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Zaïre-Emery, le creux de la nouvelle vague
Ça peut arriver à tout le monde de caler, même à Warren Zaïre-Emery, pourtant loué pour sa précocité. Après des débuts enchantés, le milieu parisien est devenu majeur, mais se montre moins flamboyant en club. Samedi, il a aussi été en difficulté contre l’Allemagne avec l’équipe de France.
En 2023, Warren Zaïre-Emery est devenu le plus jeune joueur titulaire de l’histoire du PSG, a eu le droit à tous les honneurs individuels en matière de précocité, a connu sa première sélection et un but international dans le même match. Inutile de dresser une liste plus longue pour comprendre que le titi parisien n’a pas attendu d’avoir 18 ans pour se faire une place dans les archives historiques du football français. Phénomène de précocité, le gamin de Montreuil a fait craquer son monde, au point que Luis Enrique et Didier Deschamps cochent son nom parmi les premiers sur la feuille de match depuis le début de saison. Mais après avoir grillé les étapes, il découvre maintenant la crise de la majorité.
Une première période de doute
S’il avait trouvé le chemin des filets face à Gibraltar (14-0), sa première fois avait été contrastée par une blessure dans la foulée. Revenu très (trop ?) rapidement sur les terrains, le pur produit parisien avait de nouveau marqué avec le PSG contre Dortmund pour qualifier son club formateur en huitièmes de Ligue des champions, et il est difficile de lier cette sortie hâtive de l’infirmerie aux doutes actuels autour de ses performances, puisqu’il avait continué de ravir les supporters parisiens en fin d’année. C’est donc en 2024 que ça coince pour lui. Sous les couleurs du club de la capitale, le milieu de terrain a vu Vitinha lui prendre un peu de lumière ces dernières semaines et peine à exister dans l’ombre.
Luis Enrique, pourtant sous le charme de sa pépite avouant n’avoir « jamais vu un joueur aussi intelligent au moment de compenser ce que font ses coéquipiers », n’a pas hésité à le mettre sur le banc quatre fois depuis février, sans même le faire entrer contre Monaco (0-0). Voir un match en tant que spectateur tout en étant apte, cela ne lui était plus arrivé depuis décembre 2022, sous les ordres de Christophe Galtier. Pour balayer d’un revers de main les interrogations, Deschamps a renouvelé sa confiance en Zaïre-Emery avec une titularisation à la clé face à l’Allemagne (0-2). Ce n’était finalement pas un cadeau : ballotté dans tous les sens par l’entrejeu adverse, mené au doigt et à l’œil par Toni Kroos, le jeune Français a semblé perdu durant son heure de jeu, cherchant désespérément sa place pendant qu’İlkay Gündoğan, Jamal Musiala et Florian Wirtz s’éclataient entre les lignes.
Sa polyvalence joue contre lui
Ce samedi, Zaïre-Emery a surtout brillé par son incapacité à transpercer le bloc allemand. « C’est un jeune joueur, il n’a pas fait son meilleur match avec nous. Cela dépend de lui, mais aussi des joueurs autour de lui. L’état de fatigue est important, mais cela peut arriver aussi de se relâcher psychologiquement. Remettre la machine en route met du temps », a noté, las, Deschamps après le revers des siens. Le numéro 18 a été asphyxié par le pressing des hommes de Julian Nagelsmann et ses passes – souvent latérales, voire vers l’arrière – n’ont pas aidé l’équipe de France, déjà orpheline d’Antoine Griezmann. En l’absence du meneur polyvalent, les Bleus ont manqué de justesse technique, mais aussi de leadership. À côté du Parisien qui vient de souffler sa dix-huitième bougie, les 24 printemps d’Aurélien Tchouaméni lui font endosser le costume de cadre, tandis qu’Adrien Rabiot, du haut de ses 28 ans, fait presque figure de relique. Contre l’Allemagne, ils ont été autant à côté de la plaque que leur cadet.
Même si Luis Enrique est très attaché à Zaïre-Emery, il est peut-être aussi à l’origine de la période délicate que son joueur connaît, en le trimballant entre le milieu de terrain et le poste de latéral droit. En l’absence d’Achraf Hakimi durant la CAN, le natif de Montreuil a occupé le flanc sans rechigner, mais en perdant, pour la première fois, un peu de temps dans sa progression. Il est encore dans un processus de formation et cette polyvalence ne lui permet pas de se développer pleinement dans l’entrejeu parisien où il brille pourtant pour ses qualités de compensation. Celles-ci n’ont pas vraiment de quoi le rendre indispensable chez les Bleus où, malgré l’autoproclamé meilleur vivier du monde, les milieux internationaux ont tous un profil plus ou moins similaire. Pour sortir du creux de la vague, Zaïre-Emery pourrait se concentrer sur des activités de gars de son âge : revenir en équipe de France Espoirs, où il n’a disputé que quatre matchs, mais avait été nommé capitaine par Thierry Henry, pour aider cette génération de joueurs plus âgés que lui à aller décrocher l’or aux Jeux olympiques.
Par Enzo Leanni