Estudiantes, les amants de Veron

« Depuis qu’il est tout petit, il sait ce que représente la Libertadores pour Estudiantes. Il sera à la hauteur, car il a très envie de remporter le trophée » . A voir les larmes de joie de Juan Sébastian Veron hier soir, on se dit que son père avait plutôt visé juste en déclarant cela il y a un mois. Car les Veron aiment l’Estudiantes de La Plata, et ça tombe bien, l’Estudiantes aime la Libertadores.

C’est une histoire de famille, mais une longue histoire. L’Estudiantes de La Plata est fondé le 04 août 1905 par des étudiants en médecine. Spécialistes de la dissection de rongeurs, ils sont à l’origine du surnom du club : les Pincharratas, les cloueurs de rats. Avec ça, leur réputation est faite. Le club va pourtant mettre du temps à se construire un palmarès digne de ce nom. Le club de La Plata, à 60 km de Buenos Aires, vit longtemps dans l’ombre des deux grands de la capitale, Boca Juniors et River Plate. La délivrance arrive à la fin des années 60 comme un coup de baguette magique…

« Si ve una Bruja montada en una escoba, ese es Verón, ese es Verón que está de moda… » (« Si vous voyez une sorcière montée sur un balai, c’est Verón, c’est Verón qui est à la mode »). Juan Sebastian pas encore né, son père avait déjà les honneurs de l’Estadio Ciudad de La Plata. Et pour cause, Juan Roman offre en 1968 sa première Copa Libertadores à l’Estudiantes, en marquant un but à chacun des trois matchs de la finale. Un premier trophée continental qui en appelle d’autres : 1969, 1970, le club reste roi d’Amérique du Sud, toujours avec la “Bruja” à la pointe de l’attaque.

Le club prend même une nouvelle dimension avec la victoire en Coupe Intercontinentale, en 1968, face au grand Manchester de Bobby Charlton et George Best. Le père Veron, qui plante son but à Old Trafford, se souvient : « Au début, le stade était un tel enfer que je n’entendais pas mes coéquipiers. Puis, il se tut à jamais » . L’année suivante, ce n’est plus la même chanson. L’Estudiantes perd cette coupe face au Milan AC. Dommages collatéraux : baston générale à la fin du match retour et trois joueurs de La Plata en taule pendant trente jours. C’était le bon temps, en Argentine…

Après cette époque dorée, plus rien. A peine deux championnats argentins, en 1982 et 1983. Mais c’est la disette totale à l’échelle continentale. Jusqu’au retour de Veron, le fils cette fois. Formé au club au début des 90’s, “la Brujita” (petite sorcière) rentre au bercail après son périple européen. Pour le natif de La Plata, c’est une seconde naissance. Il retrouve le goût du jeu, et les titres suivent. Championnat d’ouverture en 2006, trophée du meilleur joueur sud-américain de l’année 2008, puis la consécration hier soir avec la Copa Libertadores.

Trente-neuf ans après son père –toujours membre du club, au sein du comité directeur– Juan Sebastian Veron a pu soulever la fameuse Copa. Trop d’émotion pour le chauve argentin, il manque de l’éclater sur la pelouse. Peu importe, l’Estudiantes de La Plata est qualifié pour la Coupe du Monde des Clubs, à Abu Dhabi en décembre prochain. Comme son père, Juan Sebastian aura l’occasion d’emmener son club de cœur au firmament du football international. Reste à savoir s’il fera taire le stade ou s’il finira derrière les barreaux…