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Enzo Scifo : « L’été, on partait en Italie à cinq en Fiat 128 »

Propos recueillis par Jacques Besnard
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S'il y a bien un artiste belgo-italien qui pouvait nous parler de ce sommet Belgique-Italie, c'est bien Enzo Scifo. Né et élevé à La Louvière au fin fond de la Wallonie, l'ancien Diable rouge passait ses vacances d'été sur sa terre d'origine : la Sicile. Le sélectionneur des Espoirs belges, surnommé « Le petit Pelé du Tivoli » a fait les beaux jours d'Anderlecht avant de porter les couleurs de l'Inter et du Torino. Entretien avec Enzo pour parler foot, identité, caisse et fausse date de naissance.

J’imagine que Belgique-Italie, c’est un match spécial pour vous ?Effectivement, c’est particulier car je suis Belgo-Italien, mais je vais être clair tout de suite. Je suis supporter des Belges.
Comment votre famille, originaire de Sicile, est arrivée en Belgique ?

Ma mère était couturière à Binche dans une usine. Elle se levait à cinq heures du matin. C’était dur.

Mes grands-parents sont venus ici dans les années 1950. Ils ont bougé comme des milliers d’Italiens pour fuir la misère et y travailler. Très jeune, il fallait trouver du boulot. C’est ce qu’ont fait mes parents d’ailleurs. Mon père a bossé à la mine à 14 ans. Ma mère était couturière à Binche dans une usine. Elle se levait à cinq heures du matin. C’était dur. À 12 ans, vous gagniez presque autant qu’elle… Oui, je jouais à La Louvière et j’avais déjà pas mal de sollicitations. Du coup, le club m’avait fait un contrat pour que je reste. J’avais un petit salaire, mais qui était correct par rapport à celui d’un ouvrier.

Vous les aidiez j’imagine.Oui, avec mon frère on aidait à faire bouillir la marmite. C’était la moindre des choses après tout ce qu’ils avaient fait pour nous.
Vous avez grandi dans cette culture du travail, de l’effort. Cette enfance vous a aidé pour percer au plus haut niveau ?Cela a certainement dû jouer. Au-delà des qualités footballistiques que j’avais, cela m’a aidé pour m’accrocher dans les moments durs, mais je n’ai pas non plus l’impression d’avoir fait de gros efforts car j’avais vraiment envie de devenir un joueur professionnel. Tu sais, à 15-16 ans, je ne voyais pas ça comme un effort, tu t’amuses, tu es passionné, tu as de la fougue, c’est normal.

En junior, vous avez planté plus de 400 pions en 4 ans à La Louvière. Ça vient de là le surnom « Le petit Pelé du Tivoli » ? Ce n’était pas mon surnom à la base. C’était le titre du premier article que l’on m’avait consacré dans un journal local. Tivoli, c’est le nom d’une ville italienne, mais surtout celui du stade de La Louvière. Être comparé à Pelé, c’était évidemment un honneur pour moi… C’est resté.
À l’époque, le club avait trafiqué votre licence pour que vous puissiez signer…En fait, on avait menti à propos de ma date de naissance.

Quand j’avais 7 ans, mon club a mis une autre date de naissance en me vieillissant de quelques mois pour que je puisse jouer les matchs.

Mon frère évoluait dans l’équipe et je l’enviais tellement quand j’allais le voir jouer. L’entraîneur m’a dit de venir m’entraîner avec eux, mais il fallait avoir huit ans du coup. J’en avais sept… Pour s’entraîner, c’était facile, mais pour les matchs officiels, il fallait une licence. Le club a mis une autre date de naissance en me vieillissant de quelques mois. L’année d’après, j’ai retrouvé ma vraie date de naissance mais le club a dû payer une amende… C’est un peu comme certains Africains qui parfois truquent leur date de naissance pour être plus jeunes, moi c’était pour être plus vieux (rires). Votre prénom c’est Vincenzo. Pourquoi Enzo au fait ?Vincenzo c’est le prénom de mon grand-père. C’est celui qui est sur ma carte d’identité, mais on m’a toujours appelé Enzo à part en Italie.

On vous traitait vous aussi de « macaroni » à l’école ? C’est vrai que les Italiens n’étaient pas forcément bien vus. Même si je pense qu’on s’intègre relativement bien, on a eu le droit à ces choses-là. De mon côté, je n’ai pas vraiment ressenti ça. Je crois que je me suis vite intégré. Malgré le fait que je n’avais pas le physique du Belge, je n’ai pas eu de problèmes.
Vous passiez vos vacances en Italie avec la famille. Vous vous tapiez des milliers de kilomètres en caisse ?Mais vous connaissez toute ma vie ! Ouais, on partait chaque été en Italie à cinq en Fiat 128. Avec tous les bagages, vous imaginez dans quel état on arrivait. On mettait deux jours… Je reste très attaché à l’Italie évidemment. On ne perd pas ses origines. Ce sont mes racines malgré tout.
Vous avez opté pour la nationalité belge en 1984. Vous aviez le choix à l’époque. Vous n’avez pas hésité avec la Nazionale ? J’ai grandi en Belgique, j’ai fait toutes mes classes là-bas. Je jouais à Anderlecht, le grand club belge. Je n’ai finalement pas trop eu le temps de réfléchir, on était à deux mois de l’Euro et il fallait que je prenne une décision. Et puis, pour être sélectionné en équipe d’Italie à l’époque, t’avais intérêt à te lever tôt…

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En tant que binational, vous devez comprendre les jeunes joueurs qui sont dans le même cas ?En Belgique, j’étais considéré comme Italien. En Italie, j’étais le Belge.

