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Bonadei : « Je ne vais pas faire du copier-coller d’Hervé Renard »

Propos recueillis par Léna Bernard et Anna Carreau, à Clairefontaine
13 minutes

Propulsé sélectionneur des Bleues le 23 août dernier, après avoir été surtout reconnu pour ses qualités de formateur et de fidèle adjoint d’Hervé Renard, Laurent Bonadei s’apprête à relever à 54 ans le défi le plus important de sa carrière. À la veille du premier match de cette nouvelle ère, le nouveau technicien s’est longuement confié.

Bonadei : « Je ne vais pas faire du copier-coller d’Hervé Renard »

On ne vous a pas encore vu à l’œuvre en tant qu’entraîneur numéro 1. C’est quoi le coaching version Laurent Bonadei ?

Je suis quelqu’un d’authentique en tant que personne, sincère. Je suis dans l’échange, dans le partage. Je pense que c’est important de montrer aussi dans le staff que tout le monde a sa place et de montrer aux joueuses que tout le monde a sa chance. Donc je vais m’atteler, surtout à court terme sur les quatre prochains matchs et ces deux rassemblements, à faire en sorte que tout le monde se sente utile et qu’en fin de compte, chacun puisse évoluer en confiance dans le fonctionnement.

Je suis vraiment en confiance et je sais que je suis dans un climat de bienveillance ici dans ce groupe France.

Laurent Bonadei

Vous n’avez pas d’appréhension particulière avant les premiers matchs qui se profilent (la Jamaïque vendredi et la Suisse mardi prochain, NDLR) ?

Non. J’ai déjà plus de 20 ans d’expérience de coaching. Quand j’étais à la formation, on est numéro 1 avec son équipe, même si on n’a pas la pression des résultats et des responsabilités. On a quand même un coaching à faire avec des interventions. Et puis le fait d’avoir fait cinq ans avec Hervé en tant qu’adjoint au plus haut niveau, avec l’Arabie saoudite, et puis d’avoir vécu ces 17 mois avec cette équipe, je n’arrive pas en terre inconnue. Je connais déjà le contexte, tout ce qui se passe autour de cette équipe. Je suis vraiment en confiance et je sais que je suis dans un climat de bienveillance ici dans ce groupe France.

Vous parliez de bienveillance du groupe. C’était un élément qui a été mis en avant au moment de votre nomination, du fait que vous avez eu un très bon lien avec les joueuses. Est-ce que ce lien avec les joueuses a évolué avec votre changement de statut ?

Il a évolué. Je leur ai dit que leur regard peut changer dans le sens où je vais devoir faire des choix, assumer des responsabilités. Pour autant leur regard sur l’homme ne doit pas changer, je reste le même. Certes, mes décisions ne seront pas les mêmes parce que je n’avais pas à les prendre avant, mais je reste accessible. Je suis beaucoup dans la relation humaine. Depuis deux mois, j’ai beaucoup voyagé, je suis allé à leur rencontre. J’ai rencontré 45 joueuses de visu et quatre en visio. J’ai passé du temps avec elles pour comprendre des choses et essayer de faire évoluer dans le bon sens.

Vous êtes le successeur d’Hervé Renard et on sait qu’il a une façon de manager assez propre à lui, qui a fait sa renommée. Est-ce que vous êtes adepte de ce management-là ?

Si je vous disais que je ne suis pas adepte du management d’Hervé, c’est que j’aurais été hypocrite avec lui pendant cinq ans. Bien sûr que je suis adepte de son management. Un management auprès des joueurs ou des joueuses qui est tactique et motivationnel. Il a un management propre à lui, et j’ai aussi le mien. Je ne vais pas faire du copier-coller d’Hervé Renard. Je peux m’inspirer aussi de sa façon de faire et de comment il m’a « appris certaines techniques ». Je crois qu’un des premiers points importants, c’est surtout d’être juste, authentique et sincère avec les joueuses.

Team parka vs Team chemise.
Team parka vs Team chemise.

