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Leynet : « L’arrière-grand-mère avait découpé les maillots pour laver les carreaux »

Propos recueillis par Maxime Marchon
8 minutes

Jean-Marc Leynet. Son nom ne vous dit rien ? C’est l’homme derrière le mythique musée privé de Loulou Nicollin. L’homme derrière les plus grandes ventes aux enchères de maillots de foot (Zidane, Maradona,…) et objets sportifs de ces dernières années chez Drouot. Il tiendra le plus gros stand de notre Incroyable Brocante Sports. Entretien.

Leynet : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L’arrière-grand-mère avait découpé les maillots pour laver les carreaux<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Quelles sont toutes tes casquettes en tant qu’expert dans le sport ?

Ma mission première, c’est l’expertise. Aussi bien pour une institution que pour un particulier. Quand je parle d’institution, ça peut être un musée, une mairie, etc. Je suis là pour expertiser ce qu’on me présente tout simplement, et donner des évaluations ou une authentification. Après je fais aussi de l’expertise dans le cadre de partages, de successions. Parfois sans vente, parfois avec. Ça peut être pour des personnes ou des musées qui ont des collections et me demandent de faire un inventaire estimatif pour les assurances. Car je suis aussi agréé pour faire des inventaires en assurance. La dernière en date, c’était pour le musée du PSG. Je fais aussi du conseil pour des particuliers, des consultations pour des institutions. J’ai des missions avec la FFF par exemple. Je suis aussi habilité à délivrer des certificats d’authenticité. Je gère aussi de la restauration d’objets. En plus de cela, je suis conseiller pour des grosses collections aussi bien en France qu’à l’étranger. Et notamment pour la collection Nicollin. Donc ça fait beaucoup de choses. (Rires.)

Comment tout ça a commencé ?

À la base, je suis un basketteur. Espoir à Villeurbanne, j’ai par la suite évolué en semi-pro dans différents championnats nationaux. Mais j’ai toujours travaillé à côté. Au tout début, chez Decathlon. Puis j’ai monté mon propre magasin dédié au basket en 1987. J’avais 27 ans. Ça s’appelait Top basket. J’ai eu jusqu’à 10 magasins. Le premier était à Beaubourg. Une institution, car j’étais référencé par la NBA. J’étais donc dépositaire des produits NBA en France, référencé dans tous les guides NBA, présent dans des salons aux États-Unis, invité à tous les All Star Game. Nous avions même spécialement construit dans un autre magasin à Paris une salle pour que les gens puissent venir échanger leurs cartes. On avait parfois 400 clients par jour. Joakim Noah passait souvent. Ça a duré de 1987 à 2000. J’ai arrêté à la suite des problèmes des grèves en NBA (NDLR : durant la saison 1998-1999, une grève à la suite d’un désaccord entre joueurs et propriétaires sur les clauses du contrat CBA, liant les acteurs de la NBA, a frappé la NBA pendant presque 7 mois, durant lesquels toutes les activités basket ont été suspendues), j’ai tout vendu et j’ai décidé d’aller vivre aux États-Unis. Je suis rentré deux ans plus tard.

On s’appuie sur notre propre base de données : 3 millions de photos d’archives et environ 3500 livres.

Quand tu es rentré des États-Unis, tu avais une idée de ce que tu voulais faire ?

Absolument pas ! Mais il se trouve qu’on me propose, via une personne à qui j’avais vendu un de mes magasins, de racheter toutes les archives du groupe Vaillant-Miroir Sprint. C’était à l’époque parmi les titres les plus vendus en France (NDLR : les tirages du magazine sportif hebdomadaire Miroir-Sprint atteignent au début des années 1950 des chiffres supérieurs à 400 000 exemplaires…). Quand je découvre les archives, j’avais tout : les magazines, les éditions, près de 200 000 photos, des dessins originaux, etc. J’ai donc fait appel à un expert, M. Jacques Seray, pour qu’il me dise ce qu’il en pensait. On a commencé à travailler ensemble pour les vendre aux enchères. Un an après, il a décidé de prendre sa retraite et m’a proposé de prendre sa succession. C’était il y a 20 ans pile.

Au bout de combien de temps devient-on un vrai expert sport ?

Au bout de 10 ans. Acquérir la connaissance et la compétence de l’expertise sur tous les sports, ça prend beaucoup de temps.

L’expertise passe par le savoir ou par les sens que sont sentir, toucher un maillot ? 

Alors si on ne parle que des maillots, la première étape, c’est la fabrication. En quoi la fabrication correspond bien à l’époque dont le maillot est censé être. Par exemple si on te présente un maillot du PSG des années 1980, on doit s’assurer que tous les critères de fabrication correspondent à l’époque. L’avoir entre ses mains permet ainsi d’étudier le textile, les étiquettes, la marque… La deuxième étape, c’est de s’assurer que la configuration du maillot correspond bien à un match. Et une fois que cela a été fait, on essaye de s’assurer par la provenance que ce maillot a bien été porté lors d’un match, etc. Pour ça, on s’appuie sur notre propre base de données où on a inventorié 3 millions de photos d’archives et environ 3500 livres. Savoir s’il a appartenu à la famille, s’il a appartenu directement aux joueurs ou quel collectionneur l’a eu avant permet aussi d’arriver à l’expertise la plus proche possible.

