant de s'envoler pour Rome, où la Lazio s'apprête à l'accueillir. Mais un tacle atroce va marquer l'un des gros tournants de sa carrière. Quand le rêve tourne au cauchemar...

Si la victoire de la RFA au Mondial italien est l’événement de l’été 1990, les larmes de Paul Gascoigne en demi-finale à Turin restent comme l’une des images marquantes de la compétition suprême. Moins d’un an plus tard, Tottenham et Nottingham Forest se retrouvent dans un Wembley plein à craquer, où 80 000 personnes ont pris place pour assister à l’événement de l’année dans l’antre le plus célèbre du royaume. Ainsi, au-delà du prestige que revêt la plus vieille compétition de football du monde, la finale qui oppose ce jour-là les équipes de Terry Venables et Brian Clough doit marquer la sortie en apothéose de l’enfant chéri, Paul Gascoigne, avant son très médiatisé transfert vers la Lazio, qui a trouvé un accord de 8,5 millions de livres avec le club londonien. En effet, après avoir séché ses larmes italiennes, Gazza enchaîne avec une saison exceptionnelle sous le maillot des Spurs, marquée par de nombreux coups d’éclat, comme ce coup franc surpuissant inscrit contre Arsenal en demi-finale de la compétition. Si en championnat, la saison des deux clubs est relativement morose, avec une huitième place pour les hommes de Clough, et des Spurs terminant dixièmes au classement final, les deux équipes impressionnent tous les observateurs en Cup.

« Gazza était hyperactif, et ne pouvait pas rester en place »

D’un côté, Clough peut s’appuyer sur son fidèle capitaine Stuart Pearce et sur un jeune milieu irlandais qui affole déjà l’Angleterre du haut de ses 19 ans, un certain Roy Keane. De l’autre, Venables peut compter sur un duo Lineker-Gascoigne qui a mis le feu à la compétition avec neuf buts à eux deux, dont six pour ce dernier. Autant dire que cette finale est avant tout sa scène, et Wembley son théâtre. Le sulfureux milieu le sait, et ne parvient pas à cacher son envie d’en découdre, pour terminer sa carrière londonienne sur la plus belle des notes comme le rappelle Roy Reyland, l’intendant des Londoniens dans son livre Shirts, Shorts and Spurs : « À l’hôtel, Gazza était hyperactif, et ne pouvait pas rester en place. Il était si excité que le docteur a dû lui donner quelques sédatifs pour le calmer et le faire dormir. » Le lendemain, les deux équipes font leur entrée sur la pelouse dans un bruit ahurissant. Si Gascoigne réussit à faire rougir Lady Diana d’un baise-main lors de la présentation des équipes, les regards se tournent rapidement vers les autres joueurs de Tottenham une fois leurs survêtements retirés. En effet, pour marquer le coup, l’équipementier des Spurs, Umbro, décide de vêtir les Londoniens d’un maillot large et d’un short mi-long, arrivant juste au-dessus du genou, à une époque où le football se pratique dans le monde entier en short blanc « mi-cuisse » . Une semi-hérésie, qui deviendra la norme dans les années 90 et dont se rappelle bien Reyland : « Lorsque nous avons gagné notre septième FA Cup en 1991 contre Nottingham Forest (en fait, la huitième, ndlr), nous avons marqué l’occasion en introduisant un maillot innovant, accompagné d’un short « généreusement » taillé. Cela ne semble pas outrageux aujourd’hui, mais depuis les années 70, les joueurs portaient des shorts courts. Et avoir un short stylé, qui tombait juste au-dessus du genou, faisait tourner pas mal de têtes à l’époque. »

« Les larmes de la Coupe du monde sont remontées »

Une fois le coup d’envoi donné, plus question de style ou de tendances. Courant partout comme un possédé, Gascoigne se rend coupable d’une énorme faute dès la troisième minute, lorsque son pied droit heurte violemment le torse de Garry Parker, comme le fera plus tard Nigel de Jong sur Xabi Alonso en finale de Coupe du monde. Une faute dont l’arbitre de l’époque, Roger Milford, se souvient dans le documentaire Gazza’s Downfall, diffusé en 1997 : « Je crois que Gazza était un peu énervé. Cela devait être son dernier match en Angleterre avant de partir en Italie. Peut-être voulait-il prouver quelque chose. » Quoi qu’il en soit, Milford ne sort pas de carton, et dix minutes plus tard, Gazza, après s’être violemment jeté dans les pieds de Gary Charles, s’écroule. « J’ai su que Gazza n’allait pas continuer. Que ce soit mon cœur qui ait plus parlé que ma tête, ou vice versa, j’ai décidé de ne pas agir » , dira Milford plus tard. Sur le banc, Reyland comprend également que le moment est grave : « Je n’avais jamais vu Gazza rester au sol après un duel. Il était stupide et robuste, et je l’avais vu faire des tacles atroces durant des années, mais il se relevait toujours. » Le génial milieu de terrain est immédiatement transporté au Princess Grace Hospital. Verdict, une déchirure des ligaments croisés, qui le tiendra éloigné des terrains durant toute la saison d’après. Sur le terrain, la sanction est double. Le coup franc provoqué par la faute est parfaitement tiré par Stuart Pearce, qui nettoie la lucarne de Thorstvedt.

Pleurs, champagne et hôpital

Après l’ouverture du score, la partie s’enflamme. Gary Lineker voit d’abord un but lui être injustement refusé pour une position de hors-jeu inexistante, avant d’être fauché cinq minutes plus tard dans la surface. Malchanceux, il voit son penalty repoussé par le fautif, à la demi-heure de jeu. En début de seconde période, Paul Stewart fait exploser la Yid Army en égalisant d’une frappe croisée du droit. Rien d’autre ne sera marqué jusqu’à la prolongation, et c’est finalement le malheureux Des Walker qui offre la coupe aux Londoniens, en catapultant une tête dans ses propres cages à la 94e minute. Si Wembley chavire de bonheur, les pensées se tournent immédiatement vers le héros maudit. Tous les joueurs et le staff débarquent finalement à l’hôpital pour ramener la coupe et sa médaille à Gazza. La suite, c’est encore lui qui la raconte le mieux : « J’étais content d’avoir le trophée, et ma médaille. Mais après, ils sont repartis, et j’étais absolument dévasté.(…)Les larmes de la Coupe du monde sont remontées. Je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer, pendant quelques heures. Le médecin est venu me voir et je lui ai dit que je voulais aller à la fête. Il m’a dit : « Si tu vas à cette fête, ta carrière est terminée. » Donc j’ai bu deux autres coupes de champagne et je lui ai demandé une piqûre pour dormir. » Encore la meilleure solution pour oublier les pleurs.

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Pour une larme de Rome
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