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Et à la fin, c’est la France qui gagne

Par Thomas Pitrel, au stade Vélodrome de Marseille
Et à la fin, c’est la France qui gagne

L'équipe de France s'est qualifiée pour la finale de son Euro en battant l'Allemagne (2-0), ce jeudi soir au stade Vélodrome. La France entre dans l'histoire en éliminant enfin la Mannschaft, deux ans après le Brésil, 30 ans après le Mexique et 34 ans après Séville. Griezmann, invincible ce soir, a marqué les deux buts des Bleus, qui affronteront le Portugal dimanche, au Stade de France, pour inscrire une troisième championnat d'Europe à leur palmarès.

France 2-0 Allemagne

Buts : Griezmann (45e+2 et 72e) pour les Bleus

Il est presque impossible d’interpréter correctement l’atmosphère qui précède les matchs de la trempe de cet Allemagne-France. La chaleur électrique de Marseille annonçait-elle un affrontement explosif ou une guerre de tranchées étouffante ? Le bruit de fond qui secouait le rond-point du Prado, près du Vélodrome, pendant toute la journée donnait-il l’avantage aux Allemands ou aux Français dans la guerre des tribunes ? Et ces pronostics, évidemment tous positifs ? Une vraie confiance ou une façon de se rassurer, avant une rencontre où l’équipe chérie avait de toute façon autant de chances de donner que de recevoir une fessée ? Ces visages graves des joueurs de l’équipe de France dans les couloirs du stade avant d’entrer sur la pelouse : de la peur ou de la détermination ? La réponse, en grandes lettres d’or sur un fond bleu roi, a été tracée pendant 90 minutes par les joueurs de l’équipe de France.

La main de Schweinsteiger

Les dix premières minutes sont françaises, dans tous les domaines. Griezmann, au moins Griezmann, n’a pas peur. Il a oublié ses larmes de 2014 et respire la confiance sur tous ses contrôles, toutes ses déviations. Il se procure la première occasion seul, dès la 7e minute, s’appuie sur Matuidi, élimine toute la défense centrale adverse avant que sa frappe un peu trop molle, pas assez bien placée, ne soit écartée par Neuer. Le public aussi offre sa plus belle performance depuis le France-Ukraine de 2013. Marseille montre qu’elle a tout laissé de côté en ovationnant Matuidi à chaque récupération de balle. La pression est mise sur les épaules de la Mannschaft à chaque possession. Celle-ci multiplie les transversales en touche. Les huées redoublent. Il en faut beaucoup à l’Allemagne pour avoir peur. Serait-ce le cas ce soir ?

La réponse est non, évidemment. Avant le premier quart d’heure, les hommes de Joachim Löw remettent les pendules à l’heure. Müller et Can se pressent autour du but. La défense française repousse comme elle peut, du genou, de la tête, en retourné acrobatique s’il le faut. Lloris aussi s’emploie à plusieurs reprises, rassure tout le monde. Manuel Neuer, posté à quarante mètres de ses buts, observe en silence. La France est en train de faire exactement ce qu’elle voulait éviter : laisser l’Allemagne poser son jeu méthodiquement et s’installer dans son camp. Elle se repose sur deux coups francs à trente mètres des buts, un pour Payet, un pour Pogba, des amusettes pour Neuer. Elle attend aussi, tapie dans l’ombre, que son adversaire baisse la garde pour lui sauter à la gorge. Olivier Giroud gagne un duel aérien face à Boateng au milieu de terrain et file seul au but, mais attend trop et Höwedes tacle sa frappe en touche. Juste avant la pause, c’est Schweinsteiger, capitaine diminué dont on doutait de la présence sur le terrain, qui flanche et sort la main en avant devant Évra sur corner. Griezmann prend le portier allemand à contrepied, une petite danse et aux vestiaires.

Griezmann, la légende

Que faire de cet avantage d’un but à la pause ? Que faire de ce onze que, sans la main de Schweini et le sang-froid de Grizou, il aurait sans doute fallu changer ? Didier Deschamps ne se pose pas la question. Il respecte trop la victoire pour changer une équipe qui gagne. Il a bien conservé ce soir l’exacte formation qui a battu l’Islande en quarts, alors qu’il avait jusqu’alors toujours fait confiance à Rami, et que Kanté avait été l’un des meilleurs joueurs de ce début d’Euro. Donc, on ne bouge pas. Et donc, comme depuis le début de cet Euro, le coaching de Didier Deschamps à la pause est le bon, même quand il consiste à ne rien changer. Menés pour la première fois de la compétition, les Allemands gèrent mal la situation. Ils ne sont pas aidés par la blessure de Boateng, remplacé à l’heure de jeu. Löw sort Can, pourtant très bon en première période, pour Götze, six minutes plus tard. Deschamps en attend encore cinq pour faire son premier changement : Payet, pas éblouissant pour une fois, laisse sa place à Kanté. Le match est plus tactique que jamais, et l’Allemagne va perdre sur ce terrain. Une minute après la sortie de Payet, Pogba accroche un ballon dans la surface allemande, joue avec Mustafi comme un chat avec une souris et centre. Neuer repousse du bout du gant dans les pieds de Griezmann qui inscrit son sixième but de la compétition.

La folie est totale. La France est en transe. L’Allemagne peut tout tenter. Kimmich frappe sur le poteau. Le reste n’est pas cadré. Schweinsteiger sort, Gignac vient participer à la fête, évidemment. Il rejoint un Griezmann transformé automatiquement par ce match en légende de l’équipe de France. Il rejoint ce dingue de Pogba. Il rejoint Tonton Pat’. Il rejoint le sphinx Lloris, qui s’offre une dernière parade magistrale sur une tête de Kimmich juste avant le coup de sifflet final. Il rejoint le newbie Umtiti, qui ne doit pas en revenir d’être là, et Moussa Sissoko, qui doit être un peu dans le même cas. Il rejoint la silhouette de grand oiseau d’un Koscielny impeccable, les gestes de capoeira de Matuidi et les centres de Sagna dont on a oublié s’ils étaient bons ou pas. Il rejoint, surtout, enfin, grâce à cette victoire et cette qualification en finale de l’Euro 2016, la grande histoire de l’équipe de France. Il ne reste plus qu’à en allonger le palmarès.

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