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Est-ce le meilleur Monaco de l’histoire ?
Depuis le début de saison, Monaco séduit par son jeu offensif, impressionne par les valises qu'il distribue sur la scène nationale. Et a su conquérir l'Europe avec sa défaite sublime à Manchester City. Serait-on en train de voir la plus belle équipe que la Principauté ait jamais connue ? Deux anciens de la maison, Christophe Pignol et Bruno Bellone, apportent des éléments de réponse.
L’entraîneur : Jardim vs Wenger
Leonardo Jardim est un entraîneur de talent, en train de bâtir une machine de guerre à Monaco. Mais il reste, contrairement à Claudio Ranieri, débarqué en 2014, un pari sur lequel a misé l’ASM. Un technicien dont la carrière ressemble à celle d’Arsène Wenger dans les années 80 ou de Deschamps et Puel des années 2000. Trois coachs alors plus proches du début que de la fin, au potentiel évident, mais au CV à remplir. Ce qu’ils ont plutôt bien fait chacun de leur côté, avec des trajectoires variées, Wenger en bâtisseur à Arsenal, Deschamps en homme de résultats à la Juventus et en équipe de France, et Claude Puel en post-formateur talentueux à Lille ou Nice. Seule grosse différence : Jardim n’a pas eu l’envergure de joueur des deux derniers cités. Ce qui le rapproche de Wenger, mais il faudra au moins une décennie de plus pour savoir qui de l’Alsacien ou du Portugais restera dans les archives comme le meilleur entraîneur.
L’avis de l’ancien, Christophe Pignol : « Difficile de comparer les entraîneurs, et c’est difficile de dire si Leonardo Jardim est meilleur que Tigana ou que Wenger. On le connaissait peu à son arrivée, il a eu des débuts mitigés, car son équipe était assez défensive au début. Mais il faut lui reconnaître qu’il est excellent dans la gestion de son effectif. Il n’a pas encore un énorme palmarès, mais il a su utiliser ses joueurs à bon escient, les lancer au bon moment, et finalement, il a permis à certains comme Mbappé ou Bernardo Silva de progresser très vite. C’est une marque de grande qualité. »
Gardien : Subašić dans l’ombre de Barthez
Subašić est un excellent gardien, mais peut-être aussi pas loin d’être le maillon faible du Monaco actuel, notamment parce qu’il est capable d’exploser dans les grands matchs et cela s’est vu contre Manchester City. Une défaillance qui a coûté très cher et pousse l’ASM à un exploit la semaine prochaine. Le Croate est un très bon, un excellent, mais pas un grand comme pouvait l’être Fabien Barthez en 1997 ou 2000. Même Jean-Luc Ettori, à son époque, était un maillon fort et très fiable de l’ASM, malgré une aura internationale plus faible que « Fabulous Fab » . Mais pas de fatalité pour Subašić : en 2004, Monaco a disputé la finale de la Ligue des champions avec Flavio Roma dans les buts, un gardien au profil comparable au Croate en 2017.
L’avis de l’ancien, Christophe Pignol : « Difficile pour Subašić de tenir la comparaison avec Fabien Barthez. Mais en même temps, des gardiens de la trempe de Barthez, il y en a peu, et Monaco n’en aura peut-être plus jamais. En tout cas, ils n’auront jamais les moyens de se payer un gardien de ce niveau, ils ne pourront que le former ou le découvrir avant qu’il atteigne son meilleur niveau. Mais Subašić est loin d’être un mauvais gardien, même s’il a raté son match à City. En championnat notamment, il leur a permis de rester en vie dans pas mal de matchs et de gagner des points. »
Défense : du talent, mais pas assez de vice ?
