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Est-ce vraiment un avantage de recevoir au match retour en Coupe d’Europe ?

Par Adrien Candau
Est-ce vraiment un avantage de recevoir au match retour en Coupe d’Europe ?

Après les récents coups d'éclat de l'Ajax en C1, qui semble se sentir plus à l'aise loin de ses terres que dans son antre de la Johan Cruyff ArenA, la question de la légitimité de la règle du but à l'extérieur, qui vaut double en C1 comme en C3 lorsque les deux formations sont à égalité, est doucement, mais sûrement remise sur la table. Tout comme l'idée que jouer à domicile au match retour d'une rencontre éliminatoire de Coupe d'Europe serait un avantage incontestable. Le bon moment pour se plonger dans quelques statistiques, afin de tenter de démystifier l'ensemble.

En 2017, la Juventus, facétieuse, avait comme décidé de planter un embryon de doute dans les esprits des amoureux de la grande Europe. Dominée 3-0 par le Real Madrid à domicile en quarts de finale de l’épreuve, la Vieille Dame plantait trois pions au Bernabéu, avant de seulement craquer dans les ultimes instants du match, sur penalty. Rebelote cette saison, avec Tottenham, qui tenait tête à Manchester City, en ne perdant que d’un petit but, 4-3 à l’Etihad Stadium, encore en quarts de finale de l’épreuve reine, et parvenait à décrocher son ticket pour le dernier carré. Quant à l’Ajax, on l’a vu battre successivement le Real puis la Juventus à l’extérieur, après avoir perdu face aux Madrilènes, puis concéder le nul contre les Piémontais, les deux fois lors du match aller. À se demander si jouer à domicile au match retour d’une rencontre éliminatoire de Coupe d’Europe, une configuration qu’on nous a souvent vendue comme attractive, constitue réellement un avantage pour l’équipe qui reçoit aujourd’hui.

Déplacements cauchemars

Un peu d’histoire, avant de se fourrer le museau dans les chiffres. L’idée selon laquelle jouer à domicile constituerait un avantage substantiel lors des joutes continentales a en quelque sorte été institutionnalisée par l’UEFA, en 1965. Soit l’année d’adoption de la fameuse règle du but à l’extérieur, qui vaut désormais double en cas d’égalité lors d’une confrontation directe en Coupe d’Europe. Cette règle est d’abord introduite dans la défunte Coupe des vainqueurs de coupes, avant d’être généralisée à l’ensemble des compétitions UEFA de clubs au début des années 1970. Une révolution nécessaire : à l’époque, les configurations où deux équipes se neutralisent lors d’un match aller-retour accouchent d’une rencontre d’appui, puis d’un tirage au sort, si elles sont encore incapables de se départager.

Trop long, trop fastidieux. Il faut changer. D’autant plus que, dans les années 1960 et 1970, voyager à l’échelle continentale relève encore de la petite aventure : les déplacements ne sont ni rapides ni bon marché, les terrains sont d’une qualité pour le moins variable, les conditions de jeu pas toujours optimisées, en fonction de l’adversaire affronté. S’imposer à l’extérieur ressemble alors à un périlleux exercice de style, comme le montraient des statistiques exhumées par la BBC la saison dernière : avant l’introduction de la règle des buts à l’extérieur, seulement 19% des matchs des matchs de coupes d’Europe étaient remportés par une équipe à l’extérieur (pour 21% de matchs nuls et 59% de défaites), tous matchs de C1, C2 et C3 confondus, lors de confrontations directes. Comprendre : gagner, et in extenso marquer à l’extérieur, est plus difficile et mérite par conséquent d’être récompensé.

Illusion chiffrée

Une notion qui perdure encore aujoud’hui. Où l’on persiste souvent à dire que l’équipe qui recevrait au retour d’un duel éliminatoire européen serait en position avantageuse : prétendument plus forte à domicile, elle pourrait à l’occasion s’appuyer sur un résultat à l’extérieur relativement favorable (un match nul, 1-1 voire 2-2 par exemple) pour exercer une forme de contrôle renforcé sur la rencontre jouée dans son antre. Voilà qui peut ressembler à un concept fumeux, notamment si on épluche les résultats de la C1 en cours. Une cuvée 2018-2019 où l’Ajax a donc baffé le Real et la Juve à l’extérieur en huitièmes puis en quarts, mais aussi où le PSG, Dortmund et le Bayern, ont tous été éjectés de l’épreuve dès les huitièmes de finale, après avoir pourtant bénéficié du soi-disant avantage de recevoir lors du match retour. Il vaut cependant mieux prendre un peu de hauteur de vue, pour se rendre compte que recevoir lors du match retour, aussi bien en C1 qu’en C3, n’a a priori rien d’un avantage monstrueux : depuis la saison 2004-2005, 51,1 % des équipes qui ont reçu au match retour se sont qualifiées lors des joutes continentales.

La C1, un cas à part

Le constat est cependant à relativiser pour la seule Ligue des champions : en C1, pas moins de 62% des équipes recevant au match retour ont remporté leurs quarts de finale depuis 2004-2005. Ce chiffre est encore plus important pour les équipes recevant au retour lors des huitièmes de finale, mais il est faussé par le format moderne de la C1, où les premiers de groupe, qui sont souvent les équipes les plus performantes, ont gagné le droit de recevoir les seconds de groupe, lors du deuxième match. Néanmoins, l’avantage supposé de l’équipe qui accueille en deuxième semble invalidé par un autre chiffre : 39%, comme le pourcentage des équipes recevant au retour des demi-finales de C1, qui parviennent effectivement à se qualifier en finale, depuis 2004-2005. Ce chiffre descend même à 33% pour les équipes ayant atteint le dernier carré de la C1, sur la période 2014-2018. En d’autres termes, les plus grandes équipes, celles qui atteignent les demi-finales, ne semblent que peu affectées par la configuration d’un duel aller-retour, quel qu’il soit.

Plus globalement, si on fait la moyenne des résultats observés en quarts et demi-finales de C1 depuis l’exercice 2004-2005, 54% des équipes recevant au retour sont parvenues à se qualifier. Un chiffre trop intermédiaire pour trancher en faveur du maintien ou de la suppression de la règle stipulant qu’un but à l’extérieur doit compter double en cas d’égalité. Ou même pour totalement invalider l’idée que recevoir au retour d’un duel européen peut constituer un léger avantage. Tottenham, battu sur ses terres la semaine dernière, ferait en tout cas bien de ne pas trop ruminer une statistique qui fait mal : sur 17 précédents en demi-finale de Ligue des champions, seule une équipe est parvenue à se qualifier pour la finale, après avoir perdu son match aller à domicile : l’Ajax, en 1995-1996.

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