Désiré Doué, la case frisson

Il y a des semaines, comme ça, où il ne peut pas vous arriver grand-chose. En moins de 48 heures, Désiré Doué a sans doute vu sa jeune carrière prendre un nouveau tournant. Tard dans la nuit étoilée d’Anfield, il avait enfilé le costume du personnage principal d’une scène que les supporters parisiens ont déjà revue des centaines de fois, en transformant le tir au but de la qualification pour le Paris Saint-Germain contre Liverpool, célébré en mode Cole Palmer. Le gamin de 19 ans n’était peut-être pas encore redescendu de son nuage, ce jeudi, quand il a entendu son nom sortir de la bouche de Didier Deschamps après ceux de ses coéquipiers Bradley Barcola et Ousmane Dembélé, ordre alphabétique oblige. Dans son entourage, on assurait qu’une éventuelle première convocation chez les Bleus n’était pas au centre des discussions les heures précédant la liste, pour ne pas se faire de faux espoirs. Ils sont désormais plus que jamais concrets.

Son nom circulait comme celui d’un candidat potentiel ces derniers temps, à l’instar de Maghnes Akliouche (23 ans), qui avait aussi déposé son CV en Ligue des champions contre Benfica, ou encore Rayan Cherki (21 ans), auquel il manque peut-être des références dans la cour des très grands. C’est finalement le plus jeune des trois, Désiré Doué, qui a décroché la timbale. « C’est pour tout ce qu’il peut faire de bien ou de très bien avec son club. Ça aurait pu être plus tard, mais je l’ai fait là, déroulait Deschamps pour expliquer son choix. Il ne pourra pas faire l’Euro Espoirs non plus, car la Coupe du monde des clubs est prioritaire, donc c’est bien qu’il puisse être là. »

Le précoce qui prend le temps

Le seul novice de ce rassemblement de mars, pour l’instant, a la particularité d’avoir à la fois pris le temps et de briller depuis plusieurs années de par sa précocité. Il n’a pas encore 20 ans, mais il avait débuté en Ligue 1 à 17 piges et il aura pris (un peu) le temps de se faire les dents dans son club formateur, le Stade rennais (76 matchs contre 46 pour Barcola à l’OL, par exemple), en se faisant parfois remonter les bretelles par ses coéquipiers ou son coach Bruno Genesio. Transféré au PSG l’été dernier après les JO contre un très gros chèque (plus de 50 millions d’euros avec les bonus), le petit frère de Guela, aujourd’hui à Strasbourg, avait fait quelques sceptiques lors de ses premiers mois dans la capitale, où sa polyvalence est appréciée de Luis Enrique comme de Deschamps, qui a cité cet argument sur sa chère estrade dans l’auditorium de la FFF : « Il a beaucoup progressé. Après, entre côté et axe, je ne suis pas persuadé que ce soit un joueur axial. Sur les côtés, oui, au milieu aussi. »

Le PSG a découvert un autre Désiré Doué ces derniers mois, depuis notamment une entrée en jeu réussie sur la pelouse de Salzbourg en Ligue des champions (1 but, 1 passe décisive). Très rare sur les feuilles de statistiques d’août à novembre, il a déjà réussi à gonfler les compteurs pour sa première année parisienne (38 matchs, 7 pions, 11 offrandes) et ses deux entrées face à Liverpool en huitièmes de finale de C1 ont ressemblé à des présentations avec le grand monde. Celle de mardi à Anfield a laissé les observateurs britanniques (et tous les autres) estomaqués devant le culot du bambin, qui a joué sur la pelouse des Reds comme il jouerait au square avec ses potes. Sans pression et avec la semelle, si possible.

L’élégance de l’insouciance

Le fan absolu de Neymar, qui cultive une certaine ressemblance dans son jeu, a un profil à part. Il fallait le voir à 16 piges, lors d’un amical entre Rennes et Nantes à Saint-Nazaire, bouger à l’épaule un colosse comme Moussa Sissoko. Dans cette équipe de France où les milieux se ressemblent et où la créativité n’est pas toujours au rendez-vous, l’arrivée d’un type comme Désiré Doué peut ressembler à une bonne nouvelle. À condition qu’il parvienne à marier son insouciance avec le niveau de performance et de concentration requis pour exister aujourd’hui dans les matchs de haut niveau. Et, accessoirement, se faire une place dans le cœur de Deschamps.

On a toujours besoin d’un joueur frisson, et c’est dans ce registre que l’Angevin de naissance excelle depuis tout jeune. Chez les Bleus, il va retrouver son coéquipier Ousmane Dembélé, mais aussi Eduardo Camavinga, pour former un trio considéré comme la Sainte Trinité de la formation rennaise. «  Désiré, c’était un joueur unique, nous disait Mathieu Le Scornet, qui a vu passer les trois phénomènes à son époque d’éducateur en Bretagne. Il n’avait pas un profil lié à la performance au départ, sa base ce n’était pas contrôle-passe, c’était de jouer avec son adversaire. Il voulait se régaler. » Le voilà attendu à Clairefontaine dès lundi, pour récupérer les équipements et taper le ballon avec Kylian Mbappé, dont il mime parfois la célébration, avec l’espoir de fêter une première sélection dès ce mois de mars. « Si je prends Désiré, ce n’est pas pour lui dire bonjour et qu’il soit heureux, assurait le double D. Est-ce qu’il aura du temps de jeu ? On va voir comment ça se passe, mais je le considère comme les autres joueurs pour le voir en action. » Une semaine de rêve peut en cacher une autre.