La défense des grandes équipes monégasques est souvent virile, expérimentée et n’hésite pas à mettre la semelle. Avec des hommes faits, à la mine patibulaire ou par défaut la capacité à hausser le ton ou montrer les dents, comme Franck Dumas dans les années 90. De quoi faire flipper l’adversaire, intimider un attaquant trop audacieux ou un créateur trop imprévisible. Mais cette composante « méchante » est aujourd’hui essentiellement incarnée par Glik et Raggi à Monaco. L’un titulaire indispensable, l’autre remplaçant de luxe. Pour le reste, cette ASM est plus un centre de post formation avec deux latéraux à dégrossir (Sidibé et Mendy), et un second central, Jemerson, pas encore à son meilleur niveau. À l’image du milieu actuel : talentueux, gros potentiel, mais peut-être pas encore assez mature.
L’avis de l’ancien, Bruno Bellone : « Difficile de comparer les époques, les footballs ont changé et aujourd’hui, un club comme Monaco n’a pas le budget pour garder indéfiniment ses meilleurs joueurs comme pouvait le faire l’ASM dans les années 80 ou 90. Le seul moyen de savoir si cette défense est meilleure que celles du passé, ce sera de juger au palmarès, et pour l’instant, ce Monaco n’a rien gagné. Ils en ont pris cinq à City (5-3), mais je pense qu’ils peuvent passer au retour. Si c’est le cas et qu’ils sont également champions, il n’y aura pas lieu de critiquer cette défense qui sert une équipe ultra offensive, avec des latéraux qui montent beaucoup plus qu’à mon époque. »
Milieux : trop talentueux, pas assez méchants ?
En matière de talent brut, Monaco a rarement connu telle profusion. Peut-être l’équipe de 2000, avec Lamouchi, Giuly, Gallardo et Costinha, voire celle de 1992 avec Djorkaeff, Rui Barros, Claude Puel, Marcel Dib ou Gérald Passi. Mais a contrario, ce milieu est aujourd’hui très jeune quand les grandes équipes de l’ASM se sont appuyées sur plus de maturité dans l’entrejeu. Si Monaco maintient ce milieu deux ou trois saisons de plus, cela peut faire mal. Sinon…
L’avis de Christophe Pignol : « Lemar, Bernardo Silva, Bakayoko… Il y a énormément de super talents dans cette équipe, des joueurs qui vont aller très haut. À Monaco ? Pour le moment, ils sont encore perfectibles, ils manquent un peu d’expérience, et c’est pourquoi ils ont pu exploser à City. Une équipe plus expérimentée aurait su gagner. Dans les précédentes équipes de Monaco, il y avait plus de guerriers derrière et au milieu, des joueurs capables d’aller au combat, de calmer le jeu quand les choses allaient moins bien. Aujourd’hui, Monaco a une superbe équipe de techniciens, mais il faut aussi savoir réagir dans des situations plus difficiles. »
Attaque : Falcao comme Anderson, Mbappé comme Henry
L’alliance entre expérience et jeunesse talentueuse, c’est un peu une tradition à l’ASM. Qui ressemble beaucoup à ce que Monaco a connu du milieu des années 90 à sa dernière finale européenne en 2004. Mbappé dans la lignée de Henry ou Trezeguet, Falcao dans le rôle de Sonny Anderson, Simone ou Morientes. Mais l’attaque actuelle a peut-être plus de profondeur avec Valère Germain ou Guido Carrillo qui sont également à un très bon niveau, quand les finalistes de 2004 faisaient avec le vaillant Pršo. La ligne d’attaque actuelle fait penser au Monaco de 1997, qui pouvait compter sur Henry, Anderson et Ikpeba pour se relayer.
L’avis de Bruno Bellone : « J’adore Falcao, qui revient à son meilleur niveau. Avec lui, cela peut faire but dans n’importe quelle position. Et Kylian Mbappé à côté, ça va très vite. Il ne faut pas sous-estimer la valeur de cette attaque. Marquer plus de 100 buts dans une saison, c’est la preuve d’un niveau exceptionnel. Et en plus, ils sont complémentaires entre le renard Falcao, la flèche Mbappé et un Valère Germain très collectif et intelligent dans ses déplacements. L’attaque actuelle de Monaco, c’est peut-être ce que le club a connu de mieux, dans la lignée d’Henry, Weah ou Anderson. »
Par Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par NJ