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Entre les murs de Tignes

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Entre les murs de Tignes

Est-il nécessaire que {{So Foot}} participe à l'hommage national et international rendu à François Bégaudeau ? A l'instar de la bonne centaine d'autres rédactions que l'enfant prodigue inonde de ses multiples très bons articles sans être implacables, celle de la Rue du Commandeur n'a rien fait d'autre qu'être séduite par le plus grand homme-orchestre français depuis Rémi Bricka : écrivain, critique, essayiste, polémiste, chroniqueur, canari et désormais collectionneur de lauriers en puissance, Prix France Culture / Télérama pour “Entre les murs” le livre et Palme d'Or pour le film éponyme. Devrait suivre le traditionnel chapelet de Césars, du meilleur acteur à celui du meilleur scénario, même si le film est une très libre adaptation du livre. Sans parler de Roland Garros, la médaille d'or sur 200 mètres à Pékin, le poing levé dans un gant de laine tibétaine, l'Eurovision, le capitanat du FC Nantes...Mais avant cela, l'Euro 2008. Car c'est une évidence : François Bégaudeau va être appelé par Raymond Domenech et réaliser un improbable doublé Palme d'Or / Championnat d'Europe. Tentative d'explication entre Cannes et Paris. Avec Bégaudeau mais sans Vieira.

La quinzaine cannoise a permis au studieux agrégé de lettres de préparer l’Euro en s’immergeant dans le rythme d’une grande compétition sportive, tant la soixante-et-unième édition du Festival de Cannes a laissé la part (trop ?) belle au football. Entre les murs du Palais, du bon, avec Walter Salles pour “Linha de Passe” (voir SF 55) et David Assmann pour son documentaire en “Iran Football under cover”, et du moins bon, avec Kusturica qui Marav’Dona, Wim Wenders qui n’a pas les autorisations pour tourner aux abords du stade de Palerme et se perd en ville et l’immense Marché du film foisonnant de comédies sur le football aussi ratées les unes que les autres.

Hors les murs, la quinzaine cannoise est chargée : soirée multiplex au Carlton le 10, même chose le 17 au Martinez, Benzema et Nasri interdits de se rendre au Grand Journal de Denisot par Domenech le 20, finale de la Ligue des Champions le 21 et finale de la Coupe de France le 24. Un mélange des genres cher à Thierry Frémaux, lequel rentrant dans la salle de presse samedi dernier pour introduire l’équipe d’“Entre les murs” ne prononça qu’une phrase : « Allez l’OL » , ce qui permit à François Bégaudeau de rappeler son école du terrain. A la question, « Qui va gagner ce soir entre Paris et Lyon ? » , le Canari répondit d’abord « qu’étant donnée sa formation nantaise, (il) ne trouvait aucun intérêt à voir l’une ou l’autre équipe gagner » , avant de se fendre, cabot, d’un « 2-1 pour Lyon » .

Mais sa préparation pour l’Euro a en fait commencé plusieurs mois auparavant, à Paris, dans le XXième arrondissement, au lycée Françoise Dolto. Là, trois heures par semaine pendant un an, Laurent Cantet et François Bégaudeau ont monté un atelier avec des collégiens volontaires et motivés. Ils y ont découvert que le jeu y est utilisé comme révélateur d’une certaine vision du monde. “Entre les murs” parle de tout, y compris du football comme fait social en révélant sa véritable identité, la même que celle que So Foot s’évertue à défendre, entre humour du jeu et amour du maillot comme clés de compréhension du monde tel qu’il est et non tel qu’il devrait être. Au-delà d’un match entre enseignants et élèves dans la cour de récréation, le film se sert du football pour parler du rapport à la nationalité. La fierté du maillot permet à de jeunes Français d’en changer par la grâce de bons ou mauvais résultats des équipes du Mali, du Maroc et de la Côte-d’Ivoire à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations. Pas de débat mais la réalité d’une double culture. Autre cri du cœur : le difficile exercice d’autoportrait à l’oral devant toute la classe, ou quand le « j’aime me taper des délires et traîner avec mes potes » contraste avec un superbe « j’aime pas les skaters et Materazzi » , qui fit exploser de rire le Grand Théâtre Lumière samedi dernier, de bon matin, lors de la première projection du film.

