- Ligue des champions
- 1/2 finales retour
- Real Madrid/Juventus (1-1)
Et Cristiano Ronaldo flancha…
Une fois de plus, il a déçu au moment où les siens attendaient de lui qu'il débloque une situation désespérée contre un adversaire coriace. CR7 enchaîne les performances faiblardes quand la pente s'élève, tel Mark Cavendish sur les routes du Tour. Pourquoi ?
Le temps est cruel. Il glisse entre nos doigts impuissants. On peut certes retarder ses effets sur le corps humain au moyen d’une bonne hygiène de vie, mais rien de plus. Boire des litres d’eau, éviter la gnôle, la malbouffe, bouffer des légumes et des fruits, supprimer le gluten, le lactose, le fructose de son alimentation, ingérer les bonnes vitamines et pousser de la fonte tous les jours permettent sans aucun doute de rester compétitif plus longtemps, mais le temps finira toujours par avoir le dernier mot. C’est contre lui que se bat aujourd’hui Cristiano Ronaldo. Un ennemi bien plus redoutable que Lionel Messi. Si l’Argentin l’a fait progresser, le nouvel antagoniste prend un malin plaisir à le faire régresser lentement mais sûrement. Quoi de plus dramatique, pour un véloce prédateur comme lui, que de sentir son coup de rein le quitter, le rendre quasiment inefficace en un contre un, départ arrêté, lui qui autrefois était désigné par Luís Figo comme « le meilleur du monde dans ce domaine » ?
Le collectif au service de Ronaldo
Évidemment, le triple Ballon d’or n’est pas encore cuit, loin s’en faut. Contre la Juventus, on l’a vu courir vite, avec ou sans ballon. Mais à chaque fois, c’était sur contre ou quand le bloc adverse avait été suffisamment bousculé pour laisser au Portugais l’espace nécessaire pour prendre son envol. Le temps a enlevé à CR7 cette capacité à pourfendre les lignes, à déséquilibrer. Avant, ses jambes lui permettaient de jouer plus bas, et donc de débloquer des situations fortement compromises. Aujourd’hui, ce sont ses coéquipiers, Benzema et Modrić les premiers, qui déséquilibrent pour le servir dans les meilleures conditions possibles. Et quand ces derniers n’y parviennent pas, le prédateur se retrouve comme pris en cage. En 2015, bloquer le collectif du Real Madrid est le meilleur moyen de mettre Cristiano Ronaldo hors d’état de nuire. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent pourquoi il s’est montré incapable de peser sur les derniers gros matchs auxquels il a pris part. Plus le niveau s’élève, plus les adversaires sont rigoureux tactiquement et forts physiquement, plus ils sont capables de gêner les pourvoyeurs de ballons et donc de couper les vivres du natif de Funchal. De ce point de vue, la Juve, roublarde et agressive, constituait sans doute le pire ennemi possible pour la star madrilène.
Rarement sauveur contre les meilleurs
Le problème avec le cas Ronaldo, c’est que l’excuse du déclin n’est valable que depuis peu. Irina l’a largué, ok très bien, le bonhomme est sans doute dans le dur psychologiquement et fait les frais d’un début de saison ahurissant. Il a besoin de repos pour repartir du bon pied. Mais même au fait de sa forme, on a toujours eu du mal à voir CR7 comme un homme de grands matchs, surtout depuis son arrivée en Espagne. Évidemment, il y a tous ces buts lors de Clásicos, les « calma, calma » , l’aile de pigeon solaire… mais en regardant en arrière, il y a comme un sentiment d’inachevé qui se dégage de ces prestations. En y réfléchissant bien, Cristiano Ronaldo a rarement réellement sauvé le Real Madrid contre de gros adversaires. Il ne surnage pas. Il lui est arrivé d’être bon, voire très bon contre Barcelone, Manchester ou le Bayern, mais seulement parce que ses coéquipiers étaient aussi dans un bon jour, parce que l’équipe allait bien. Ironiquement, c’est avec le Portugal (où on lui a souvent reproché d’être fantomatique), qu’il est parvenu à s’élever le plus. Contre la France en 2006 (malgré la défaite et les simulations), contre les Pays-Bays en 2012 et face à la Suède en 2013, on l’a vu sur tous les fronts. Il a été grand. Mais surnager au milieu de Postiga, Éder ou Meireles est plus aisé que de surpasser des coéquipiers galactiques.
Prévisible à un certain niveau
Quand Lionel Messi évolue au plus haut niveau contre le Bayern, il se distingue des autres. Non seulement il offre la qualification à son équipe, mais fait en plus passer Neymar et Suárez pour des joueurs normaux de par le caractère exceptionnel de ses actions. L’Argentin est capable de choses extraordinaires dans des conditions extraordinaires. Ronaldo est avant tout remarquable de régularité, de constance. Mais sa première qualité est aussi son plus grand défaut. Tout, dans son jeu, est planifié à l’avance. Courses, appels de balle, contrôles…tout est minutieusement travaillé à l’entraînement, reproduit en match et donc prévisible. En devenant le buteur le plus régulier du monde, le joueur formé au Sporting a fait le choix de laisser son instinct de dribbleur de côté et ses chances de s’illustrer face aux meilleurs avec. CR7, c’est le calcul plutôt que le frisson. Sa méthode a fait et continuera de faire ses preuves jusqu’à un certain niveau à partir duquel entraîneurs et défenseurs l’auront suffisamment étudié pour pouvoir le neutraliser. Pelé, Maradona, Cruijff, Zidane ont sorti leurs plus beaux gestes et marqué leur buts les plus importants en laissant libre cours à leur talent, tels des artistes. En devenant un cyborg, Ronaldo s’est assuré de ne jamais connaître de vraie disette, mais il a surtout abandonné l’idée d’atteindre de toucher les étoiles quand ça compte vraiment. Il avait pourtant le talent pour. Il l’a toujours…
Par William Pereira