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Mais dans quelle crise s’est encore embourbée la fédé espagnole ?
La Fédération espagnole de football a été réveillée mercredi matin par la police nationale, en quête de documents dans le cadre d’une enquête pour corruption, malversation et blanchiment. Une visite surprise qui témoigne des restes des années Luis Rubiales, aujourd’hui sous le coup d’un mandat d’arrêt.
La scène est cocasse. Mercredi, alors que la sélection espagnole masculine s’entraînait sur les terrains de Las Rozas, en banlieue de Madrid, des agents de la Guardia Civil ont débarqué pour perquisitionner le siège de la fédération ibérique de football. « Ça nous a pris un peu par surprise, on était en train de s’entraîner et on a découvert ça après, rembobinait Rodri, capitaine de la sélection, en conférence de presse jeudi, avant d’affronter la Colombie en amical. On vit un moment où il y a déjà trop de sujets extrasportifs et nous sommes devenus experts dans l’art de nous isoler dans ce genre de choses. »
Le pirate des Caraïbes
Évidemment, on retrouve dans cette affaire le nom de Luis Rubiales, mis à la porte après son baiser forcé à Jenni Hermoso lors du sacre des Espagnoles en finale de Coupe du monde. L’UCO (unité d’opération de la police espagnole chargée de mener l’enquête sur des délits tels que les crimes organisés, la corruption, les homicides et les séquestrations à niveau national), a mené un vaste coup de filet à travers l’Espagne mercredi. Et ce dans le cadre d’une enquête pour « blanchiment de capitaux, malversation, corruption entre particuliers et (désormais) usage de paradis fiscaux » autour du contrat conclu par la RFEF – époque Rubiales – pour délocaliser la Supercoupe d’Espagne en Arabie saoudite.
Au total, six personnes – toutes en lien avec la fédération – ont été arrêtées, et d’autres perquisitions ont été menées à travers l’Espagne, notamment à l’Estadio de La Cartuja de Séville, où la sélection joue la plupart de ses matchs à domicile, et au domicile du fameux Luis Rubiales, à Grenade. Pas de bol, le chauve le plus détesté d’Espagne était absent puisqu’il se la coulait douce en République dominicaine, où il aurait atterri le 21 février pour des « activités liées au baseball », selon Marca. Ce qui lui vaut un mandat d’arrêt de la justice espagnole et un soupçon de fraude fiscale, la petite île des Caraïbes étant réputée pour ses avantages en matière d’impôts. The Objective révèle en plus vendredi que Francisco Javier Martín Alcaide, ou plus simplement « Nene », un ancien joueur et ami intime de Rubiales, a créé une société offshore en République dominicaine quelques jours seulement après la démission de son compère.
Petits arrangements entre amigos
Une accusation parmi tant d’autres, finalement, pour cette fédération qui croule sous les unes assassines de journaux. Jeudi, Marca, pourtant habitué à cajoler l’institution, titrait « La fédération royale honteuse de football ». Le quotidien madrilène précise que l’enquête concerne « des contrats irréguliers sur les cinq dernières années » : pas seulement celui qui avait envoyé la Supercoupe en Arabie saoudite pour quelque 40 millions d’euros par an, via un accord dans lequel la société Kosmos de Gerard Piqué (pas visée par la perquisition de mercredi) avait servi d’intermédiaire. Et avait empoché plusieurs millions d’euros de commission au passage. Les enquêteurs s’intéressent aussi aux travaux de rénovation du stade de la Cartuja, effectués en partie par Gruconsa, société à laquelle appartient Ángel González Segura (aussi en charge des infrastructures de la RFEF), et à son financement, dont les 5 millions d’euros filés « exceptionnellement » par la communauté autonome d’Andalousie pour retaper l’enceinte qui accueillera des matchs du Mondial 2030. Ce beau petit monde est aussi accusé d’avoir « recours à des paradis fiscaux », en raison d’accords passés avec des entreprises du secteur des cryptomonnaies.
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— Carlos Carpio (@Carpio_Marca) March 20, 2024
Dans un communiqué publié mercredi soir, la Fédération espagnole a assuré avoir « offert sa pleine collaboration » aux forces de police et à la justice et a ajouté « avoir appelé à une transparence totale au sein de l’instance qui dirige le football espagnol ». « À ce titre, elle souhaite que l’enquête en cours se déroule sans entrave jusqu’à son aboutissement », poursuit la RFEF. Pourtant l’agence espagnole EFE rappelle que si les policiers en sont arrivés à mener 12 heures de perquisition au sein du siège de la fédé, c’est justement parce que les documents qui ont été demandés à plusieurs reprises à l’institution n’ont jamais été remis. Toujours dans sa volonté de « transparence », les deux seuls dirigeants encore détenus dans le cadre de l’enquête, Tomás González Cueto, conseiller juridique extérieur de la RFEF et bras droit de Luis Rubiales, et Ángel González Segura, ont refusé de témoigner vendredi, lors de leur présentation au tribunal de Majadahonda.
Espagne-République dominicaine, le Rubialesico
Luis Rubiales, lui, est toujours en République dominicaine et a fait savoir à la juge en charge du dossier, Delia Rodríguez, qu’il se rendrait disponible auprès des tribunaux de la capitale espagnole le 6 avril prochain, ou avant si besoin. Déjà sous enquête pour d’autres affaires de week-end à New York ou parties fines payés par la fédération, l’ex-dirigeant de 46 ans a déclaré auprès de Telecinco être « complètement surpris par tout ça » et assure à El Español n’avoir « rien fait de mal » et n’avoir « rien à cacher ». « Je travaille ici depuis des mois, en République dominicaine, et je suis ici depuis un mois. Ma famille était même sur le point de prendre l’avion pour venir passer Pâques avec moi », témoigne celui qui aurait pour objectif d’obtenir la nationalité dominicaine pour « faire des affaires » là-bas, selon Marca. Le timing de cette perquisition repousse provisoirement l’élection de son successeur à la tête de la RFEF, puisqu’elle a eu lieu quelques heures avant que la commission chargée de les organiser ne se réunisse pour annoncer la date du vote. En attendant, l’Espagne prépare son Euro et ses JO, lors desquels la Rojita affrontera… la République dominicaine.
Par Anna Carreau