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Entraîneur, pour quoi faire ?

Par Markus Kaufmann / Propos recueillis par Markus Kaufmann
Entraîneur, pour quoi faire ?

Au bout de la saison 1966-1967, Armando Picchi en a après la presse italienne. D'après le libéro et capitaine de celle que l'on appelle « La Grande Inter », les médias donnent trop de mérite à l'entraîneur Helenio Herrera : « Si l'Inter doit beaucoup au Mago, combien le Mago nous doit-il à nous, les joueurs ? Beaucoup, et même plus. » Picchi partira à Varese, mais le débat ne s'envolera pas pour autant : quelles sont les vraies parts de responsabilité des entraîneurs et des joueurs dans les résultats d'un club de football ?

Le 8 mai dernier, un jour après avoir été sacré champion de France avec le PSG, un Thiago Silva en survêtement hésite au moment de comparer l’insistance de Carlo Ancelotti et Laurent Blanc sur la possession de balle : « Attends, tu dis qu’on insiste plus sur la possession de balle avec qui, Ancelotti ou Blanc ? Parce que l’an dernier, si tu regardes le calendrier et les matchs, c’est surtout vrai qu’il n’y avait pas Thiago Motta. C’est ça, la grande différence entre les deux saisons. » Les pieds d’un joueur, plutôt que les idées de deux entraîneurs réputés ? Le 8 juillet, deux mois plus tard, le Brésil orphelin de Thiago Silva et Neymar coule face à l’Allemagne et donne des arguments à Silva : à quoi sert l’entraîneur si le navire chavire sans ses deux capitaines ?

Vers des joueurs bureaucratiques ?

Réfugié à Madrid pour fuir les pelotazos et les excès tactiques d’un championnat argentin qu’il n’ose plus regarder, Ángel Cappa dénonce même le rôle nocif de l’entraîneur moderne : « Il ne s’agit pas de dire que l’entraîneur ne sert à rien, mais parfois le talent dépasse la raison. Le bon joueur de football a une connaissance interne préalable à la raison. Sur le terrain, il sent ce qu’il faut faire. C’est ce qu’on appelle souvent l’intelligence footballistique. Et parfois, on voit des joueurs qui renient cette intelligence brute au profit du respect de certaines consignes. Mais ils ne font que crisper leur jeu et deviennent des joueurs bureaucratiques. Et c’est dangereux aujourd’hui, dans ce monde où les footballeurs ont toujours quelqu’un pour s’occuper de tout à leur place. » Après tout, les clubs payent des recruteurs pour parcourir le monde à la recherche de jolis pieds, pas de schémas innovants. Et les études démontrent une corrélation entre la masse salariale et les résultats des clubs à long terme (la corrélation entre le salaire des joueurs et la position au classement du club est de 90% dans le football anglais de 1978 à 2010, d’après Stefan Szymanski, professeur d’économie à l’université du Michigan et co-auteur du livre Soccernomics avec Simon Kuper). Plus tu as de bons joueurs, plus tu gagnes, indépendamment du coach et du reste.

Maurizio Zamparini : « Au PSG, même moi, je pourrais gagner avec ces joueurs »

Pour Maurizio Zamparini, l’entraîneur fait partie des restes. De Venise à Palerme, le Frioulan a viré une quarantaine d’entraîneurs en une vingtaine d’années. Mais la seule fois où son club a connu un échec sportif majeur, à savoir une relégation en 2013, c’était la conséquence de deux années sans investissement. Giuseppe Sannino avait mal commencé, et malgré quatre changements d’entraîneur en cours de saison, le même Giuseppe Sannino avait mal fini. Sans matière, le Mister n’avait rien pu faire. Il y a un an et demi, au fond du fauteuil présidentiel de ses bureaux en Lombardie, Zamparini souffle : « Dans les grands clubs, l’entraîneur s’occupe seulement de la gestion du vestiaire, comme un motivateur. Il n’y a pas besoin d’apprendre à jouer au football à des champions. L’entraîneur compte pour 10% et les joueurs 90%. Au PSG, même moi, je pourrais gagner avec ces joueurs. » Interrogé sur l’identité de jeu de ses équipes dans son bureau à Istanbul en mars, Roberto Mancini lâche volontiers que « c’est pas comme si, dans le football, on allait inventer des choses… Il peut y avoir des entraîneurs qui vont avoir des idées différentes, mais l’aspect psychologique importe autant. C’est onze joueurs contre onze joueurs, après tout. » Alors, Mister, mais pour quoi faire ? Former ? Faire progresser ? Motiver ? Gagner ? Séduire ? Créer ou mettre la création dans les meilleures conditions ?

Imagination

L’écrivain et réalisateur italien Pier Paolo Pasolini décrivait le football comme « un système de signes, et donc un langage, où le phonème est un homme qui sait utiliser ses pieds pour taper dans un ballon. À partir de là, il y a une infinité de combinaisons possibles. » L’entraîneur servirait donc à combiner ou à faire combiner. Des mots, des lignes, des schémas, des hommes et surtout des idées. Ne « jouant » pas au jeu, l’entraîneur peut aller au-delà. Xavi décrivait Guardiola tel « un aigle qui nous observait au-dessus de la montagne » : reculé, loin du sang et des larmes, l’entraîneur est le seul à pouvoir faire triompher les idées sur un champ de bataille où seules les actions l’emportent. Sinon, comment réussir à imaginer le mouvement collectif, la faisabilité, les mètres, la cohésion, l’effort physique exigé et la capacité technique et mentale de onze joueurs en même temps, face à un adversaire lancé dans le même défi ? Comment partir d’une feuille blanche et produire un 4-3-3 ? Comment imaginer le WM ? Et le catenaccio ? Et le football total ? Et le pressing en zone de Sacchi ? Entraîner, c’est se livrer à cette imagination.

Arrigo Sacchi : « Ils peuvent comprendre mon exercice, pas ma sensibilité »

Les passes courtes ne se sont pas inventées toutes seules avant Chapman et Pentland. La performance n’a pas été optimisée avant Helenio Herrera. Qu’aurait été le ballon rond sans la dynamique du mouvement de Rinus Michels, le romantisme organisé de César Luis Menotti, la rigidité médicale de Carlos Bilardo, l’ambition créatrice de Johan Cruijff et Pep Guardiola, la virtuosité spéciale de José Mourinho et l’imagination orchestrée d’Arrigo Sacchi ? L’Italien a la réponse : « Le football, c’est exactement comme la musique. Dans un orchestre, si un musicien fait un accord légèrement trop tôt ou trop tard, ou alors trop fort ou trop faible, ce n’est plus la même musique. Dans le football, si un joueur part un demi-mètre plus en avant, ou un demi-mètre plus en arrière, trop tôt ou trop tard, cela change tout. Et ça, cela relève de la sensibilité de l’entraîneur. Il est le seul qui, durant l’entraînement, peut voir les nuances que les autres ne pourront jamais réussir à voir. Quand j’étais au Milan, Berlusconi n’était pas content quand je faisais venir d’autres entraîneurs à Milanello. Mais je lui disais : « Ils peuvent comprendre l’exercice, mais pas ma sensibilité. » C’est comme du Beethoven : la structure est toujours la même, mais le reste n’a rien à voir. » Musique, maestro !

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Par Markus Kaufmann / Propos recueillis par Markus Kaufmann

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