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Est-ce vraiment le Mondial des Latinos ?

Par Thomas Goubin
Est-ce vraiment le Mondial des Latinos ?

Alors que le 8e de finale Colombie-Uruguay démarre sous peu, il se dit que les Latino-Américains cartonneraient car ils se sentent un peu comme chez eux au Brésil. Et si la réalité était plus complexe, et le raz-de-marée latino à nuancer ?

C’est un fait, les sélections latino-américaines ont déjà réussi leur Mondial. Sur les seize sélections présentes en huitièmes, sept viennent ainsi du Sud du Rio Grande : Mexique, Brésil, Argentine, Chili, Colombie, Costa Rica, et Uruguay. Devant ce phénomène, la Vieille Europe, amputée dès le premier tour de trois de ses plus augustes représentants (Espagne, Italie, Angleterre), s’interroge, et à défaut de se remettre en question, envoie de la réponse péremptoire. Tour à tour ont été évoqués le support massif de leurs supporters, qui donne l’impression à ces sélections de jouer à domicile, les conditions climatiques, et parfois une envie de défendre le maillot national plus forte qu’en Europe.

Considérer l’Amérique latine comme un tout est forcément réducteur, mais pour Adrian Gutiérrez, directeur des sélections nationales du Costa Rica, la grande surprise latino de ce premier tour, un dénominateur commun relie bien toutes ces nations : « Au Brésil, nous séjournons dans un pays dont les coutumes sont similaires aux nôtres, qui parle une langue proche de la nôtre, et on sent que le peuple brésilien nous a pris dans ses bras alors qu’il voit le reste des pays des autres continents comme des ennemis. » Si l’on met de côté le cas argentin, ennemi historique du Brésil, les supporters locaux présents en tribunes choisissent clairement le camp latino-américain. Et comme jouer à domicile a toujours constitué un avantage, même si cela ne garantit rien… « Le climat est aussi un élément favorable, poursuit Gutiérrez, nous avons joué à Fortaleza, et Recife, où le climat est similaire à ce qu’on connaît l’été au Costa Rica : la chaleur intense, l’humidité. Quant à Belo Horizonte, son climat est très similaire à celui de notre capitale, alors qu’on se sent moins à l’aise avec des températures basses. » En huitièmes, les Ticos, opposés à la Grèce, retrouveront la chaleur humide de Recife, la même dans laquelle ils se préparent à Santos. De quoi se sentir comme à la maison.

De la doctrine Monroe à la liste Clinton

Reste que la météo brésilienne, comme la latino-américaine, n’a rien d’uniforme. Les Italiens peuvent ainsi légitimement se plaindre d’avoir souffert dans la torpeur de Natal, mais il semble difficile d’argumenter que le climat local ait avantagé l’Uruguay, alors qu’un joueur formé à Montevideo a davantage l’occasion de sortir le pull et la veste qu’un Napolitain. Les joueurs de la Celeste ont ainsi dû davantage se sentir dans leur élément à São Paulo lors de leur rendez-vous face à l’Angleterre, un jour pluvieux où il fallait sortir sa petite laine, un climat peut-être britannique, mais qui pouvait aussi ressembler à celui d’un printemps uruguayen. Au Brésil, l’hiver vient de débuter.

« Jouer au Brésil, c’est un peu comme jouer à la maison, on partage une manière de vivre, d’être. » Voilà ce que nous déclarait l’Équatorien Jefferson Montero, avant le début de la Coupe du monde. Clairement, l’Amérique latine partage des références culturelles et une histoire, qui est avant tout celle d’une domination. Celle des colons européens d’abord, puis des États-Unis, de la doctrine Monroe à la liste Clinton, en passant par le plan Condor. « Je suis tout ce qu’il reste de ce qu’ils ont volé, (…) je suis Maradona qui marque deux buts face aux Anglais » , chante ainsi Calle 13 dans une chanson dédiée à l’Amérique latine, où l’énoncé de souffrances communes côtoient un orgueil de « marcher même sans pieds » . Une certaine définition de la fraternité latino-américaine.