On verra des causeries comme celles d’Hervé Renard avec vous ?

C’est possible. Je me souviens d’une causerie à la mi-temps du match contre l’Autriche à Rennes, où Hervé avait apporté certaines modifications et puis, il a eu l’occasion de me donner la parole à la mi-temps où j’ai monté un peu le son, dans le débit et dans le volume. Et je me souviens qu’à la fin du match, Wendie (Renard) était venue me voir en me disant : « Eh, Laurent, t’as monté le curseur, là. » Et je lui ai dit : « Oui, des fois, on peut monter le curseur, et d’autres, on peut le baisser. » Le principal, c’est de ne pas s’enfermer dans un type de management, d’avoir une variété de discours en fonction des contextes, des enjeux aussi. Si vous marchez sur le trottoir, que vous passez devant une maison et qu’il y a un chien qui aboie, vous allez sursauter la première fois. Si le lendemain, il est encore là, vous allez quand même faire attention, mais si vous passez tous les jours et que tous les jours, il aboie à la même heure, au bout d’un moment vous n’allez même plus l’entendre. On ne va pas faire la même causerie avant une finale d’une grande compétition et pour un match amical. Il n’en reste pas moins que l’objectif, c’est toujours d’amener l’équipe à gagner.

Lors de votre présentation fin septembre, le président de la FFF, Philippe Diallo, vous a intronisé comme étant une suite logique pour la « continuité » après le mandat d’Hervé Renard. Sportivement, pourtant, cette continuité ne se justifie pas forcément…

Plutôt que de parler de continuité, qui peut se justifier ou pas, on pourrait ajouter le mot stabilité. Je pense que cette équipe et ce projet ont besoin de stabilité. C’est d’ailleurs pour ça que je me suis engagé sur une durée de trois ans, à condition que les choses soient bien faites, évidemment. Pour les joueuses, c’est important de se dire qu’on avance dans le temps sur un projet. Dans une stabilité, il peut y avoir aussi des évolutions, comme dans une continuité. On est dans un projet depuis avril 2023, on s’engage jusqu’en 2027, ça fait un cycle de quatre ans, avec des gens qui étaient là au départ, d’autres qui sont partis, d’autres qui viennent et qui nous rejoignent. Comme dans un match : on démarre avec un groupe, il y a onze titulaires, et puis des fois, il y a des changements, mais on est toujours dans le même match. Et l’objectif, c’est d’aller au bout et de gagner.

Parmi ces arrivées, il y a celle d’un préparateur mental dans le staff…

Le préparateur mental va, lui, surtout s’évertuer à faire progresser les filles pour les emmener à ce que cette équipe gagne. Quand vous échouez sept fois sur huit en quarts de finale, on peut se poser la question de l’aspect mental. Mais est-ce que c’est un problème mental ? Est-ce que c’est un problème relationnel ? Est-ce que c’est un problème de pression ? Est-ce que c’est un problème d’enjeux ? Donc on va avancer dans tous les domaines pour faire évoluer et progresser tous les domaines.

Plus on parle d’un objectif, plus on va cristalliser quelque chose, plus on va mettre de la pression autour de ça, plus on va générer de grandes attentes, et plus il peut y avoir de la déception.

Laurent Bonadei

Quels objectifs vous a-t-on fixés ? En 2023, ceux donnés à Hervé Renard étaient plutôt élevés, pour des résultats décevants.

C’est surtout les attentes qui étaient hautes. À partir du moment où les attentes sont élevées et qu’il n’y a pas le résultat escompté, il y a de la déception. Moi, ce que je constate avec cette équipe, c’est qu’il y a eu huit quarts de finale, on en a fait deux, et sur les huit, sept fois, cette équipe s’est arrêtée là. Donc c’était déjà le cas avant, ça a été le cas pendant le mandat d’Hervé. Et moi, je ferai tout pour que ce ne soit plus le cas. Ce n’est pas facile, c’est des petits détails : on échoue aux tirs au but face à l’Australie (à la Coupe du monde 2023, NDLR), on rate un penalty et on a une barre contre le Brésil (aux Jeux olympiques 2024, NDLR)… En sachant que dans ce bilan, il y a quand même une finale de Ligue des nations qu’il ne faut pas oublier. Ça amène quelque chose de positif.

