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«En Thaïlande, en boîte, c’est le carnaval»

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«En Thaïlande, en boîte, c’est le carnaval»

«Pugnacité, meneur d'hommes, sens du placement, de l'anticipation, jeu à une touche de balle», le site perso de David Le Bras donne le la. On n'est pas tombé sur un timide. Issu de la promo Didot à Rennes, David a globe-trotté : France, Belgique, Finlande, Malaisie, Suisse et Thaïlande en point d'orgue. Bref, rencontre avec un type au CV long comme la jambe.

T’es bouddhiste pour atterrir en Thaïlande ?

Non, en fait, alors que je jouais à Tampere en Finlande, Régis Laguesse m’a contacté. Je le connaissais bien puisqu’il était le bras droit de Guillou, celui de l’Académie là, quand je jouais à Beveren. Il m’a expliqué le truc, le contexte, en me disant que j’avais tout intérêt à partir avec lui en Thaïlande. Avec le coût de la vie là-bas, je m’y retrouverais plus qu’à rester planté en Finlande. Et au niveau football, c’était la même.

En 2008, tu quittes la Thaïlande pour la Malaisie et la Suisse, mais finalement tu fais ton come-back en février. Pourquoi ?

Pour mon fils qui a 1 an et vivait déjà là-bas. Je voulais le voir grandir un peu. Il y a quand même pire que la Thaïlande, ce n’est pas le Tibet non plus…

Mais, du coup, tu vis tout seul avec ton fils ?

Je vis avec ma copine. En fait, son père tient une rizière, donc je vis à la mode thaïlandaise, en plein milieu de la rizière, entourée de serpents, dans une maison avec une bonne partie de sa famille. Et j’ai beau être footballeur, j’aide quand je peux. Parfois, je prends mon scooter et je file avec le père couper le riz, ça m’arrive aussi d’aller construire des baraques avec lui. Je me sens bien là-dedans.

Bon, niveau foot, t’en es où ?

Je suis en D2 thaï à 200 km au nord de Bangkok, au Nakhon Ratchasima FC. C’est un club qui veut devenir une place forte du football thaï. Le centre d’entraînement, c’est un peu le Clairefontaine du pays, le lieu où se rejoint l’équipe nationale, et pas qu’en foot d’ailleurs, c’est dans tous les sports. Cela n’a rien à envier aux installations françaises. On est clairement l’équipe à battre et je suis le joueur à surveiller, donc ça fait des bons matchs. C’est ce que j’aime.

Ils aiment le foot les Thaï ?

Carrément, après la boxe thaï, c’est leur sport préféré. Dans notre stade, en moyenne, il y a 10 000 personnes. Mais je suis sûr que 25 000 personnes aimeraient bien venir. C’est juste un peu cher pour eux. La place est quand même à 350 bahts (environ 8 euros). Ils préfèrent utiliser leurs sous pour aller voir l’équipe nationale.

Elle a quelque chose de spécial cette équipe nationale ?

C’est un truc de dingue. Je te donne l’exemple d’un joueur, Leesaw Teerathep. C’est une star de malade ici, un peu le Anelka du pays. Sans mentir, j’ai déjà vu des femmes par terre quand elles croisent certains joueurs, genre en transe.

Mais pourquoi, ils ont un niveau de furieux ces joueurs ?

Entre le National et la D2 française. Le championnat thaï, ça va vite. Techniquement, c’est très fort. Par contre, tactiquement, c’est le cirque, et physiquement, bien sûr, c’est moins fort. Avant le match, ça mange des glaces, à la mi-temps des chips ! Mais c’est intéressant.

Tiens, raconte un peu ta semaine type de footeux pro…

C’est 6 à 8 trainings par semaine, un match le week-end et tous les mercredis des matchs contre l’armée ou la police thaï. Ils sont très importants ici. Sinon, on a aussi des mises au vert à domicile comme à l’extérieur. J’ai horreur de ça !

Ton entraîneur, il est comment ?

Ben, je ne peux même pas te sortir son nom. Pour dire la vérité, c’est un peu bizarre, on a un staff avec cinq coaches. L’autre fois, j’étais sur le banc pendant un match, et il y avait un type assis à côté de moi, avec le survêt’ du club, tout ça, eh bien, tu me croiras ou pas, je ne savais même pas qui c’était. Mais bon, le courant passe bien.

Pourtant, j’ai entendu dire que tu étais un sanguin ?

Plutôt nerveux. Ça m’a valu quelques mauvais tours dans ma vie. Mais j’ai toujours fait les choses avec le cœur. J’ai du caractère. Une anecdote : j’ai dû couper le foot à un moment, à cause d’une opération à l’épaule. Je me suis retrouvé 5 mois sans contrat. J’ai travaillé dans un supermarché pour décharger la marchandise des camions et les mettre dans le stock. Je me suis fait virer au bout de 3 semaines, parce que… disons que j’ai réagi un peu nerveusement à une parole du boucher de la supérette.

Financièrement, tu t’en sors bien ?

Comme si j’avais 4 000 euros par mois en France. Ici, je gagne en gros 10 fois plus qu’un policier. Quand j’étais en 1ère division thaï avant, je gagnais plus, j’avais le plus gros salaire de mon club. Je pouvais faire tout ce que je voulais, comme n’importe quel mec en France qui gagne 20 000 euros.

T’as déjà sombré dans les nuits thaïlandaises avec tout ce fric ?

La Thaïlande, tout le monde connaît, c’est assez festif, c’est un pays de barjots. En boîte, c’est le carnaval, ça part de partout. Quand t’es Européen, jeune et si tu ne ressembles pas à Screetch de « Sauvés par le gong » , tu peux faire ce que tu veux. Y en a qui font les cons. Moi aussi d’ailleurs, je l’ai fait. Mais quand je vois des vieux de 70 ans avec une jeunette de 17 ans au bras, j’ai envie de leur cracher à la gueule.

Finalement, tu ne regrettes pas ton parcours ?

Je suis fier de tout ce que j’ai fait. Je ne suis pas comme d’autres qui font toujours les tout-gentils, tout-beaux avec les gens qui les paient. Je peux me regarder dans une glace. Partout où je suis allé, j’ai marqué les gens par ma folie, mon football et j’ai surtout su garder mon talent car celui-là, il est là et il restera là. J’ai joué sous -30°C en Finlande, j’ai joué contre Drogba avec Rennes, contre le Standard de Liège devant 35 000 supporters, j’ai éliminé l’Anderlecht de Kompany et Dindane en coupe, j’ai joué dans un stade de 80 000 places à Kuala Lumpur, dans les montagnes suisses avec des supporters allemands auxquels t’as envie d’arracher les gencives, à Bangkok sous 40°C où dès que tu fais une accélération, c’est comme si t’en avais fait 15. J’ai des images plein la tête et ça, c’est important. De toute façon, je pense être trop barjot pour faire une carrière tranquille. Au mois de décembre par exemple, on m’a proposé de partir en Uruguay, au Danubio FC. J’ai l’impression que dès qu’il y a un truc de fêlé à faire, on fait appel à moi.

Un retour en France, c’est envisageable ?

Pourquoi pas, au Red Star, le club que je supporte depuis tout petit, même si je ne sais pas trop pourquoi. Mais j’ai toujours dit qu’avant d’arrêter, je jouerai en Angleterre ; D2, 3 ou 4, rien à foutre.

Propos recueillis par Ronan Boscher

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