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Enzo Fernández, le tube argentin du moment

Par Georges Quirino-Chaves, à Buenos Aires
7 minutes
Enzo Fernández, le tube argentin du moment

Arrivé au Portugal cet été en provenance de River Plate, le milieu de terrain argentin de 21 ans s’est déjà imposé comme un joueur incontournable du Benfica qui reçoit le PSG ce mercredi. Sélectionné pour la première fois avec l’Albiceleste il y a dix jours, le gamin de San Martín impressionne par sa maturité et sa capacité à jouer à tous les postes de l’entrejeu. Le Mondial au Qatar s’imagine désormais avec « El Gordo ».

Comme souvent, le monde entier n’a parlé que de lui. En inscrivant quatre buts face au Honduras et à la Jamaïque, Lionel Messi a cannibalisé toute l’attention médiatique lors de la tournée américaine de l’Albiceleste fin septembre. En Argentine, derrière le show du septuple Ballon d’or qui enflamme tout le pays à deux mois de la Coupe du monde, les performances d’un autre joueur ont aussi occupé des heures d’antenne. Pour ses deux premières sélections, Enzo Fernández, 21 ans, a crevé l’écran. Lionel Scaloni, qui avait déjà convoqué le milieu de terrain en novembre dernier, lui a donné 30 minutes à chaque match pour s’exprimer à la place de Leandro Paredes puis de Guido Rodríguez. Positionné devant la défense, le nouveau joyau du Benfica, bras tatoués et dégradé impeccable, en a profité pour montrer toute sa palette : contrôle du rythme, transversales, projection vers l’avant, une frappe sur le poteau et une offrande pour la Pulga après avoir récupéré le ballon. Le numéro 14 n’a raté que deux passes sur les 76 tentées, soit 97% d’efficacité.

« Enzo va être un joueur important pour nous dans les prochaines années », prévient Rodrigo de Paul, le moteur de l’Albiceleste. « Il peut jouer à tous les postes du milieu » , apprécie le sélectionneur qui réfléchit désormais à l’intégrer dans la liste des 26 pour le Mondial au Qatar. « C’est un garçon avec beaucoup de personnalité. Il est intelligent et bon avec les deux pieds », abonde Lionel Messi après le baptême en bleu ciel et blanc du footballeur du Benfica qu’il retrouvera déjà ce mercredi soir en Ligue des champions. Une opposition entre les deux Argentins du moment ?

Il a 21 ans, mais on croirait qu’il en a 30 quand vous voyez sa façon de gérer le rythme d’un match.

« Dans un an, il sera dans un grand club »

Le milieu de terrain aux dents ultra white régale le Portugal depuis son arrivée au pays le 14 juillet dernier en provenance de River Plate contre 12 millions d’euros. En trois mois et pour sa première expérience en Europe, Enzo Fernández s’est déjà mis les supporters des Aigles de Lisbonne dans la poche. Titulaire lors des quatorze matchs disputés par les Rouges cette saison, le droitier argentin s’est imposé dans le 4-2-3-1 du coach Roger Schmidt. Aux côtés du Portugais Florentino Luís, le nouveau numéro 13 box to box du Benfica commande l’entrejeu, assure le tempo et casse les lignes devant la charnière centrale menée par son compatriote Nicolas Otámendi. Si le club lisboète est l’équipe qui fait le plus de passes en Europe derrière Manchester City (708 par match selon une étude du CIES), il le doit en grande partie à sa jeune recrue.

« Quand je l’ai vu pour la première fois à l’entraînement, on avait l’impression qu’il était là depuis des années, racontait l’entraîneur allemand il y a quelques jours en conférence de presse. C’est quelqu’un qui a énormément confiance en lui. Il joue très bien avec ou sans ballon. Il est très complet et a une vraie intelligence tactique. Pour nous, c’est déjà un joueur-clé. » Auteur de trois réalisations cette saison, Enzo est aussi à l’origine du mouvement ayant mené au but de la victoire du Benfica face à la Juventus à Turin (1-2). Wolverhampton et surtout Liverpool songeraient déjà à l’arracher des griffes des Águias. « Je ne vois pas beaucoup de joueurs avec son profil, confiait Javi García, entraîneur adjoint du club portugais sur les ondes de Radio Marca. Il a 21 ans, mais on croirait qu’il en a 30 quand vous voyez sa façon de gérer le rythme d’un match. Enzo sera sûrement dans un grand club d’ici un an. »