Là, à l’aube, la mer était aussi calme que la Croisette et Claude Makelele sur le point de rentrer de boîte avec Noémie Lenoir. Hormis un tourbillon de champagne nocturne du Jimmy’s au Baron, rien ne laissait prévoir pour le film le tsunami médiatique à venir. “Entre les murs” fut, faut-il le rappeler, sélectionné très tardivement en compétition officielle. Dans la salle, du vieux à perte de vue, car c’est bien connu, le vieux se lève encore plus tôt que lorsqu’il bossait, pour se débarrasser de son étiquette d’inactif. Ça tombe bien, “Entre les murs” est un film pour “vieux”, dixit Bégaudeau : « Ça leur fera du bien de prendre des nouvelles de la jeunesse » . Cette première projection fut conclue par une bonne salve d’applaudissements mais ce ne fut qu’une fois les lumières rallumées que le film essaima dans les conversations. Pour ne plus en sortir.

Qu’on le veuille ou non, le résultat final fait de François Bégaudeau un porte-bonheur protéiforme énervant car aujourd’hui considéré comme indispensable. Peut-être faut-il le mettre en couverture de So Foot pour qu’il perde enfin de sa superbe, à l’instar de Bouchet, Zlatan, et tant d’autres avant eux. “Entre les murs” est la première Palme d’or pour un film français depuis 21 ans et “Sous le soleil de Satan” de Maurice Pialat. Film français ou plutôt film français, libre et laïc, respectueux de toutes formes de différences, voir le cri du cœur d’un jeune chevelu gothique face à ses potes rappeurs, renvoyant les deux cultures l’une à côté de l’autre. Le film vient également consacrer un beau travail d’équipe, fruit de la belle collaboration entre Laurent Cantet et ses productrices Caroline Benjo et Carole Scotta, fidèles à sa vision du monde depuis 1997 et “Les sanguinaires”.

Un amour de la gagne collective, une vraie culture footballistique, un talent brut dans le jeu, un travail d’analyse d’images préparatoire exceptionnel, plusieurs mois de foncier pour avoir du coffre lors des grandes compétitions…Dès lors, que manque-t-il à Bégaudeau pour être appelé par Domenech ? Rien, pas même une conscience politique volontairement effacée. A un journaliste taxant le film de « neutre politiquement » , Bégaudeau mollit ironiquement avec jubilation : « C’est cela, nous avons fait un film Modem » . Avant d’invectiver une journaliste italienne qui aurait souhaité que soit plus développée dans le film la question juive lors de la lecture par la classe du “Journal d’Anne Franck” : « Désolé de vous dire que vous faites fausse route. Vraiment navré pour vous » . Le don d’évacuer tout débat parasite pour se concentrer sur les relations inter-personnelles afin de fomenter un collectif n’est-il pas ce que recherche le sélectionneur ?

François Bégaudeau ne devrait pas commenter sa sélection, trop concentré qu’il est sur le chemin qui doit mener l’Equipe de France à Vienne, mais également par respect pour l’esprit du film. Car, comme il le dit lui-même, l’immense mérite d’“Entre les murs” est de « ne rien dire d’autre que ce qu’il montre » . La vérité par le geste, la connaissance par l’action. Un autre droit de savoir, donc. N’en déplaise à Charles Villeneuve.

Par Brieux Férot

“Entre les murs”, un film de Laurent Cantet avec François Bégaudeau et une bonne trentaine de fous furieux. 2h08. Distribué par Haut et Court. Sortie le 15 octobre 2008.

Brest, capitale des Côtes d’Amour

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