Entre les murs

Une fois n’est pas coutume, la Ligue de football professionnel espagnole a décidé de classer le derby catalan comme un match à hauts risques. Bizarre quand on sait que les socios des deux clubs ne figurent pas vraiment parmi les plus chauds d’Europe. Loin de là même. Seulement voilà, depuis bientôt un siècle, les Blaugranas prennent un malin plaisir à se foutre de la gueule de leurs homologues Pericos. Forcément, entre des prétentieux un peu trop grandes gueules et des losers à court d’arguments, l’affrontement vire presque souvent en baston.

Le Barça le sait parfaitement. Il est le seul vrai club garant de l’identité catalane. Et il ne se gêne pas pour le faire remarquer à l’approche de chaque derby. Cette semaine, le président Laporta a déballé la petite phrase assassine, histoire de mettre un peu de piment au match. « Depuis que l’Espanyol a emménagé dans son nouveau stade, le Barça est devenu le seul club de Barcelone. Jouer contre l’Espanyol, ce n’est plus un derby, mais un affrontement régional » . Le dirigeant blaugrana l’ouvre un peu trop vite car avant d’aller jouer leurs matchs à Cornella-El Prat (à côté de l’aéroport), les Pericos étaient les seuls à disputer vraiment leurs rencontres dans la ville de Gaudi (soit au Stade Olympique de Montjuic). Le Camp Nou est en effet situé depuis sa création à L’Hospitalet, une ville de la banlieue de Barcelone… Et ça, le président de l’Espanyol Sanchez Llibre n’a pas tarder à le souligner : « Laporta peut dire ce qu’il veut, il n’est pas géographe. Et puis de toute façon je m’en branle pas mal de ses petites provocations ! » . Ambiance.

Au-delà des mauvaises relations entre deux clubs qui s’accusent de se voler des jeunes espoirs reste la réalité du terrain. Et là, le Barça est favori à 1000%, même en l’absence de Lionel Messi. Qualifiée pour les huitièmes de Ligue des Champions et leader de la Liga avec 5 points d’avance sur les Merengues, la bande à Pep veut boucler sa saison 2009 en gagnant son dernier match de Liga à domicile afin de partir sereinement pour la coupe du monde des clubs.

Pour l’Espanyol, l’objectif prioritaire sera de ne pas se prendre une valise comme celle reçue contre le Racing Santander. La semaine dernière, les Pericos avaient sombré, aussi bien dans le jeu que dans l’état d’esprit. Il faut dire que depuis le début de l’année, les Blanquiazules accumulent les pépins en tous genres. Le club ne s’est pas remis de la mort du capitaine Jarque cet été. Pire, le brassard semble être devenu maudit. Ivan De La Pena (little Buddah), le métronome de l’équipe et formé au Barça est parti en Serbie pour se faire injecter du placenta de cheval pour des problèmes musculaires à répétition. A son retour des Balkans, l’ex-Marseillais a déclaré qu’il arrêterait sa carrière en fin de saison si le traitement ne marchait pas. Pour Tamudo, le meilleur buteur de l’histoire du club, c’est également la soupe à la grimace. Une semaine après avoir hérité d’un brassard qu’il ne se sentait pas de porter, le gentil Tamudo a été écarté du groupe par Pochettino à la demande des dirigeants après avoir refusé de prolonger son contrat. Une version que le joueur s’est empressée de démentir en conférence de presse, les larmes aux yeux et des trémolos dans la voix : « J’ai tout donné pour l’Espanyol et aujourd’hui on veut se débarrasser de moi comme une vulgaire chaussette. Les dirigeants mentent, et les socios le savent très bien. Je veux finir ma carrière ici ! » . Réintégré dans l’effectif après sa mise au point, Tamudo n’a pas apporté grand-chose à l’attaque stérile des Pericos. A la décharge des attaquants (Luis Garcia, Alonso et Corominas), il faut bien dire que le milieu de terrain formé par Roncaglia et Pillud est très loin de donner satisfaction. Des voix commencent même à s’élever contre Pochettino (il a été sifflé lors du dernier match), coupable selon les socios et ses dirigeants de titulariser essentiellement des Argentins. L’ex-Parisien est déjà sur la corde raide malgré un bilan plus que satisfaisant à Barcelone. Pour éviter de faire ses valises dès ce week-end, Mauricio a déjà annoncé qu’il mettrait une défense à cinq pour contrer l’armada de Guardiola. Ça ressemble à un plan Marshall. Normal ça l’est : « Je demande à mes joueurs qu’ils se rebellent enfin ! L’équipe a été humiliée contre Santander, et j’attends d’eux une remise en question ainsi qu’une réponse d’orgueil contre le Barça » .

L’année dernière, les Pericos avaient créé la surprise en s’imposant au Camp Nou (1-2), pour ce qui était devenu le point départ de l’opération sauvetage de l’Espanyol. Les Blaugranas devraient se méfier. Leurs banlieusards de cousins ont le sang très chaud.