Un « gros » nourri par Francescoli, Gallardo et Crespo

Dans la commune de San Martín, le berceau du joueur argentin dans la banlieue de Buenos Aires, Pablo Esquivel, 40 ans, ne peut s’empêcher de s’émouvoir en observant les performances actuelles de son poulain. Enzo avait cinq ans quand ce scout de River Plate l’a découvert à la Recova, un petit club du quartier : « Il ne courait pas après tous les ballons comme les autres gamins. Pour son âge, sa façon de se positionner et de se déplacer sur le terrain était déjà impressionnante. » Homonyme d’un des fils Zidane, le cadet d’une fratrie de cinq enfants doit son prénom à l’amour de ses parents pour Enzo Francescoli, idole de River dont les Fernández sont fanatiques. D’abord réticents à envoyer leur plus jeune fils se former chez les Millonarios, Raúl, modeste employé dans une usine de peinture où il bosse encore, et Marta, femme de ménage, finissent par accepter de confier leur progéniture à Pablo Esquivel, quitte à se sacrifier économiquement. Le formateur les a convaincus. Le talent de leur petit interpelle : « Quand Enzo avait sept ans, il était tellement fort que les autres gamins et parents voulaient se prendre en photo avec lui après les tournois. Ils savaient qu’il allait devenir un grand joueur. »

Enzo est centre de la photo : le quatrième gamin debout en partant de la gauche.

Il avait des problèmes de poids parce qu’il bouffait n’importe quoi. Ses parents travaillaient tous les deux. Il attrapait ce qu’il y avait dans le frigo ou s’achetait une connerie à la sortie des entraînements.

Son ascension ne fut pas pour autant sans embûches. À l’adolescence, Enzo galère dans les catégories inférieures de River Plate. C’est à cette époque qu’il gagne un surnom que ses proches utilisent encore aujourd’hui : « El Gordo » (le gros, en VF). « Il avait des problèmes de poids parce qu’il bouffait n’importe quoi, se rappelle son formateur. Ses parents travaillaient tous les deux. Il attrapait ce qu’il y avait dans le frigo ou s’achetait une connerie à la sortie des entraînements. Il était grand et lourd. Il a failli abandonner, mais on a discuté ensemble, et il s’est mis au travail. Aujourd’hui, même si tu t’envoies une escalope milanaise devant lui, il va manger du saumon grillé avec un peu de salade ».

Le milieu de terrain regagne sa place, monte dans l’équipe réserve et finit par taper dans l’œil de Marcelo Gallardo venu assister à un entraînement. Si le Muñeco le lance dans la cour des grands, il l’invite rapidement à aller se faire les dents dans un autre club de première division. L’ancien Monégasque a un pote, Hernán Crespo, alors coach de Defensa y Justicia dans la banlieue sud de Buenos Aires, qui souhaite le récupérer en prêt. Dans l’institution de Florencio Varela, Enzo, au milieu d’une équipe joueuse, se balade. Il est l’un des grands artisans du sacre des Vert et Jaune en Copa Sudamericana, l’équivalent de la Ligue Europa en Amérique du Sud. « Il a beaucoup grandi avec Crespo, assure Esquivel. À cette époque, il est aussi devenu papa d’Olivia, sa fille aujourd’hui âgée de deux ans. Il a acquis la maturité qui lui manquait. »

Gallardo le rappelle à River Plate. Aux côtés de son idole d’enfance Enzo Pérez devant la défense, il forme les Enzos, un milieu de terrain qui marche sur le championnat, bien épaulé par une autre pépite, l’attaquant Julián Álvarez qui empile les buts avant de partir à Manchester City. Cette année-là, en 28 matchs avec les Millonarios, le futur joueur de Benfica inscrit dix buts et donne sept passes décisives, au point de susciter l’intérêt du Real Madrid. « Il avait fait installer un gymnase dans sa maison pour pouvoir travailler après les entraînements avec River, révèle son formateur. Il demandait au préparateur physique d’en faire toujours plus. Son rêve était d’aller en Europe. Personne ne lui a jamais rien offert. Tout ce qu’il a aujourd’hui, il s’est battu pour l’avoir ! » Marco Verratti est prévenu.

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