Entre les Murs de Lyon

Madame Bussy, vous êtes enseignante en mathématiques au Lycée technique Louise Labbée ? Oui. J’ai eu Hatem, Karim et Loïc comme élèves. Et aussi Alexandre Berthod, le petit frère de Jérémie, Brugnaud, Valvivia et Damien Plessis. Tous dans la même classe, en seconde BEP, ils avaient 15,16 ans.

Alors, ils étaient forts en maths ? (rires) Pas vraiment non. Ils l’étaient sans doute en football, mais ils ne l’étaient en tout cas pas autant en mathématiques.

Qui était le plus nul ? Oulalala, je ne sais plus. Je devrais regarder les relevés de notes. Mais il me semble que ce serait mieux que je ne vous les donne pas. En tout cas pour Ben Arfa, lui ça lui salirait l’image de marque. Puis il essayait de tricher. Un jour, pendant une interrogation, je ne l’ai pas quitté de l’œil pendant 50 minutes, pour ne pas qu’il pompe. (Rires) Enfin bon, on ne l’a pas gardé longtemps. Au premier conseil de classe, on a bien été obligés de l’exclure.

Il est allé où après ? Après, il s’est fait embaucher dans l’entreprise de M.Aulas, Aulas informatique (Cegid, ndlr) ou un truc comme ça. Enfin ça me gène un peu, faut pas l’écrire tout ça, il a dû changer maintenant.

Ben maintenant, il ne va plus à l’école. Même s’il lirait Nietzsche et Kant. Pardon ?

Hatem Ben Arfa lirait Nietzsche et Kant en dehors des matchs. Ah ça, j’y crois pas. Alors pas du tout. Remarquez, il avait peut-être des talents cachés, je ne sais pas. (rires). En tout cas à l’époque, il y avait comme des tensions dues aux différences d’âge. On a su par quelqu’un qui était à l’OL que si la promotion de 88 avait des meilleures notes que les 87, les 88 se faisaient casser la gueule.

Les plus grands martyrisaient les petits ? Oui, en quelque sorte. Enfin je ne sais pas trop, c’est ce qu’on disait. J’avais par ailleurs plein de copies identiques pour les joueurs de l’OL.

Et Karim Benzéma, il était comment ? Vraiment il était bien, calme, il semait pas le bazar. Enfin il faut dire qu’avec moi, il y avait comme un accord tacite. Il mettait son bras sur la tête et repliait sa main derrière le crâne, ça voulait dire que je devais le laisser tranquille. Alors comme je ne voulais pas le forcer, je vérifiais qu’il faisait ses devoirs et puis voilà.
Il se cachait donc. C’est drôle quand on sait que certains jugent maintenant qu’il a la grosse tête ? Ah bon, il y en a qui disent ça ? En tout cas, il l’avait pas vraiment en classe. Il ne voulait jamais aller au tableau par exemple. Mais il était gentil. Il ne m’a jamais créé de problèmes. Après, il y en avaient peut-être au niveau du relationnel avec le proviseur, je ne sais pas, il est parti après un an.

Et Loïc Rémy, lui, il était comment à l’époque ? Oh lui, il était adorable. Même s’il ne faisait pas non plus des étincelles, il a fait ses deux ans. Je me souviens d’une fois, il dansait en rentrant en classe, il se tortillait dans tous les sens avec un camarade. Alors je lui ai dit d’arrêter. Mais il n’écoutait pas vraiment. Alors je lui ai demandé de sortir 5 minutes pour se calmer. Il me disait : « Mais je vous aime bien, moi, madame Bussy » . Je lui répondais : « Moi aussi, je vous aime bien Loïc, mais on ne danse pas en salle de classe » . (rires)

Ils venaient en survêtement à l’école ? (rires) Oh, je ne sais plus trop. Parfois oui, peut-être, mais non, plutôt en jean-baskets.

Vous avez l’air d’en garder de bons souvenirs, c’était bien d’avoir les jeunes du centre de formation de l’OL ? Oh oui, ils étaient gentils. Et je m’efforçais de faire comme avec les autres élèves. Pas de différences. Hormis le fait que ceux qui étaient sous contrat devaient aller à l’entraînement le mercredi matin. Maintenant, ça c’est fini, ils ont juste des horaires aménagés, ils finissent toujours à 16 heures.

Et vous aimez le football ? Ben du coup, je suis obligée de m’y intéresser. J’ai vu que Loïc a joué contre l’OL avec Nice, qu’il a même marqué. Et puis je suis toujours, je vois Hatem, je vois Karim. Ça me fait drôle de les voir à la télé avec l’Equipe de France. Je suis contente. Maintenant, j’aime bien le foot. Avec mes collègues, ceux du centre, on leur demande de nous donner des tickets. Sur un terrain de foot, ils doivent être plus dynamiques qu’en classe. (rires)

Simon Capelli-Welter