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Enfin l’heure de Leandro Paredes ?
Adoubé par Riquelme, Leandro Paredes semble enfin s’imposer à la Roma après deux prêts au Chievo et à Empoli. Retour sur le parcours d'un prodige repéré par Boca Juniors à huit ans.
En septembre 2012, Juan Román Riquelme claque la porte de Boca, après une finale de Libertadores perdue et une relation tendue avec l’entraîneur, Julio César Falcioni. Après avoir éludé les raisons de son départ pendant plus de deux mois, le meneur argentin s’explique. Et surprise, l’intéressé évoque très peu l’embrouille avec les dirigeants. À l’entendre, il a rangé le maillot qu’il aime tant pour faire place à un jeune qui monte : « Je ne peux pas prendre la place d’un gamin de dix-huit ans qui doit attendre que je me retire pour faire son trou. J’ai déjà réalisé tous mes rêves, maintenant, c’est son tour. Il est temps que Paredes s’affirme. » . À peine majeur, quelque matchs professionnels dans les pattes, et un adoubement par l’idole du club, Leandro Paredes, milieu de terrain qui a rejoint les Xeneizes à huit ans, vient de changer de dimension. Depuis, il a connu l’Italie et un transfert à la Roma, les prêts au Chievo et à Empoli et un mercato d’été 2016 où les grands d’Europe sont venus frapper à la porte. Mais cette saison, il semble enfin prêt à s’imposer chez les Giallorossi.
Pur produit de Boca
De sa formation à Boca Juniors, beaucoup retiennent une polémique. Dans une enquête publiée en 2014 par Clarín sur le baby-futból (les catégories enfants en Argentine), on apprend que Leandro Paredes a longtemps rapporté quelques deniers à ses parents pour pratiquer le football. Et ce, à partir de ses huit ans, pour environ cent euros par mois dans les poches de ses géniteurs. Si cette pratique existe toujours en Argentine et si rien n’est fait pour l’arrêter, c’est que le baby-futból est une pépinière parfaite pour les grands clubs. Dans le cas de Leandro Paredes, c’est Boca Juniors, par l’intermédiaire du mythique recruteur Ramón Madonni, qui a été le plus rapide. Et convaincant surtout. Comment ? Les dirigeants des Xeneizes ont tout simplement offert à ses parents un appartement d’une valeur de 35 000 dollars. À l’académie de la Boca, le gamin va faire ses classes, briller dans un fameux tournoi d’enfants de onze à douze ans en Espagne aux côtés de Bojan Krkić ou Sergio Canales et gravir rapidement les échelons. À seize piges, Paredes est promu en équipe première par Claudio Borghi. À une condition, posée par l’entraîneur argentin, celle de finir le lycée. Ce qu’il semble comprendre, puisque le 6 novembre 2010, lors d’un match contre Argentinos Juniors (marqué par le retour aux affaires de Riquelme après de nombreuses blessures), Paredes porte pour la première fois le maillot de Boca et entre doucement dans le monde professionnel. Une année d’apprentissage en plus, et le jeune devient « El Mago » ou « l’héritier de Riquelme » . Le public de la Bombonera se souvient encore de sa capacité à briller lors des clásicos, notamment contre River et San Lorenzo en 2011. Problème, le jeune milieu de terrain peine à s’imposer dans la durée.
Un joueur irrégulier ?
L’année 2013 sera celle des premières difficultés pour le natif de San Justo. Si Carlos Bianchi, revenu à la tête de Boca, rêve d’un milieu Paredes-Riquelme, l’association ne fonctionne pas vraiment et le club de la capitale traverse une longue période de mauvais résultats. Sergio Saturno, entraîneur chez les jeunes de Boca, regrette que le joueur ait disparu de la circulation à cette époque : « À cet âge-là, si tu n’as pas de temps de jeu, c’est difficile de progresser. Il n’a jamais été prêté en Argentine, et se retrouvait en équipe réserve alors qu’il avait porté à plusieurs reprises le maillot de Boca. Ça peut être dur à encaisser mentalement. Mais devant lui chez les pros, il y avait des joueurs de grande qualité. » Il peint le portrait de son ancien protégé : « Un jour, à la fin d’un entraînement lors d’un tournoi en Allemagne, il était à quarante mètres de moi et a mis la balle en coup du foulard en plein dans le sac de ballons. Il a une qualité technique incroyable. » Les comparaisons avec Riquelme sont justifiées selon Sergio Saturno : « Il a la même frappe, la même qualité de passe. Je me souviens d’un coup franc qu’il marque contre le Racing, qu’il fête exactement comme son idole. »
Alors qu’il a perdu sa place à Boca, Paredes n’est pas sélectionné pour le Sudamericano de 2013. L’entraîneur argentin Marcelo Trobbiani explique son choix en taclant le jeune milieu : « Il n’a rien montré avec Boca, il est irrégulier, et il disparaît souvent dans les matchs. » Saturno, son ancien entraîneur chez les jeunes de la Casa Amarilla, s’emporte : « Il aime tellement le ballon, je ne l’ai jamais vu montrer de la paresse lors d’un entraînement. Le voir jouer, c’est un grand plaisir. Cet entraîneur a sorti le cliché du milieu de terrain très technique qui brille par alternance. Mais ce n’est absolument pas vrai. Logiquement, il y a des moments où l’on ne le voit pas pendant le match, mais c’était un gamin et il a énormément travaillé cet aspect de son jeu. » Après cette désillusion, Paredes est transféré à l’été 2013 à l’AS Roma et quitte Boca « déçu de ne pas avoir rempli tous ses objectifs » . Le club de la Louve négocie un prêt de dix-huit mois avec option d’achat. Elle sera levée en 2014, après un prêt au Chievo. La saison 2015-2016 à Empoli sera celle de la consécration en Serie A. Aujourd’hui, Paredes est de retour dans l’effectif de la Roma, et Spalletti semble prêt à lui offrir du temps de jeu.
À Boca, Leandro Paredes avait hérité du lourd numéro 10 de Riquelme, son idole. Lorsque ce dernier a quitté le club, il avait aussi tenu à recadrer le jeune milieu : « Il faut qu’il joue et qu’il arrête de penser à avoir les mêmes crampons que Cristiano Ronaldo. J’espère qu’il regardera beaucoup de football, au lieu de jouer à la Play et de rester sur son téléphone. On apprend tous les jours, même quand on a la technique de Paredes. » Ça tombe bien, à la Roma, il y a un numéro 10 à l’ancienne sur lequel le jeune Argentin pourra prendre exemple.
Par Ruben Curiel
Propos de Sergio Saturno recueillis par RC.