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Éric Champel : « Les centres de formation ont une obligation de rendement »

Propos recueillis par Maxime Renaudet
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Ancien rédacteur en chef de L'Équipe et grand reporter à France Football, Éric Champel a été à l'origine des révélations concernant le Qatargate. Huit ans plus tard, il publie Foot : la machine à broyer, une enquête qui met en lumière les répercussions du foot business sur la formation du foot à la française.

Votre enquête commence par le portrait de Tom Lartigue, livré à lui-même après son départ du TFC, puis au fil du livre on se rend compte que son histoire est celle de beaucoup d’autres. Par rapport au titre du livre, il fallait un premier chapitre fort qui mette dans l’ambiance. Avec Tom, on a tout : ses galères, ce qui lui est proposé par son agent, une espèce d’académie pour se relancer, puis une sorte de difficulté à accepter les situations d’échec. Il y a aussi le fait qu’il a joué contre Mbappé, ce qui est un point de départ intéressant, car on a directement deux paraboles qui sont opposées. Au moment où ils se rencontrent, ils ont le même statut et ils marquent chacun un but.

Les jeunes qui sont passés par des centres, et qui tentent de vivre du foot au niveau semi-pro, restent dans une forme de prolétariat.

Vous évoquez justement le syndrome Mbappé, et un éducateur du 93 dit que sa réussite a fait beaucoup de mal à la Seine-Saint-Denis.Ça aussi, c’est très intéressant. Je crois que les gens n’ont pas idée de ce que représente l’Île-de-France, qui est quand même le premier réservoir au monde de jeunes footballeurs, et ils ne mesurent pas à quel point la réussite de Mbappé a eu un impact dans le bon, comme dans le mauvais sens. À la fois, les jeunes se sont imaginés devenir les nouveaux Mbappé, mais les parents, les éducateurs, les clubs, et les intermédiaires aussi.

Au point que ce que désire le jeune passe au second plan ?En effet, c’est ce que démontre mon livre, tout en expliquant à quel point les dérives du foot business et de l’industrie du foot spectacle ont affecté et dévoyé le monde amateur.

Peut-on encore parler d’amateurisme pour des clubs semi-pros qui évoluent en R1 ou N3 ?C’est ce que j’explique quand je parle de footballariat. J’ai échangé avec Pierre-Cédric Tia, ancien pensionnaire du centre de formation de Lorient, qui a fait une thèse sur ce sujet. Lui a réussi à démontrer que les jeunes qui sont passés par des centres, et qui tentent de vivre du foot au niveau semi-professionnel, restent dans une forme de prolétariat du foot. Certes, ils en vivent pour certains, mais l’après-carrière, c’est quoi ?

Dans les centres, il y a une grande hypocrisie à gérer l’échec, à l’évoquer et à l’accompagner.

Les centres de formation accompagnent-ils suffisamment les laissés-pour-compte ?Non, et il y a d’ailleurs une grande hypocrisie à gérer l’échec, à l’évoquer et à l’accompagner, ce qui rend souvent violente la mise à l’écart. Pour plein de raisons, les centres de formation ont une obligation de rendement, ils sont dans la « championnite ». Il faut avoir des résultats le plus tôt possible et à tous les niveaux. On n’est plus dans une espèce de parabole de la formation comme ça existait à l’époque, quand un jeune devenait professionnel, et qu’on l’accompagnait. Là, on essaye d’élever des poulains pour qu’ils soient performants et rentables le plus tôt possible.

Sans oublier que certains clubs sont de véritables centres de formation déguisés.Oui, et aujourd’hui, il faudrait redéfinir le statut des clubs amateurs. Il y a plusieurs sous-catégories dans le foot amateur et quelque part, c’est là où est le problème. Ça devrait être l’enjeu, voire le débat central de la candidature à la FFF. Mais pour ça, il faudrait sortir de l’hypocrisie, de l’entre-soi et des non-dits. Aujourd’hui, un club amateur en Seine-Saint-Denis est dans une autre mission sociale qu’un club amateur au fin fond de la Lozère. Il faudrait hiérarchiser ça, et comprendre qu’un club amateur a un vrai rôle à jouer, comme celui d’être une passerelle professionnelle par exemple.

Il faudrait aussi permettre à certains clubs d’être de véritables centres de formation.

Justement, Frédéric Thiriez a fait du foot amateur son cheval de bataille pour la présidence de la FFF. Vous en pensez quoi ?Frédéric, il est adorable, mais il ne va pas au bout. La question qui est posée à travers le bouquin, c’est celle du statut de l’éducateur de foot. Comment fait-on pour qu’il puisse vivre décemment de son métier d’éducateur, et éviter qu’il ait une double casquette en devenant agent ou en souhaitant avoir sa part dans un transfert ? Et comment faire pour que les clubs soient de véritables passerelles professionnelles, et qu’un éducateur soit un vrai accompagnateur social ? C’est déjà son rôle, mais qu’il soit reconnu, formé et valorisé par rapport à ça.

Vous mettez également en lumière un réseau de formations, académies ou détections qui vendent de la fumée à de jeunes joueurs. En quoi est-ce problématique ?Il y a de l’hyper positif, car il y a des gens qui font un super boulot, comme ceux qui font des trucs sur les stats, la prépa physique, ou l’amélioration de la performance. Mais de l’autre, il y a des académies qui permettent à des agents de mettre la main sur des jeunes. À un moment donné, il faudrait aussi permettre à certains clubs d’être de véritables centres de formation, reconnus avec un label fédéral et qui se comportent comme des centres de formation afin qu’on ne se retrouve pas avec des pseudos académies de la seconde chance. On laisse prospérer toute une économie parallèle qui n’est pour le coup pas très reluisante.

Il existe des championnats parallèles en Île-de-France qui sont organisés par des éducateurs parce qu’il faut proposer de meilleures oppositions.

Comme l’histoire des détections organisées un peu partout en France par une agence de scouting turque ? Ça, c’est un truc incroyable. Une agence turque de scouting basée en Allemagne a organisé des journées de détections partout en Europe via la diaspora turque. Ça s’est fait en Alsace, dans la Drôme ou dans le Centre de la France, et le président d’un de ses districts explique qu’il n’était même pas au courant de l’organisation de ces journées.

Vous évoquez aussi l’existence d’un championnat bis sur WhatsApp.Oui, il existe des championnats parallèles en Île-de-France qui sont organisés par des éducateurs parce qu’il faut proposer de meilleures oppositions, et des oppositions qui ne correspondent pas forcément au nombre de joueurs requis dans une catégorie. Tout ça, c’est le résultat de tout ce qui se passe en haut lieu. Cet argent qui est censé ruisseler et cette course pour trouver la nouvelle pépite font que tout le monde met en place des systèmes pour essayer de prendre sa part. Et le seul qui n’y trouve toujours pas son intérêt, c’est le jeune. C’est ça, la définition de la machine à broyer.

Publié aux éditions Solar, Foot : la machine à broyer, est disponible en librairie depuis le 11 février.
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Propos recueillis par Maxime Renaudet

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