Existe-t-il des cas où tu ne peux pas certifier qu’il soit vrai ou faux ?

Dans ce cas-là, on ne le met pas en vente. Par exemple en ce moment, j’ai 150 maillots en attente qui sont en expertise secondaire.

 

Le cas du maillot de Zidane porté en finale que tu avais retiré d’une vente, c’était ça ?

Non. On a fait une erreur à l’époque, on est passé à côté d’un décalage de marquage qui n’était pas évident, de 3 à 5 millimètres. Des maillots Zidane en finale de la Coupe du monde, j’en ai vendu trois. Les deux premiers on était sûr que les maillots n’avaient pas été portés par Zidane. Le troisième, on a fait cette erreur alors que la source était sûre. C’était quand même le frère de Zinédine Zidane. Sur le marché de la collection de sport, l’objet le plus dur à expertiser est le maillot de foot, clairement.

C’est quoi le temps moyen d’expertise d’un objet ?

En temps cumulé, ça peut aller de 10-15 minutes à plusieurs heures, voire plusieurs jours.

J’ai lu dans un portrait que Le Républicain de l’Essonne t’a consacré que pour savoir si le maillot avait été porté, tu reniflais parfois les aisselles ?

Alors ça, c’est pour les maillots très modernes. C’est-à-dire quand on reçoit un maillot qui a été porté dans les deux mois précédents, et qu’il n’a pas été lavé, tu as intérêt à avoir une pièce bien aérée. On n’en a quelques-uns chez nous, ils ne sont pas dans les bureaux…

Tu estimes à combien le nombre d’objets expertisés qui sont passés entre tes mains ?

Je n’ai jamais fait le compte, mais des dizaines de milliers…

J’ai des amis du côté de Reims qui vont sur une brocante. En chinant, sur un stand, ils trouvent des médailles de la coupe d’Europe 1956 du Stade de Reims, dans des cagettes.

Comment s’est faite la rencontre avec Louis Nicollin ?

Je m’en souviendrai toute ma vie. On est en 1995. Une dame, sa secrétaire, m’a appelé : « Bonjour, je vous passe le président Nicollin. » À ce moment-là, il commence à collectionner des cartes de basket. Et donc je lui livrais toutes les nouvelles collections qui sortaient. Ça a duré aussi quand j’étais aux États-Unis. Et quand je suis rentré en France et que j’ai commencé mon activité d’expert, il m’a dit : « Désormais, ce sera toi qui feras les achats pour moi. » Voilà.

Quels sont les objets les plus emblématiques que tu lui as trouvés ?

Les torches olympiques. En ce qui concerne les maillots, des pièces de Johan Cruyff, Michel Platini, Bobby Charlton, tous les grands joueurs… J’étais aussi là pour valider et approuver tous les Ballons d’or. Le président Nicollin recevait aussi beaucoup de maillots de la part de ses connaissances.

Hors Nicollin, c’est quoi les objets les plus marquants qui sont passés entre tes mains ? 

C’est souvent lié à des successions, des découvertes dans les familles. Certaines ont trouvé des médailles olympiques sans savoir que l’arrière-grand-père avait fait les JO… Le plus amusant dans ce genre de moment, c’est quand la famille apprend la valeur de ce genre d’objet alors qu’ils étaient à deux doigts de le jeter ou de le mettre à Emmaüs. Parfois, la valeur d’un objet peut changer ton parcours de vie. Par exemple, une fois, j’ai effectué une succession dans le football. La personne m’a contacté en n’ayant aucune idée de la valeur des objets qu’elle avait. Et en fait, elle avait un projet de reconversion professionnelle assez compliqué à mettre en place et elle devait faire un emprunt. Cette vente lui a permis de ne pas faire appel aux banques. C’est cette facette que je préfère dans mon métier.

Et tu as déjà eu affaire à des familles qui avaient jeté ou donné des objets de valeur ?

Pas moi directement. Mais j’ai des amis du côté de Reims qui vont sur une brocante. En chinant, sur un stand, ils trouvent des médailles de la coupe d’Europe 1956, dans des cagettes. Ils achètent les médailles, puis discutent avec la famille qui les vendait en leur demandant s’il y avait des maillots. La famille a répondu que l’arrière-grand-mère les avait découpés pour laver les carreaux. On parle donc de maillot du stade de Reims des années 1950 qui valent aujourd’hui entre 10 000 et 15 000 €… Autre exemple : un monsieur en lien avec l’équipe de France qui avait récupéré des maillots des Bleus des années 1950-1960 et les avait filés à ses amis du foot du dimanche matin pour qu’ils jouent avec.

L'homme aux 70 000 maillots

Propos recueillis par Maxime Marchon

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