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Est-il risqué de regarder Leipzig-PSG dans un bar face au Covid ?
Cette Ligue des champions ne ressemble à aucune autre, en raison évidemment de l'épidémie de Covid qui a contraint à la délocalisation et au huis clos. L'une des alternatives pour les supporters parisiens serait justement de se retrouver dans un bar pour communier autour de cette demi-finale inespérée, sauf que le virus guette et gâche même la fête en ces lieux populaires de Paris.
Le bar qui diffuse le match. Un eldorado pour les esthètes, qui préfèrent payer leur pinte plutôt que leur abonnement à RMC ou désormais Téléfoot. Un espace d’éducation populaire pour la jeunesse, qui y découvre les joies de la communion collective. Le rade du coin comme la brasserie qui s’enrichit avec son cocktail hors de prix ont donc tous les atouts pour incarner, ce mardi soir, l’ultime refuge de ceux et celles qui désirent vivre une éventuelle qualification des hommes de Tuchel autrement qu’en engraissant Uber Eats ou en « hashtaghant » en boucle devant un streaming qui saute.
Sauf que la situation en région parisienne ne cesse de se détériorer, sur le terrain de l’épidémie. Pour faire court, après la fin du confinement, le relâchement des bonnes habitudes et le retour à la vie normale – surtout dans le monde du travail, et sans compter la circulation des vacances – ont permis un regain qui prend l’allure d’une courbe ascensionnelle. D’un coup, se retrouver collé-serré derrière un zinc les uns sur les autres peut apparaître comme un des vecteurs supplémentaires de contagion. Ou comment risquer la petite guirlande de clusters autour de cette rencontre, pourtant tant attendue par les amoureux du PSG et les rageux souhaitant son élimination.
Mettre les télés dehors ?
« Dans l’absolu, il faudrait mettre les télés dehors, sourit Yvon Le Flohic, médecin généraliste et épidémiologiste qui a consigné avec une vingtaine de spécialistes de santé une tribune pour rendre obligatoire le port du masque dans tous les lieux clos collectifs. De fait, il s’avère compliqué d’apporter une réponse définitive. Des comportements aggravants sont pourtant connus : crier ou parler fort, chanter et gueuler fort, sauter dans les bras de son voisin, oublier les gestes barrière… Forcément, le port du masque permet d’en limiter les effets, mais je me demande bien comment une obligation de ce genre va s’imposer lors d’un tel événement ? »
Le challenge se révèle en effet terrible, ce secteur économique ayant subi de plein de fouet l’arrêt de son activité durant plusieurs mois. Le retour de la clientèle a en outre coïncidé avec une envie très parisienne de partir prendre l’air, et en ce beau mois d’août, la capitale n’a jamais été aussi déserte à la suite de l’absence des touristes étrangers. Lesquels représentent, habituellement, une source de revenus non négligeable pour les vendeurs de limonade. « Nous avons moins de monde, c’est un fait, confesse Alloua, qui tient un bar rue Beaubourg où le foot sert un peu de ciment pour les fidèles. Même pour Lyon, c’était calme. Difficile de dire si c’est la faute du coronavirus ou du mois d’août, car c’est la première fois que la Ligue des champions se déroule en cette période. J’ai discuté avec les confrères du coin, on fait tous le même constat. »
À vos risques et périls ?
Un match comme ce PSG-Leipzig représente donc une occasion en or pour réaliser du chiffre, et pour repartir du bon pied. Mais il reste fort peu probable d’imaginer que les mesures de précaution, dont le port du masque, seront observées et strictement imposées auprès de ceux qui passeront de toute façon leur temps à ôter le petit bout de tissu pour descendre leur pression. Pourtant, il y a bien matière à s’inquiéter : tous les indicateurs basculent en effet dans le rouge.
« L’incidence est passée de 6 cas par millions d’habitants à 54, poursuit Yvon Le Flohic. Il se produit quelque chose et pour tout dire, nous allons sauter dans le vide dans quinze jours avec la rentrée. Car les principaux clusters se situent par exemple dans les entreprises, sans parler des classes dans les écoles. Il ne faut pas oublier que la Californie, par exemple, a de nouveau fermé les bars et les restaurants. Le port du masque reste le principal frein, les pays qui l’ont généralisé au moins dans les lieux publics – comme la Corée, ou le Vietnam – sont à moins de dix morts par million d’habitants quand nous en atteignons 490 chez nous. Mais une fois encore, ce n’est pas aux patrons d’établissement ni aux individus de prendre les décisions. La responsabilité incombe aux pouvoirs publics, qui doivent indiquer clairement le sens de la marche et les restrictions. » De là à se dire que l’habitué du bar ira soutenir le PSG à ses risques et périls…
Par Nicolas Kssis-Martov