America latina de Calle 13

Sociétés en règle générale violentes et marquées par des inégalités sociales criantes, les nations latino-américaines ne sont pas non plus que cela. Le Mondial constitue alors pour ces pays, surtout les plus petits, une occasion rare de bien faire parler de soi, et pas seulement quand la compétition globale se joue « à domicile » . Les joueurs honduriens, représentants d’un territoire stigmatisé pour afficher le plus haut taux d’homicide au monde (hors zone de conflit), n’ont ainsi jamais caché vouloir profiter du Mondial pour donner une image positive de leur pays. Une motivation extra qui n’a pas suffi à pallier les carences techniques des Catrachos. Quant à l’Équateur, s’il se sentait comme à la casa, il s’est pourtant montré plus frileux que lors de ses convaincants éliminatoires et n’a pas passé le premier tour.

Mais à force de parler température, ambiance ou cuisine, ne passerait-on pas à côté de l’essentiel ? Et si la réussite des Latino-Américains était avant tout une question sportive ? Deux sélections disposent ainsi sans doute de la meilleure génération de joueurs de leur histoire : la Colombie, même si elle est amputée de Falcao, et le Chili. La plupart de leurs joueurs évoluent en Europe, et plutôt chez des équipes de haut de tableau que chez des galériens. Le Mexique, malgré une campagne de qualification pathétique est, pour sa part, un abonné aux huitièmes de finale. Avec l’Allemagne et le Brésil, El Tri est la seule sélection à voir systématiquement le deuxième tour depuis 1994. L’Uruguay, quant à lui, voit récompenser la continuité donnée au travail d’Óscar Tabárez, en poste depuis 2006. Battu d’entrée par le Costa Rica, seule réelle surprise latino-américaine de ce Mondial, l’Uruguay est finalement passé en utilisant 19 de ses 20 joueurs de champ, ce qui doit davantage à l’organisation du football charrua qu’à sa profondeur de banc. Depuis le début du cycle Tabárez, des principes de jeu commun ont ainsi été enseignés, des sélections de jeunes jusqu’à la Celeste. Une manière de comprendre, par exemple, comment le jeune José Giménez, (19 ans) qui n’avait disputé qu’un match avec l’Atlético Madrid cette saison, a semblé si à l’aise au moment de remplacer capitaine Lugano. Le niveau de compétence des sélectionneurs latino-américains peut également être mis en avant. Qui doute ainsi que Jorge Sampaoli ne va voir affluer les offres d’Europe au terme du Mondial, comme Bielsa avant lui ?

Plus de représentants au départ

Malgré un fort taux de réussite, le raz de marée latino-américain est toutefois à nuancer. Il faut ainsi rappeler que les nations coincées entre le Rio Grande et la Terre de feu étaient plus nombreuses sur la ligne de départ en 2014 qu’en 2010. Plus facile alors de se pointer en nombre en huitièmes. L’Amérique du Sud disposait ainsi automatiquement d’un billet de plus avec la qualification d’office de l’organisateur brésilien. Enfin, la CONCACAF s’était vu faciliter la tâche avec un barrage programmé face au vainqueur de la zone Océanie, plutôt que face au cinquième de la zone CONMEBOL, comme en 2010. Pour valider son billet pour le Brésil, le Mexique a ainsi facilement disposé de la Nouvelle-Zélande, alors qu’en 2010, le Costa Rica s’était cassé les dents sur l’Uruguay. À s’en tenir à une vision purement statistique, le Mondial des Latino-Américains est d’ailleurs, pour le moment, moins bon que celui d’Afrique du Sud, où ils avaient fait six sur sept (Honduras seul éliminé au premier tour), pour sept sur neuf au Brésil. Indéniablement, les sélections latino-américaines évoluent au Brésil dans un environnement porteur. « C’est important, car dans une compétition courte, le facteur émotionnel peut devenir capital » , assure ainsi Adrian Gutiérrez. Mais le plus surprenant dans cette histoire n’est-il pas que les Européens, qui s’arrachent les meilleurs Latinos à chaque mercato et en peuplent leurs meilleures équipes, s’étonnent ensuite de leur réussite en Coupe du monde ?

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