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Eriksen : the revenant
Huit mois après son malaise cardiaque, Christian Eriksen s’apprête à retrouver les terrains de football, du côté de Brentford. Un retour aussi bien inespéré qu’appréhendé par le monde du football, pour un joueur qui semble, à l’inverse, bien sûr de lui.
L’image revient sans cesse dans la tête de chaque fidèle supporter. Celle qui, à la 43e minute d’un Danemark-Finlande disputé le 12 juin dernier en plein Euro, a vu Christian Eriksen s’effondrer sur le gazon du Parken Stadium de Copenhague. Littéralement ressuscité par les équipes médicales présentes sur place, le meneur de jeu disait alors au revoir à une carrière de footballeur légitimement reléguée au second plan. Oui, mais : la volonté de retrouver les terrains, couplée à celle de ne pas abandonner son rêve à « seulement » 29 ans, ont primé sur le reste. Et moins d’une année plus tard, voilà le revenant Eriksen débarquant à Brentford afin de renouer avec la Premier League qui l’a tant vu briller.
Le Danemark londonien
Avant de s’installer en banlieue ouest de Londres, Christian Eriksen aura lorgné bon nombre d’écuries européennes. D’abord désireux de poursuivre l’aventure avec l’Inter, l’intéressé s’était heurté au règlement italien, interdisant aux joueurs de Serie A le port d’un défibrillateur. La résiliation à l’amiable et logique avait dès lors laissé l’enfant de Funen dans le flou. Un entraînement spécifique lui est dès lors prescrit, l’amenant à commencer son périple au sein de l’OB Odense, son club formateur. S’en suivent le FC Chiasso (D3 suisse) et autre amour de jeunesse, l’Ajax, fin janvier. Les rumeurs de retour s’intensifient et une décision est finalement rendue publique lors des ultimes instants de ce mercato hivernal, l’envoyant garnir les rangs des Bees, où il sera chargé d’alimenter Yoane Wissa et Bryan Mbeumo.
Ce choix peu anodin coïncide en réalité avec le souhait du joueur de retrouver une structure au fort accent dansk. Cinq joueurs danois composent en effet l’effectif de Brentford : Mathias Jensen, Zanka, Mads Bech Sørensen, Mads Roerslev et Jonas Lössl. Un contingent familier, dirigé par un compatriote tout aussi connu : Thomas Frank. « Nous étions en contact permanent depuis plusieurs semaines, rembobinait le coach du BFC pour le Guardian. Je voulais d’abord savoir où il en était sur le plan émotionnel, c’est-à-dire comprendre son degré de motivation et de certitudes quant à son état de santé. » Le rapprochement est alors naturel pour deux hommes s’étant côtoyés lors des premières sélections d’Eriksen chez les U17 du Danemark en 2009. « On se connaît depuis très longtemps et ce miracle (l’épilogue de ce malaise cardiaque) nous a permis de nous retrouver bien des années plus tard. La vie sait se montrer spéciale », s’émeut Frank. En quête d’un challenge au plus haut niveau, tel qu’il l’avait laissé sous-entendre lors de différentes sorties médiatiques, l’ancien de Tottenham a fini par trouver crampon à son pied.
Le jeu ou la chandelle ?
Déterminé à relancer sa carrière, Eriksen ne pouvait placer le curseur plus haut. Car si le choix de Brentford trouve sa source dans cette réflexion avant tout affective, celui de revenir en Premier League peut en revanche poser question. L’intensité et l’exigence physique du championnat anglais ne devraient effectivement laisser aucune fenêtre de récupération au Danois. Ces craintes légitimes avaient, dans un schéma quasi similaire, notamment poussé Sergio Agüero à la retraite en décembre. Souffrant d’arythmie, l’Argentin du Barça, victime d’un malaise en plein match face à Alavés, avait décidé de jouer la carte de la sécurité moins d’un mois plus tard. Mais pour Thomas Frank, le cas de sa nouvelle recrue ne laisse aucune place à l’incertitude. « Nous sommes sûrs à 100%. De toute manière, je ne pense pas que Christian et sa femme aient pris la décision de reprendre le football sans avoir eu l’aval plein et entier des médecins. Il a passé des tests longs et précis, sa visite médicale s’est également déroulée dans les normes, donc tout est au vert pour qu’il nous rejoigne. »
Eriksen n’a d’ailleurs pas hésité à mettre en avant cette ligne directrice. « Après le match face à la Finlande, sur le chemin de l’hôpital, j’ai dit à Sabrina que je raccrochais les crampons, racontait-il lors de sa présentation à Brentford. Mais deux jours plus tard, en prenant conscience de ce qui m’était arrivé et en retrouvant ma lucidité, j’ai commencé à peser le pour et le contre. Les médecins m’ont alors convaincu, me garantissant que même avec un défibrillateur implanté, je pouvais continuer le sport. De là, tout est reparti. » En intégrant les Bees, Eriksen devra donc reprendre ses bonnes vieilles habitudes. Celles qui le pousseront à gagner sa place au sein d’un collectif bien huilé, séduisant en début de saison, mais qui doit désormais lutter pour ne pas voir la zone rouge s’approcher de trop près (Brentford est 14e au classement, à huit points de Watford, premier relégable). De la pression supplémentaire en résumé. « Les conditions étaient posées dès le début. Après avoir évoqué sa situation personnelle et sa santé, j’ai tout de suite parlé à Christian de nos objectifs sportifs, détaillait Frank. J’ai avant tout recruté un footballeur, un joueur dont je connais les qualités sur le terrain. Je l’ai pris pour cela, pas pour lui faire une fleur. » La fameuse rigueur du nord.
Absent du groupe pour affronter Manchester City ce mercredi et en attendant d’effectuer ses premiers pas en tunique rayée, Christian Eriksen a d’ores et déjà retrouvé le chemin de l’entraînement. « J’ai tout ce qu’il faut. Maintenant, je dois juste réapprendre à utiliser un ballon », s’amuse-t-il, bientôt rejoint par son nouvel entraîneur. « S’il y a sept ans, quand le club était en League One, nos supporters avaient imaginé jouer en Premier League avec un mec de la trempe de Christian dans l’équipe, je vous laisse imaginer leur réaction ! » Le Community Stadium n’attend désormais que ce moment.
Par Adel Bentaha