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- Départ de Mesut Özil du Real Madrid
Entre Madrid et Özil, l’amour a duré trois ans
Il aurait dû être le successeur de Zinedine Zidane, il ne sera finalement que la plus grosse vente de l'histoire du Real Madrid. Parti à Arsenal, Mesut Özil laisse au Santiago Bernabéu des regrets en pagaille, une classe peu égalable et un beau casse-tête tactique en perspective.
C’était un beau rêve que celui de voir Mesut Özil. Comme en ce soir de Clásico comptant pour une demi-finale aller de Copa del Rey. Il faisait froid, ce 30 janvier, au Santiago Bernabéu. À la 57e minute, le temps a alors décidé de se suspendre. Sur une transversale hasardeuse, Mesut sort un contrôle invraisemblable, venu d’ailleurs. Une aile de pigeon qui stoppe net la course du ballon. Un frémissement s’est alors emparé du Santiago Bernabéu. Personne parmi les quelque 80 000 socios présents ne s’est emporté. Car ce silence valait tous les applaudissements du monde. De tels chuchotements, il y en a eu tout au long des trois saisons de Mesut Özil au Real Madrid. En 150 apparitions sous la tunique merengue, le Teuton aura distillé 67 passes décisives et inscrit 26 buts. Mais plus que ces chiffres, ce sont bien ses mouvements qui marquent le peuple de la Casa Blanca. Ses roulettes, ses crochets, ses passes lasers, son élégance… Mesut a envoyé du rêve. Et ce départ, aussi inattendu que déjà regretté, pourrait bien laisser des regrets infinis au Santiago Bernabéu.
Son contrôle face au FC Barcelone
Zinédine, ta relève n’est plus
L’importance de Mesut Özil depuis son arrivée n’est plus à prouver. Il s’en est occupé sur les terrains. Tout d’abord soldat de Mourinho, le natif de Gelsenkirchen s’est émancipé. Au point de devenir le successeur naturel de Zinedine Zidane. Un Zidane qui, depuis la Coupe du monde 1998, est son modèle. « À partir de ce moment-là, à la console, je prenais le Real ou l’équipe de France, normal, et dès que je le voyais faire un geste, j’allais direct sur Youtube, nous racontait-il dans le numéro des dix ans. Il se trouve que j’arrivais à reproduire ses gestes assez vite. » Cette succession ne s’est jamais transformée en fardeau. Mieux, Mesut s’est approprié le jeu du Real Madrid aux côtés de Xabi Alonso, loin des statistiques de Cristiano Ronaldo. Faux lent, il accélérait les transitions rapides des contre-attaques du plan Mourinho. Sa technique a, elle, permis au Real de se sortir de situations bien compromises. En phase de groupes, face à Dortmund, il procure le point du nul sur un coup franc. Même topo, en championnat, face à Valladolid, où son doublé offre les trois points à Madrid. Et les exemples sont légion.
Les coups de moins bien, il s’en est relevé. Un temps mis en garde par José Mourinho pour son soi-disant manque de motivation, il a cravaché pour s’imposer de nouveau comme un inamovible. L’an dernier, la venue de Luka Modrić été accompagnée de points d’interrogation. Alignés conjointement, les deux techniciens se marchaient dessus. José a finalement tranché pour l’international allemand. Ce même Special One, qui le désirait ardemment après le Mondial 2010, ne l’a jamais ménagé. Par peur qu’il se repose sur ses lauriers, sans doute. À tel point qu’il pouvait faire craquer son poulain. Juan Ignacio García-Ochoa, journaliste à Marca et auteur du livre Özil, el mago con botas, révèle ainsi « qu’Özil a quasiment pleuré lorsque Mourinho lui a reproché :« Tu crois que tu es Zidane ? » » Pas revanchard, l’Allemand délivrera une lettre d’adieu à son ex-coach au début de cet été. Sur le banc, la tâche de polir un peu plus ce diamant incombe à Carlo Ancelotti. Et Zinedine Zidane, second de l’Italien, qui a en charge la tâche de le dorloter. Enfin, avait…
Tactiquement, un vrai problème
Financièrement, la vente de Mesut Özil fait du bien aux caisses du Real. Acheté pour une « bouchée de pain » en 2010 (12 millions d’euros), la plus-value est conséquente. Reste que sur le terrain, le Némo teuton ne sera pas remplacé – intrinsèquement, il est de toute manière irremplaçable. Plus que dans les cœurs, c’est bien sur le terrain que le vide se fera sentir. Dès son arrivée, Carlo avait annoncé la couleur : de la possession et encore de la possession. Soit un schéma tactique à des années-lumière du plan Mourinho. De fait, la technique de Mesut avait tout pour régaler. Son remplaçant, Isco, affiche un niveau ahurissant depuis le début de saison. Mais son aptitude à résister à la pression du Real Madrid et aux grandes affiches de Ligue des champions demande confirmation. Quant à Gareth Bale, faisant le chemin inverse entre Madrid et Londres, il trouvera moins de profondeur face à lui, si telle possession il y a. Idem pour Cristiano Ronaldo. Alors, certes, le Gallois va sans doute être un produit d’appel merveilleux, vendre des maillots à foison et reluquer quelques lucarnes. Les 91 – ou 101 – millions d’euros sont un détail, qu’il les vaille ou non. Pour Mesut, la donne est différente. Car un tel talent n’a pas de prix.
Par Robin Delorme, à Madrid