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Espagne : quand elles disent non à la sélection, c’est non !
Les championnes du monde avaient prévenu : pas de changements significatifs au sein de la fédération, pas de retour en sélection. Et tant pis si les prochains matchs sont qualificatifs pour les Jeux olympiques. Alors ce vendredi, la majorité des joueuses ont dit non, non à un retour dans une sélection qui n’a pas su se remettre en question.
Depuis le 20 août dernier et le sacre de l’Espagne en Coupe du monde, rien n’a plus jamais été pareil. Enfin, dans la tête des joueuses espagnoles. Elles qui s’étaient désunies il y a un an, alors qu’elles réclamaient déjà des changements importants, ont décidé cette fois-ci de faire bloc, quitte à sécher un rassemblement de septembre où se jouent les deux premiers matchs de Ligue des nations, qualificative pour les JO de Paris. Dès le 25 août et après le discours lunaire de Luis Rubiales devant l’assemblée générale de la fédération espagnole, les 23 championnes du monde dégainaient un communiqué annonçant qu’elles se retiraient de la sélection dans l’attente de « changements structurels ». Presque un mois plus tard, seuls deux ont été opérés : Luis Rubiales, (ex) président de la RFEF, a mis trois semaines à démissionner après son baiser forcé à Jenni Hermoso, et Jorge Vilda, ex-sélectionneur de la Roja féminine, a été débarqué quinze jours après la fin du Mondial, remplacé par son adjointe, Montse Tomé. Des changements au compte-gouttes jugés insuffisants par celles qui signent aujourd’hui un nouveau communiqué.
« Changer radicalement la direction de la fédération »
« Nous croyons fermement qu’il est nécessaire de changer radicalement la direction de la RFEF et en particulier dans le domaine du football féminin », écrivent 21 des 23 championnes du monde – toutes sauf Claudia Zornoza et Athenea del Castillo – dans un communiqué tardif qui scelle leur absence pour les matchs face à la Suède et la Suisse (22 et 26 septembre). À 16 heures, Montse Tomé, choisie par Jorge Vilda comme successeur et promise au poste depuis des mois par Luis Rubiales, devait donc donner sa toute première liste. Mais il faudra encore attendre et surtout faire sans les 39 signataires, s’ajoutant aux mondialistes celles qui étaient déjà de « Las 15 » il y a un an et des petites nouvelles, comme Jana Fernandez et Inma Gabarro. La preuve que la solidarité est intergénérationnelle. Les joueuses demandent explicitement la restructuration du football féminin espagnol, du cabinet de la présidence et du secrétariat général, de la communication et du marketing, du département d’intégrité et la démission du président de la RFEF.
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— Alexia Putellas (@alexiaputellas) September 15, 2023
Comprendre que les proches de Luis Rubiales, ceux qui ont permis toutes ces dérives et ont applaudi le discours de l’ex-président lors de l’assemblée, quittent la fédération. Andreu Camps, secrétaire général de la RFEF et bras droit de Luis Rubiales toujours en poste, fait partie des cadres de la fédération visés par le discours des joueuses. Il s’était déjà montré intraitable vis-à-vis des réclamations des joueuses il y a un an lors des premières réclamations. Il est aussi celui qui avait demandé à l’UEFA de suspendre la fédération espagnole et donc d’éliminer de fait la Roja de l’Euro et les clubs espagnols des Coupes d’Europe. Rafael del Amo, président du comité pour le football féminin qui a démissionné après le discours de Luis Rubiales, mais est revenu dès la nomination du président intérimaire Pedro Rocha, n’aurait lui non plus pas les faveurs du groupe. Pour tenter de convaincre les joueuses de revenir en sélection, il leur aurait notamment assuré que Montse Tomé prendra la charge de l’équipe uniquement pour les deux matchs à venir, alors qu’il a déclaré à la COPE qu’elle serait là jusqu’aux JO.
Tolérance zéro
Les joueuses n’oublient pas non plus toute la séquence après le baiser forcé à Jenni Hermoso et demandent aussi des départs au sein du département de communication de la fédération, qu’elles jugent responsable des fausses déclarations prêtées à Jenni Hermoso sur le baiser forcé de Luis Rubiales et de la fuite dans la presse du mail de Las 15 l’année dernière. Le comité d’éthique de la sélection, qui ne s’est jamais saisi du dossier Rubiales malgré des images en 4K, figure aussi dans le lot des indésirables. Dans leur communiqué, les 39 signataires expliquent qu’en l’espace d’un mois, plusieurs réunions ont eu lieu avec la fédération pour demander des « changements que nous considérons comme fondamentaux pour aller de l’avant et parvenir à une structure qui ne tolère pas ou ne participe pas à de tels actes dégradants ». Elles réclament « une tolérance zéro envers les personnes qui, depuis une position au sein de la fédération, ont eu, incité, caché ou applaudi des attitudes qui vont à l’encontre de la dignité des femmes ». Des appels jamais entendus par leurs dirigeants, qui ont eu un mois pour anticiper l’éventualité qui se pose aujourd’hui comme une fatalité : les championnes du monde ne reviennent pas, obligées de prendre leurs responsabilités face à une fédération qui ne les écoute toujours pas.
Par Anna Carreau