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  • Le fiasco de Knysna 2010
  • Épisode 1/5

Équipe de France – Le fiasco de Knysna 2010 – Épisode 1/5

Chérif Ghemmour
7 minutes
Équipe de France – Le fiasco de Knysna 2010 – Épisode 1/5

C’est le dimanche 20 juin 2010 que « l’affaire Knysna » a éclaté avec la grève de l’entraînement des 23 Bleus, en soutien solidaire de Nicolas Anelka. En fait, pour bien comprendre « l’affaire », il faut retracer la continuité de six jours dramatiques, allant de Mexique-France (2-0) à France-Afrique du Sud (1-2) qui acte l’élimination désastreuse des Bleus. Magnéto, Serge !

Hugo Lloris lève le trophée au ciel. La France est championne du monde 2018. Sous la pluie purificatrice moscovite, Hugo célèbre en rare survivant de Knysna (avec Mandanda) la rédemption d’une équipe de France tombée dans le fossé huit ans plus tôt. Huit longues années à gravir marche après marche le long chemin d’une renaissance dont on ne se doutait même pas qu’elle s’accomplirait avec la consécration suprême. Il faut dire qu’on était parti de tellement bas…

« Jackpot, messieurs-dames ! »

La première bombe a explosé le jeudi 17 juin 2010 vers 22h30 au stade Polokwane, au moment où les Bleus venaient d’être battus 2-0 par le Mexique. Après le 0-0 inaugural face à l’Uruguay, seuls les calculs très aléatoires semblent différer l’inéluctable : la France est d’ores et déjà quasi éliminée du mondial sud-africain ! De fait, en perspective des deux derniers matchs à venir Uruguay-Mexique (un nul condamnerait les Bleus) et France-Afrique du Sud, on ne sait plus trop si les Tricolores devront marquer deux, trois, quatre ou cinq buts pour espérer atteindre les 8es. « Jackpot, messieurs-dames ! Nous avons décroché le jackpot ! » s’était enflammé le bon Gilbert Brisbois sur RMC au moment du tirage du 4 décembre 2009. France, Uruguay, Mexique, Afrique du Sud… Pas le groupe de la mort, certes. Mais à condition d’aimer la vie. Or, à Polokwane, les Bleus ont renoncé à vivre en se laissant piéger sur deux erreurs défensives. Et la suite des événements, pris dans leur continuité factuelle, va virer au suicide terminal…

La deuxième déflagration se produit tôt le samedi 19 juin quand L’Équipe accroche à sa Une la manchette abrasive « VA TE FAIRE ENCULER, SALE FILS DE PUTE ! » L’incise en minuscules ( « Nicolas Anelka à Raymond Domenech à la mi-temps de France-Mexique (0-2), jeudi soir » ) accompagne un photomontage associant en duel les deux protagonistes au même regard noir. En Afrique du Sud, au sein de la délégation française logée au Pezula Hôtel, il est question tout au long de la journée de l’exclusion de Nicolas Anelka. Il faut attendre la conférence de presse de fin d’après-midi menée par Jean-Pierre Escalettes, président de la FFF, et du capitaine Patrice Évra pour en avoir la confirmation officielle. Devant les médias médusés, le président confirme les « propos inacceptables » de l’attaquant tricolore adressés au sélectionneur et il justifie son exclusion à la suite de son refus de s’excuser publiquement. Patrice Évra, œil de fauve, tendu comme un arc, prend ensuite la parole : « Le problème de l’équipe de France, ce n’est pas Anelka, c’est le traître qui est parmi nous.(…)C’est ce traître (celui qui a balancé à L’Équipe, N.D.L.R.) qu’il faut éliminer du groupe. » On se pince pour y croire…

Ribéry pirate Téléfoot !

Après la parution du communiqué officiel de la FFF qui rend exécutoire le départ de Nicolas Anelka le soir même, ce dernier réagit sur le site de France Soir. Il y confirme la « discussion houleuse » avec Raymond Domenech, mais qui « n’aurait jamais dû sortir du vestiaire » et que « les mots qui sont sortis dans la presse ne sont pas (s)es mots ». Il souhaite enfin « bonne chance à l’équipe de France qui a une grosse échéance contre l’Afrique du Sud, avec encore une qualification possible ». C’est dans la consternation générale que s’achèvent les événements inouïs de ce samedi 19 juin. On croit l’incendie éteint avec le départ d’Anelka et l’intervention publique de Raymond Domenech recentrée sur les Bleus prévue le lendemain à Téléfoot… Ce dimanche 20 juin, à l’heure de l’aspirateur, Domenech parle du match de l’Afrique du Sud, répondant aux questions endeuillées de David Astorga, Vincent Duluc et Bixente Lizarazu. C’est alors que Franck Ribéry débarque sur le plateau. En short, claquettes et socquettes blanches ! Ému aux larmes, il déclame une tirade chargée d’excuses pour les mauvais matchs des Bleus, de souffrances ressenties personnellement et par l’ensemble de l’équipe et de démenti aux rumeurs d’altercation entre lui et Yoann Gourcuff qu’il écorche en « Kourkuff ». Raymond n’a pas réagi…

