- Interview
- Il a battu Benjamin Nivet au tennis
Entretien avec Paul Dufour, l’homme qui a éliminé Benjamin Nivet au 14e tour du tournoi du Tennis Club Troyes
Retraité depuis le printemps dernier après un barrage de promotion en Ligue 1 perdu avec l'ESTAC, Benjamin Nivet entretient sa forme en jouant au tennis. Avec succès, puisqu'il vient de passer 13 tours de suite au tournoi du Tennis Club Troyes. Le divin chauve est tombé au 14e tour (6-2, 7-5) face à Paul Dufour, 38 ans, conseiller en immobilier classé 15/1. Ce bourreau est donc la personne la mieux placée pour évoquer le toucher de balle de l'ancien meneur de jeu de l'AJ Auxerre.
Comment as-tu réagi quand tu as appris que tu allais jouer contre Benjamin Nivet ?D’habitude, je joue contre des joueurs que je connais, alors j’étais plus stressé que d’habitude, et j’ai d’ailleurs mis du temps à me relâcher pendant le match. Ça fait à peu près deux ans que Benjamin Nivet tape des balles au club. Il vient souvent avec des gars de l’ESTAC, Gharib Amzine notamment (ancien joueur de Srasbourg et Troyes et actuel entraîneur de la réserve, N.D.L.R.), et il a même commencé à prendre des cours.
Personnellement, je connais Benjamin depuis une dizaine d’années. Je travaille dans l’immobilier et je l’avais aidé à vendre sa maison à la fin de son premier bail à l’ESTAC. C’est vraiment un mec super, humble et gentil. Honnêtement, je ne pensais pas qu’il pourrait arriver aussi loin dans le tournoi. Il a d’ailleurs battu le record de mon frère Marc. Comme Benjamin, il était non classé quand je l’avais inscrit et il avait passé 12 tours avant de tomber. Un de moins que Benjamin cette année, donc.
Comment s’est déroulé le match ?J’ai gagné 6-2, 7-5, mais, honnêtement, le score reflète mal la physionomie du match. Au premier set, tous les jeux sont accrochés. Lors du second, il fait la course en tête jusqu’à 5-4 avant que je ne breake pour l’emporter sur ma première balle de match. Avant le match, il pensait qu’il n’avait pas le niveau et avait même peur que je m’emmerde, mais on a été très loin de ce scénario !
Tu es classé 15/1, et aux tours précédents, il a battu deux joueurs classés 15/2. Pour les non-initiés, ça représente quoi ?Honnêtement, c’est déjà un bon niveau. Je dirais que globalement, les joueurs classés 15/2 s’entraînent une à deux fois par semaine et jouent entre 20 et 30 matchs officiels par an. Autant dire qu’ils ne sont pas habitués à se faire battre par des non-classés.
Son style de jeu ressemble à quoi ?Au premier coup d’œil, ce n’est pas très impressionnant.
Mais il remet tout à 30 centimètres de la ligne de fond et physiquement, sur le foncier, il est simplement monstrueux. Je l’ai un peu battu à l’expérience et parce qu’il a fait quelques fautes, mais s’il m’avait emmené au troisième set, je pense que j’aurais été en grand danger. Sinon, comme au foot, il a un coup d’œil monstrueux et anticipe très très bien tous les coups de son adversaire. En plus, il démarre super vite : l’amortie est normalement ma grande spécialité, mais il était sur la balle quasiment chaque fois que j’en ai tenté une.
Et esthétiquement, ses coups, c’est vraiment du tennis ?Franchement, là-dessus aussi il est impressionnant.
Ses coups sont très propres et très relâchés. Au service, il passe presque toutes ses premières balles, un vrai métronome. Elles ne sont pas très puissantes, mais elles sont bien placées, rasantes, et donc très dures à attaquer. Et il a eu l’intelligence de pilonner au maximum mon revers.
Son revers à lui, justement, il le joue à une ou à deux mains ?Un peu les deux en fait. Quand il est bien dans l’échange, il le joue généralement à une main, et il met la deuxième quand il est débordé.
Si tu devais le comparer à un joueur du top 10 actuel, ce serait qui ?Comme ça, je dirais Daniil Medvedev (défait après une lutte titanesque en finale du dernier US Open par Rafael Nadal, N.D.L.R.).
C’est un rameur, un mec qui remet tout et qui s’appuie sur la puissance de l’autre. Quand j’ai réussi à me détendre et que j’ai commencé à accélérer, la balle revenait deux fois plus fort, ça lui convenait encore mieux. Il adore les filières longues et a les pieds très bien ancrés dans le sol, donc je pense que la terre battue l’a avantagé. Sur une surface plus rapide, j’aurais sûrement réussi à le déborder plus facilement. Mais honnêtement, s’il continue comme ça, il va faire mal.
Sur le court, il est comment ? Il s’énerve, il s’encourage, il montre ses émotions ?Justement, très peu, il est super calme. Il ne râle pas et est très patient dans l’échange, ce qui est essentiel sur terre où les échanges s’éternisent. Mais en même temps, il était totalement impliqué, on sentait qu’il était là pour gagner. Alors que franchement, par rapport à ce qu’il a vécu dans sa carrière, le tournoi du TC Troyes…
Après avoir écarté Benjamin Nivet, t’es allé loin dans le tournoi ?J’ai perdu au tour suivant, en 3 sets contre le futur vainqueur du tournoi, un mec de 25 ans classé 4/6. C’était à midi, le lendemain de ma victoire contre Benjamin : autant dire qu’avec tout ce qu’il avait remis dans le court, j’avais encore les jambes bien lourdes.
Propos recueillis par Quentin Jeannerat