Donc les objectifs, c’est plutôt vous qui vous les êtes fixés ?

On se les fixe tous ensemble parce qu’on est ambitieux. Mais plus on parle d’un objectif, plus on va cristalliser quelque chose, plus on va mettre de la pression autour de ça, plus on va générer de grandes attentes, et plus il peut y avoir de la déception. Pour moi aujourd’hui, le premier objectif, c’est déjà de faire en sorte que cette équipe vive bien, qu’il y ait un bon relationnel, qu’elles aient envie de jouer ensemble, qu’elles soient à l’écoute, qu’elles osent, qu’elles soient aussi en confiance, libérées pour chercher un jeu qui soit efficace et qui nous permette de gagner.

Au tableau !
Au tableau !

Quelles sont vos ambitions tactiques avec l’équipe de France ?

Sur les quatre matchs amicaux à venir, mon idée c’est de faire progresser cette équipe sur différents systèmes. On a beaucoup usé du 4-3-3 avec Hervé, un peu du 4-4-2 en Coupe du monde. Par rapport aux profils des joueuses qu’on a, on a un certain déséquilibre entre le côté gauche et le côté droit. On a un couloir gauche qui peut être un peu plus offensif que notre couloir droit, au vu des spécificités des joueuses. On va donc essayer de jouer avec une défense à trois. Sur ces quatre matchs amicaux, on va aborder le 3-4-3, on va conserver le 4-3-3 parce que passer d’un système à l’autre est assez facile et que c’est juste une histoire d’animation. On va beaucoup travailler les mouvements offensifs et les automatismes.

Vous êtes plutôt adepte de quel jeu ? Un jeu de possession, un jeu plutôt de contre ?

Un jeu de possession avec l’utilisation de la largeur, avec des permutations, du mouvement perpétuel. Et puis une équipe qui s’installe haut chez l’adversaire pour oser rentrer dans la surface, prendre des risques. Aborder le 3-4-3, c’est savoir que c’est un système qui permet un peu plus de jeu en transition. Et donc avec la vitesse des joueuses qu’on a, de savoir accepter que de temps en temps, on n’est pas toujours au-dessus de l’adversaire et de pouvoir se projeter rapidement dans la verticalité pour alterner entre un jeu de possession sur la largeur avec un certain rythme et puis un changement de rythme sur les transitions et sur l’utilisation de la verticalité.

Si vous deviez citer un modèle de jeu chez les sélections féminines…

Je dirais que l’Espagne a montré que dans la conception du jeu, la préparation des attaques, elles avaient un certain savoir-faire. Maintenant, je crois que c’est important qu’on ait notre propre identité de jeu. On a vu aussi que le Brésil avait utilisé un système qui lui permettait d’aller vite vers l’avant et de pouvoir gérer les déséquilibres défensifs de l’adversaire. Ce sont des équipes qui sont intéressantes dans leurs approches, qui sont complètement différentes, mais l’une et l’autre peuvent amener à gagner des matchs. On doit aussi prendre en considération la spécificité de nos joueuses, en sachant qu’en France, on a un football qui est aussi technique avec une justesse dans les passes, la qualité de l’utilisation des deux pieds…

Votre première liste contient pas mal de surprises, malgré beaucoup de blessées. Est-ce que vous aussi, vous avez une volonté de voir davantage de nouvelles joueuses, de faire une revue d’effectif lors des prochains matchs ?

