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En Turquie, l’envol de l’Aigle noir

Par Régis Delanoë
En Turquie, l’envol de l’Aigle noir

À deux journées du terme de la saison, il manque un point à Beşiktaş pour définitivement valider la quête d’un 14e titre national, le premier depuis 2009. Un sacre qui tient autant à la cohérence de son collectif et à sa régularité qu’à la défaillance de ses concurrents. Il tombe en tout cas à pic, alors que le club vient d’inaugurer son nouveau stade et avait besoin de renforcer sa légitimité face à un pouvoir politique qui n’apprécie pas beaucoup ce turbulent Aigle noir…

Dans 90 % des cas, une saison de championnat turc se résume en une bagarre à trois clubs stambouliotes pour le titre : Fenerbahçe, Galatasaray et Beşiktaş. Bursaspor a surpris les pronostics en terminant premier en 2010, Sivasspor a bien failli faire de même un an avant en 2009, Trabzonspor a eu son âge d’or dans les années 70 et 80, mais désormais, ça semble clair : trois rivaux pour un leadership et les autres clubs en faire-valoir. Sauf qu’assez vite cette saison, il était entendu que ça n’allait même pas se jouer à trois cette fois, mais seulement à deux. En effet, le tenant du titre Galatasaray n’est jamais parvenu à trouver le rythme de croisière pour espérer être sacré une deuxième fois de suite. La bande à Sneijder et Podolski a fait illusion pendant l’automne, mais elle n’a pas été leader une seule fois de la saison et a fini par largement céder du terrain au cours d’une phase retour complètement manquée (3 victoires seulement en 2016 !). Les entraîneurs ont sauté les uns après les autres, sans qu’aucun ne puisse améliorer le rendement de cette formation sanctionnée par l’UEFA pour sa gestion financière et qui sera absente des compétitions européennes la saison prochaine. Restait donc Fenerbahçe à la lutte avec Beşiktaş pour le titre. Cette fois le duel fut long, beau et indécis. Mais néanmoins, c’est Beşiktaş qui a toujours mené le train en occupant le fauteuil de leader tout du long depuis fin septembre, mis à part pendant une seule journée. Le Fener a longtemps maintenu la pression et entretenu le suspense, jusqu’à ce que ce dernier vole en éclats lors de la dernière journée le week-end dernier : tandis que Beşiktaş s’imposait dimanche dans le derby face à Galatasaray (1-0), Fener s’inclinait le lendemain dans un autre derby bien moins prestigieux face à Istanbul Başakşehir (ex-Istanbul BB, 1-2). Résultat, à 2 journées du terme de la saison, 6 points et 7 buts séparent les deux rivaux. C’est donc acté à 99 % : Beşiktaş va conquérir le 14e titre national de son histoire.

Mario Gómez, une saison à 25 buts

Ce titre, les Aigles noirs le doivent donc un peu à la défaillance de leurs principaux rivaux. Ce serait néanmoins injuste et réducteur de le résumer ainsi, car ils affichent de loin le meilleur bilan offensif (71 buts marqués en 32 matchs) et le deuxième bilan défensif (32 buts encaissés, 1 de plus que… Konyaspor, le 3e surprise). Sélectionneur de la Turquie lorsqu’elle a terminé 3e du Mondial 2002, l’entraîneur Şenol Güneş est parvenu dès sa première saison en exercice à constituer une équipe solide, disposée en 4-2-3-1, avec quelques internationaux (Koybasi, Sahan, Özyakup, Frei, Tosun) et une délégation d’étrangers au service de l’intérêt général : des hommes de l’ombre (Beck, Hutchinson), le fantasque Quaresma et bien sûr la grosse plus-value Mario Gómez à la pointe de l’attaque. Pour sa première saison en Turquie, l’international allemand a rayonné, marquant 25 buts et délivrant 6 passes décisives. L’été dernier, les trois d’Istanbul avaient récupéré chacun une star offensive : Mario Gómez à Beşiktaş, le compatriote Lukas Podolski à Galatasaray et Robin van Persie à Fenerbahçe. La bonne pioche a surtout été pour les Aigles noirs, qui aimeraient évidemment pouvoir le garder plus d’une saison. L’intéressé aussi semble avoir envie de rester, bien qu’il ne soit que prêté et qu’il appartienne à la Fiorentina. Début mai sur son compte Facebook, il faisait le point sur son avenir en postant ceci : « Je me suis toujours dit que je pouvais rester ici. Avec ces fans incroyables dans ce stade dingue. Voilà pourquoi mes conseillers auront des discussions à la fin de la saison avec la Fiorentina et Beşiktaş.(…)Je ne suis certainement pas décidé à quitter Beşiktaş. Allez les Aigles noirs. Votre Mario. » Un message plein d’espoir pour les fans.

Un nouveau stade inauguré… sans les supporters

Avec ce titre imminent, cette tête de gondole offensive et la perspective de disputer la prochaine Ligue des champions, un vent d’optimisme souffle du côté du Bosphore, d’autant que le club vient tout juste de se doter d’un nouveau stade : la Vodafone Arena, qui remplace le mythique stade Inönü. La nouvelle enceinte, de capacité supérieure à 40 000 places, a été inaugurée en catimini le 10 avril par le président Erdoğan, une veille de match, avec seulement quelques milliers de convives triés sur le volet et sans la présence des supporters. Ces derniers ont manifesté leur colère aux abords du stade, estimant qu’il s’agissait là d’une provocation de la part d’un pouvoir politique turc qui n’apprécie pas beaucoup Beşiktaş et surtout ses plus fervents fans. À l’été 2013, le principal groupe ultra, Carsi, s’était retrouvé en première ligne des émeutes autour de la place Taksim, contre Erdoğan et son gouvernement. 35 membres du groupe ont été emprisonnés pour tentative de coup d’État et le président de Beşiktaş, Fikret Omran, a été contraint de se désolidariser d’eux pour obtenir l’argent de l’été nécessaire à l’achèvement de la construction du stade. Heureusement, le lendemain 11 avril, à l’occasion du match face à Bursaspor (3-2), ces supporters ont pu s’en donner à cœur joie dans cette nouvelle enceinte, laissant augurer de sacrés belles ambiances pour les matchs de Ligue des champions qui s’y dérouleront la saison prochaine…

Dans cet article :
Les supporters du Beşiktaş privés de déplacement au Groupama Stadium
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Par Régis Delanoë

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