On devine dès ce moment hallucinant que là-bas, à 10 000 km de Paris, la situation commence à devenir hors de contrôle. Mais on s’accroche encore à la continuité de la compétition et du France-Afrique du Sud du mardi 22 juin. Dans l’après-midi de dimanche, vers 16 heures, le car de l’équipe de France siglé « Tous ensemble vers un nouveau rêve bleu » arrive au stade d’entraînement, le Field of Dreams. Encore du rêve… Tandis que les joueurs s’en vont dans un premier temps saluer les supporters et leur signer des autographes, un aparté se tient entre Domenech, Évra et le préparateur physique Robert Duverne. Le ton monte entre ces deux derniers, et le coach doit les séparer. Dépité, Duverne se retire en jetant son chrono aux orties. Les joueurs remontent alors dans le bus, accompagnés du sélectionneur. On ne comprend toujours pas…

Grève sans préavis !

C’est alors que surgit Jean-Louis Valentin, directeur délégué chargé de l’équipe de France. Il explose en larmes : « Je rentre à Paris !(…)Ce qui se passe est un scandale ! Ils ne veulent pas s’entraîner ! Je démissionne ! » Le car est toujours immobilisé, portes fermées puis rideaux tirés… L’attente dure 40 minutes avant que Raymond Domenech à bout de nerfs n’en descende pour lire un communiqué des joueurs, à 16h56 : « Par ce communiqué, tous les joueurs de l’équipe de France, sans exception, souhaitent affirmer leur opposition à la décision prise par la Fédération française d’exclure Nicolas Anelka.(…)De son côté, la Fédération n’a à aucun moment tenté de protéger le groupe. Elle a pris une décision sans même consulter l’ensemble des joueurs, uniquement sur la base des faits rapportés par la presse. En conséquence, et pour marquer leur opposition aux plus hautes instances du football français, l’ensemble des joueurs a décidé de ne pas participer à la séance d’entraînement. » Du car, on entend tambouriner sur les vitres. C’est Éric Abidal, hors de lui, qui signifie au chauffeur qu’il faut retourner à l’hôtel. L’entraînement n’aura pas lieu. Le point de non-retour est atteint. L’hiver austral balaie la plaine. Le car démarre et quitte le Field of Dreams comme on capitule en rase campagne… En mondovision ! Le soir, la classe politique se déchaîne : « La défaite contre le Mexique, les insultes, cette ambiance de décomposition, tout cela est révoltant », résume à lui tout seul François Bayrou (MoDem). Envoyée au feu par le président Sarkozy, la ministre des Sports, Roselyne Bachelot, se rend lundi 21 juin à l’entraînement des joueurs, à Bloemfontein, où ils rencontreront l’Afrique du Sud le lendemain. Le soir au 20h de TF1, elle rapportera les sévères remontrances qu’elle a adressées aux Bleus : « J’ai dit aux joueurs : « Quelle image voulez-vous que vos mères et vos enfants gardent de vous ? » Ils étaient sous le choc. Certains avaient les larmes aux yeux. »Des témoins auraient plutôt surpris des sourires sarcastiques. Le lendemain, les Bleus s’inclinent 2-1 face à l’Afrique du Sud, 83e au classement FIFA, et sont éliminés pour de bon. Même dans les pires prévisions, pareille défaite aurait été impensable. Sitôt le match fini, Raymond Domenech tacle l’élégance française en refusant de serrer la main de Carlos Parreira, coach des Bafana Bafana. Explication : Parreira avait déclaré que l’équipe de France ne méritait pas de participer à la Coupe du monde à la suite de la main d’Henry contre l’Irlande. Le jeudi 24 juin, les Bleus délavés atterrissent au Bourget sous protection policière, accueillis par quelques dizaines de supporters meurtris qu’ils n’oseront même pas rencontrer. Jackpot, messieurs-dames… Comment a-t-on pu en arriver là ?

Épisode 1 : Terminus, personne ne descend !Épisode 2 : Le show DomenechÉpisode 3 : Knysna 2010, autopsie d’un naufrageÉpisode 4 : Les « caïds immatures » et les « gamins apeurés » Épisode 5 : La vie après Knysna

Lyon : à Textor et à travers

Chérif Ghemmour

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