Erwan, trois mois après, comment vas-tu ?
Honnêtement, ça va. Je me suis remis totalement de mes différentes blessures et j’ai reçu mes derniers soins dentaires jeudi matin. Je suis revenu avec le groupe progressivement et aujourd’hui, je m’entraîne normalement après de longues semaines de convalescence. Ça fait du bien.
De quoi te souviens-tu exactement, sur cette 70e minute face à Clermont, le 24 janvier dernier ?
Absolument de tout. Je n’ai pas eu de perte de connaissance, on le voit sur les images. Je sors juste du terrain complètement sonné, et les pompiers sont arrivés rapidement pour me prendre en charge. Tout a été très vite.
Qu’est-ce que tu te dis à ce moment-là ?
On ne pense pas tellement sur le coup, mais je n’ai en aucun cas pensé que la suite de ma carrière était en jeu. Je sentais que j’avais des bouts de peau arrachés, des dents cassées et possiblement une fracture du nez. Surtout qu’il n’y a pas eu de diagnostic rapide.
Et là, un membre du club te montre une photo sur son téléphone portable pour que tu vois ton visage…
Oui, et je me dis « ah ouais quand même ! » Jusqu’ici, je ne m’étais pas vu et je ne pensais pas que c’était aussi grave, qu’un simple choc sans trop de gravité. Et rapidement, je me suis mis à gonfler énormément, j’avais des poches sous les yeux, des hématomes sur le visage et j’ai pris conscience que c’était du sérieux.
Jacques Salze, avec qui a eu lieu le contact, a-t-il essayé de te recontacter pour s’excuser ?
Juste après le match, Jacques est venu me voir pour s’excuser de son geste. Il n’est pas resté longtemps, seulement quelques secondes. Je ne lui en veux pas, ce sont des choses qui arrivent sur un terrain de football. Avec le temps, on prend du recul et on relativise. Il a essayé de me contacter plusieurs fois ensuite et m’a même envoyé des fleurs récemment.
Mes parents devaient partir à la Réunion le lendemain du match et ils ont annulé directement leur voyage.
Comment s’est passée la suite ?
J’ai été hospitalisé directement pendant six jours au CHU de Clermont après le diagnostic : des fractures du nez, du plancher orbital et de la mâchoire, une demi-douzaine de dents arrachées, une entorse du rachis crânien plus les plaies aux gencives et au palais. On devait m’opérer rapidement de la mâchoire. Je n’ai rien pu faire pendant trois semaines et je devais avoir la bouche fermée pendant un mois. C’était terrible. Heureusement, j’ai reçu énormément de soutien de la part des dirigeants, de mes coéquipiers et des supporters. Mais aussi des SMS ou des mails de personnes que je ne connaissais même pas.
Quand on voit cette photo de toi qui circule partout, comment réagit l’entourage ?
Toute ma famille a été extrêmement choquée par ce qu’il s’est passé. Mes parents devaient partir à la Réunion le lendemain du match et ils ont annulé directement leur voyage. Très franchement, j’avais peur aussi pour mon petit de 15 mois. Il aurait pu être effrayé de voir son père avec le visage aussi ravagé, mais je pouvais sourire donc ça allait. Et ma compagne a été formidable, elle s’est occupée de moi comme jamais. Elle a été au top. Honnêtement, cette blessure m’a un peu dépassé à un moment donné, mais un choc comme ça n’arrive que très rarement dans le football…
Justement, depuis quelques semaines, tu es revenu dans le vestiaire, ça n’a pas trop chambré ?
Sincèrement pas tellement, alors que j’ai l’habitude de charrier énormément les gars. J’ai reçu quelques piques pour me dire que j’étais plus beau depuis mon opération, mais bon, c’était de bonne guerre. Mes coéquipiers ont été formidables. Je suis resté cloîtré chez moi pendant plus de trois semaines, j’avais l’impression de faire peur, mais ils ont toujours été là pour me soutenir.
Sportivement, tu es arrivé à Châteauroux en janvier et n’a disputé que trois matchs jusqu’à ta blessure. Y a-t-il eu un geste de la part des dirigeants ?
Les dirigeants ont toujours été honnêtes avec moi, et maintenant, on attend de voir comment la situation du club va évoluer l’année prochaine. J’aurais pu me retrouver le bec dans l’eau, mais tout le monde ici a été présent. Même Pascal Gastien, notre ancien coach, a continué à prendre de mes nouvelles. Maintenant, on sait que le maintien sera très difficile, mais le club souhaite s’appuyer sur ses jeunes pour remonter directement. Dans ce projet ambitieux, j’estime avoir une carte à jouer et les dirigeants m’ont proposé une prolongation. J’y réfléchis parce que j’aime cette équipe, j’ai directement été bien accueilli dans le groupe. Pour le moment, je ne me concentre que sur nos quatre derniers matchs.
Comment aborder ces dernières rencontres où la Berrichonne n’a concrètement plus grand-chose à espérer ?
On souhaite avant tout prendre du plaisir. Lors de la victoire contre Auxerre (2-1) il y a une semaine, j’ai vu pour la première fois depuis longtemps des sourires dans le vestiaire. Ma blessure m’a beaucoup fait réfléchir sur ma condition en tant qu’homme et on fait le plus beau métier du monde. On en a conscience, on se pose beaucoup de questions, car Châteauroux est un club avec une histoire, un passé énorme avec la Ligue 2. On ne peut pas commencer à se dire qu’on s’en branle et que de toute façon, on trouvera un nouveau club l’année prochaine. Le but est maintenant d’aborder ces derniers matchs à 150% pour rendre fiers nos supporters et se montrer à nous-mêmes qu’on est capables.
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