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Jürgen Klopp vient-il de se tirer une balle dans le pied ?

Par Julien Duez

En sortant de son break professionnel pour devenir directeur du football chez Red Bull, Jürgen Klopp s’est attiré les foudres des supporters allemands qui lui reprochent d’avoir tourné le dos à son image de mec romantique. Peut-on pour autant parler d’une surprise venant de la part d’un coach qui baigne dans le foot-business depuis 20 ans ?

Jürgen Klopp vient-il de se tirer une balle dans le pied ?

Voir Jürgen Klopp s’asseoir dans la corbeille du stade Charléty, c’est donc ça le multivers ? Cette idée, en théorie aussi saugrenue qu’imaginer Philipp Lahm squatter la présidentielle de Francis-Le Basser, est pourtant sur le point de devenir réalité depuis la double annonce folle de ce mercredi : d’abord, la nomination de l’ancien coach de Liverpool à la tête du département football du groupe Red Bull puis, en fin de journée, l’entrée prochaine du consortium autrichien au sein du capital du Paris FC en compagnie de la famille Arnault. La bonne nouvelle, c’est que Jürgen Klopp, qui lors de ses adieux en mai dernier s’était déclaré « vidé de toute énergie », semble avoir déjà retrouvé les ailes promises par le slogan publicitaire de son nouvel employeur, lequel utilise ouvertement le football pour vendre ses canettes de soda à la taurine. Et pour le directeur général de Red Bull Oliver Mintzlaff, parvenir à mettre le grappin sur un type qui – jusqu’à présent – était parvenu à prouver qu’on pouvait être prophète en son pays, s’apparente à un sacré jackpot. Le revers de la médaille, c’est que le néorécipiendaire de la Bundesverdienstkreuz (un équivalent allemand de la Légion d’honneur) vient de saborder son image de défenseur d’une vision romantique au sein du football moderne.

Naïveté vs réalisme

En réaction à sa nomination, le natif de Stuttgart qui prendra ses fonctions de Head of Global Soccer en 2025 a montré que le costume de VRP de luxe lui allait à merveille : « Après près de 25 ans à entraîner, je ne pourrais être plus enthousiaste à l’idée de m’impliquer dans un projet comme celui-ci. Le rôle a peut-être changé, mais pas ma passion pour le football et ceux qui font de ce sport ce qu’il est. En rejoignant Red Bull à l’échelle mondiale, je souhaite développer, améliorer et soutenir les incroyables talents à notre disposition. » Pas sûr que la justification aide ses compatriotes à arrêter de grincer des dents. Depuis la création ex nihilo du RB Leipzig en 2009, la fronde des supporters face au modèle artificiel du club saxon n’a jamais disparu : boycotts et actions de contestation font toujours partie des duels opposant les équipes dites « de tradition » au produit de la marque autrichienne.

En participant à consolider son développement, Jürgen Klopp est rentré dans les clous du foot business. S’il serait malhonnête de penser que ce n’était pas le cas lorsqu’il entraînait de grosses machines capitalistes comme le Borussia Dortmund ou Liverpool (tout en multipliant les apparitions publiques au travers de clips publicitaires), sa grosse mâchoire Colgate ne manquait cependant pas de s’ouvrir pour défendre le fameux « heavy metal football » fait « d’erreurs qu’il faut être prêt à accepter », se présenter comme « un mec normal de la Forêt noire » qui ne se « compare pas aux génies » et s’ériger « en romantique du football, pas en rêveur ». En démarrant une nouvelle aventure de chef scout chez Red Bull, Klopp prouve effectivement qu’il a bel et bien les pieds sur terre. Difficile en revanche de trouver un fond de romantisme chez son nouvel employeur.

Cela étant, doit-on se montrer surpris de le voir s’être laissé tenter d’exercer un nouveau rôle dans sa longue et fructueuse carrière ? Le choix n’appartient qu’à l’intéressé lui-même, mais il y a fort à parier que vis-à-vis de ses compatriotes footeux, Jürgen Klopp a atteint le point de non-retour. Pour rappel, son contrat comporte une clause qui le laisserait libre au cas où il serait appelé à diriger la Nationalmannschaft à partir de 2026. Si Julian Nagelsmann n’est pas parvenu à remporter l’Euro à domicile, l’ex-Wunderkind des bancs de touche (passé un temps chez Red Bull lui aussi, mais dans un rôle qui ne lui colle pas à la peau aujourd’hui) a au moins réussi à entamer une grande campagne de réconciliation entre la sélection et ses supporters. Jürgen Klopp oserait-il dès lors se confronter à un public qui le voit désormais comme un traître ayant renoncé à ses valeurs pour une (très grosse) poignée de dollars ? Pour l’anecdote, l’actuel sélectionneur de l’Autriche Ralf Rangnick avait lui aussi évoqué – en 2011 – ne plus avoir « l’énergie nécessaire pour parvenir au succès » avec son club de l’époque, Schalke 04. Quatre ans plus tard, il signait chez Red Bull et depuis son départ de la firme en 2019, il n’a plus jamais entraîné en Allemagne.

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