C’était prévu dans mon esprit. Je ne m’attendais pas à avoir autant d’absentes. J’avais prévu plutôt d’organiser cette rotation et cette revue d’effectif sur les deux rassemblements. Là, il se fait en un rassemblement parce qu’il y a beaucoup de nouvelles. C’est l’occasion de les voir à l’œuvre et aussi de pouvoir évaluer leur potentiel à passer le cap entre le niveau national et le niveau international. Parce que des fois, on peut être performante dans son club, faire des bons matchs, avoir du temps de jeu en Première Ligue, mais pour autant, en équipe de France, il y a aussi la responsabilité et le poids du maillot bleu, le coq. C’est un honneur, c’est une fierté, mais c’est des responsabilités. Et parfois, certaines arrivent à passer ce cap et d’autres un peu moins. Mais c’est quand même bien de leur donner leur chance.

Certaines peuvent espérer s’établir sur la durée ou on risque de retrouver des listes plus « traditionnelles » quand viendront les grandes échéances ?

Ce sont les performances qui vont faire qu’on reste ou pas en équipe de France. Si on est performante, si on est efficace, si on apporte quelque chose à l’équipe, on a de grandes chances de rester. Il y a beaucoup de concurrence. Celles qui ne sont pas là aujourd’hui (Majri, Bacha, Mbock, Katoto, Toletti, Malard, Sarr, entre autres, NDLR), elles sont blessées, elles n’y peuvent rien. Moi, je les connais. Et puis, je sais que si elles retrouvent leur niveau de jeu en club, elles auront la capacité de revenir en équipe de France.

Il m’a fallu un certain temps pour enlever l’étiquette de formateur au profit de celle d’adjoint. Mais très progressivement, je sais qu’on parlera de moi en tant que sélectionneur

Laurent Bonadei

On parle beaucoup de vous comme d’un « formateur ». Comment comptez-vous traduire ce rôle au sein de l’équipe de France ?

J’ai fait 16 ans à la formation dans des clubs prestigieux au niveau de la formation, comme Nice, Nancy et le Paris Saint-Germain, où j’ai eu à gérer avec d’autres entraîneurs formateurs des joueurs qui aujourd’hui font une très belle carrière internationale. Je pense que la formation en France révèle des entraîneurs de qualité. Il m’a fallu un certain temps pour enlever l’étiquette de formateur au profit de celle d’adjoint. Mais très progressivement, je sais qu’on parlera de moi en tant que sélectionneur et qu’il n’y aura plus de problème avec ça. Il y a beaucoup d’exemples d’entraîneurs qui sont numéro 1, aujourd’hui ou par le passé, qui ont été d’excellents formateurs comme Guy Lacombe et Thomas Tuchel, qui a démarré chez les jeunes à Mayence. Ça ne me vexe pas.

Parler d’être « un bon formateur » pour prendre les rênes d’une sélection A, n’est-ce pas un peu réducteur pour les joueuses ?

Je pense que ce n’est pas réducteur du tout, au contraire. Je pense qu’on progresse à tout âge, qu’on ait 12,15, 18, 25, 30 ou 35 ans, donc après, moi, je suis là pour leur donner et leur transmettre un savoir, prodiguer des conseils. Parfois, les joueuses, lorsqu’elles vont en équipe de France, elles pensent que c’est une ligne d’arrivée franchie, donc elles rentrent dans leur club avec un état d’esprit qui peut changer. Elles prennent en compte ou non mes conseils, en tout cas ce ne sont pas des filles qui sont imbues de leur personne, elles sont toujours à l’écoute et c’est ce qui fait la richesse des échanges.

Pourquoi vous avez eu cette volonté de continuer dans le football féminin, alors qu’on a vu que certains ont fini par s’en lasser, que ce n’était pas vraiment ce qu’ils espéraient ?

Déjà parce que je prends beaucoup de plaisir à les coacher. Elles sont hyper pros, ponctuelles, elles sont à l’écoute, elles appliquent, et ça, quand on est entraîneur, c’est très appréciable. Et puis aussi parce que cette équipe n’a encore jamais gagné de trophée et que je vais tout mettre en œuvre pour essayer de leur donner cette possibilité d’être heureuses un jour de soulever un trophée.

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