En Belgique, j’étais considéré comme Italien. En Italie, j’étais le Belge.

Je ne me suis jamais senti au final totalement chez moi, à part en Sicile peut-être. Mais je tiens à dire que je n’ai jamais eu de problèmes, je m’adaptais très vite. Je peux comprendre les difficultés de ces joueurs mieux que personne, je peux ressentir ces difficultés oui. Mais pour ceux qui ont grandi en Belgique, en général, il n’y a normalement aucun problème. Avec les Espoirs, vous aviez justement convoqué Adnan Januzaj. Il n’est pas venu. Selon le secrétaire général de la Fédération Kosovare de football, il aurait finalement choisi le Kosovo. Si ça se confirme, ce serait une perte pour les Belges.C’est dommage car c’est un bon joueur. Je ne l’ai pas eu sous mes ordres. On lui a tendu la main. C’était difficile pour lui en club, on avait un match important avec les Espoirs. Il n’avait pas particulièrement les mêmes intentions. Marc et moi, on a été déçus. Et ça témoignait, selon moi, d’un manque de volonté de s’intégrer. Je ne sais pas si c’était réellement sa volonté. Il n’a pas été forcément bien conseillé.
Lorsque vous avez pris en main les Diablotins, il y a eu une polémique, des critiques parce que vous ne parlez pas bien néerlandais. Ça vous a touché ?Oui, ça m’a déçu. Il y a toujours des gens qui viennent donner leur avis alors qu’ils ne connaissent pas les tenants et les aboutissants. Je me considère belge, j’ai joué pour l’équipe nationale belge, je ne sais pas comment on peut penser que je ne me sente pas belge. Mais quand je suis arrivé, je n’ai eu aucun problème avec les dirigeants et les joueurs.

Vous avez joué en Italie aussi. Vous avez toujours suivi ce championnat ?J’ai toujours aimé la Serie A. Je la regardais avec mon père. Les plus grands joueurs y évoluaient à l’époque. Mon préféré c’était Platini et j’adorais la Juventus, même si je suis passé par la suite à l’Inter et au Torino. Mon ambition était de jouer en Italie et j’en ai eu l’opportunité. C’était un aboutissement. Je suis peut-être parti un peu tôt. J’avais à peine 20 ans. J’ai ensuite joué à Bordeaux, à Auxerre et j’y suis retourné avec une plus grande maturité.
L’Italie c’est aussi la musique. Vous êtes un ami de Claude Barzotti que vous aviez rencontré lors de vacances dans des circonstances incroyables…J’écoutais ses chansons quand j’avais huit ans. On s’est rencontrés à l’aéroport dans le hall des départs, on a discuté et, en fait, on s’est recroisés à la porte d’embarquement. Je lui ai dit : « Mais tu vas où ? » On allait au même endroit en vacances : à Tenerife. On avait réservé deux chambres dans le même hôtel, qui étaient voisines. On a passé nos vacances ensemble et on est restés amis depuis. En 1985, vous avez d’ailleurs sorti le titre « Gagné d’avance » avec Toto Cutugno… J’ai fait ça pour m’amuser. On m’a proposé de faire un titre. J’aime la musique, mon oncle était musicien. Mon père m’a conseillé de tenter l’expérience, il me disait que ça ne m’empêchait pas de faire du foot. Il était tellement fier de moi.

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La clé de ce Belgique-Italie, c’est quoi ? L’Italie est un pays habitué aux grandes compétitions. C’est une équipe qui, même si elle n’est pas en forme, est toujours performante peu importe la qualité intrinsèque de l’équipe.

Antonio Conte a joué des grandes compétitions, il va bien les préparer. Et puis, les Italiens ont la culture de la gagne.

Je m’en méfie évidemment beaucoup. Je crois que les Diables devront être patients. Qualitativement, je pense que les Belges sont au-dessus mais je m’attends à un match compliqué. Ils ont plus d’expérience. Tous leurs joueurs évoluent chaque week-end au haut niveau. Pareil, l’entraîneur Antonio Conte a joué des grandes compétitions, il va bien les préparer. Et puis, les Italiens ont la culture de la gagne… Les Diables aussi ont accumulé de l’expérience depuis deux ans…Oui et c’était certainement le problème au Brésil. C’était tous leur première grande compétition. Il y avait déjà de la qualité mais les joueurs n’avaient pas assez de maturité pour battre les grandes nations. On l’a vu notamment en quarts contre les Argentins. On aurait pu jouer deux heures de plus sans marquer. Cela va leur servir. Les joueurs progressent en club, l’équipe a continué à évoluer, à progresser. C’est un bon test ce premier match. On est certainement plus prêts cette année pour affronter les grandes équipes.

Un petit prono du coup pour ce Belgique-Italie ?5-0 pour la Belgique…
(Rires) Non mais je penche du côté de la Belgique. Si on est bien préparés, on va gagner ce match. Après, je sais très bien que ce ne sera pas facile. Les Diables peuvent-ils aller au bout ?Tout est possible. En Belgique, on reste prudents. La plupart des nations qui seront présentes ont un bon niveau. Ce n’est pas n’importe quoi. Ce serait un peu prétentieux de dire qu’on va gagner l’Euro. Malgré tout, j’y crois, je pense qu’on va aller loin.

Dans cet article :
La Belgique bientôt sans son meilleur buteur ?
Dans cet article :

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