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En quoi le PSG a-t-il changé tactiquement avec Laurent Blanc ?
« Au PSG, les joueurs gagneraient même sans Ancelotti. Même moi, je pourrais gagner avec eux. Et je gagnerais peut-être même encore plus qu'Ancelotti. » Ces propos sont signés Maurizio Zamparini, en février 2013. Finalement, tout comme Carlo Ancelotti, Laurent Blanc aura amené le Paris Saint-Germain sur le toit de la France et en quarts de finale de la Ligue des champions. Une Coupe de la Ligue en plus, certes, mais aussi un traumatisme londonien qui n'est pas près de cicatriser. Alors, en quoi le PSG a-t-il changé ?
Comme tout système, le 4-2-2-2 d’Ancelotti avait ses plus et ses moins : Pastore, Lavezzi et Lucas pouvaient évoluer ensemble et Ibra était entouré de flèches offensives, mais Carlo n’utilisait pas au mieux la verticalité de Matuidi (sauf quand il le faisait évoluer sur le côté gauche) et ne pouvait pas aligner Motta, Matuidi et Verratti ensemble au milieu. Sur ses six derniers mois d’existence, ce système peinait à dominer le jeu, mais chaque ligne avait les idées claires en toutes circonstances, pour un football équilibré et un jeu rapide. Carletto parti, Paris pleurait. Quelques semaines et les arrivées de Cavani et Marquinhos plus tard, Laurent Blanc a l’effectif pour utiliser tous les systèmes au monde. Quand 2011/2012 avait connu le 4-2-3-1 de Kombouaré et le 4-3-2-1 d’Ancelotti, quand 2012/2013 avait commencé dans l’équilibre du même 4-3-2-1, avant de grandir en 4-2-2-2 à partir du mois de janvier, le PSG a gardé le même système durant toute une saison sous Laurent Blanc.
Car quand Ancelotti voulait avant tout gagner, même avec une possession de pauvre, même avec Chantôme-Matuidi au milieu, Blanc répète qu’il veut gagner avec le ballon. Un choix loin d’être nécessaire, comme l’ont prouvé les dernières victoires du Real, mais un choix qui pouvait se justifier à l’heure où le PSG avait l’effectif pour un jeu de possession, et le temps pour le perfectionner, pouvant utiliser la Ligue 1 comme un grand laboratoire. Interrogé par Alessandro Grandesso pour la Gazzetta della Sport, Thiago Motta répond à la question des changements opérés par Blanc : « C’est difficile à dire. Ancelotti a créé les bases, et Blanc a complété la croissance du groupe. » Il n’y aurait donc pas eu de véritable rupture tactique ? Les chiffres disent le contraire.
L’apprentissage de la possession
La possession parisienne, en six idées : une défense haute, des latéraux qui se projettent, des milieux centraux qui ont le double rôle de protéger les montées des latéraux et de distribuer le jeu, des ailiers (et Matuidi) qui travaillent énormément à la perte de balle et une pointe qui redescend pour participer à l’élaboration du jeu. Le match référence de cette identité de jeu restera le huitième de finale aller de C1 à Leverkusen. Ce soir-là, Ibrahimović touche 112 ballons, Van der Wiel participe 99 fois au jeu parisien, tel un latéral barcelonais, l’intensité de Matuidi agresse les Allemands, et la paire Motta-Verratti dégoûtent les tentatives du pressing allemand. Si l’on compare avec les deux références que sont le Barça et le Bayern, malgré la saison mitigée des Catalans, on peut tirer trois conclusions. D’une, le PSG a véritablement adopté une nouvelle identité de jeu : la répartition des types de passes est la même que chez les deux ogres européens (entre 87 et 89% de passes courtes, entre 8 et 11% de passes longues). Alors que Motta et Verratti réalisaient en moyenne 67 et 61 passes par match avec Ancelotti, les chiffres sont montés à 86 et 81 avec Blanc.
De deux, le PSG n’imprime pas encore le même rythme à sa circulation de balle : quand le Bayern a le temps de réaliser 757 passes par match, le PSG s’arrête à 659. Les vitesses de jeu en Liga et en Ligue 1 étant incomparables, cela pourrait être expliqué par des raisons culturelles. Mais la Bundesliga ? De trois, le PSG ne passe pas encore autant de temps à dominer le jeu dans le camp de son adversaire. Produire une possession de balle stérile, c’est le principal reproche qui a été fait à Blanc cette saison en championnat. Si le Bayern parvient à développer 35% de ses attaques dans le tiers de terrain adverse, le PSG bloque à 27%, soit presque la même proportion que dans son propre tiers de terrain (25%). Le placement du milieu à trois (paragraphe suivant) explique en partie ce phénomène, en plus de la participation de Thiago Silva (troisième passeur du PSG, alors que Piqué n’est que le 7e à Barcelone). Comme on l’a vu lors de la double confrontation Real-Bayern, aucun entraîneur ne semble oser jouer à ce niveau avec un seul véritable milieu défensif. Sauf s’il a Sergio Busquets dans son effectif. Néanmoins, le principal défaut de cette identité est qu’elle n’en est pas encore une : le principe même de l’identité est qu’on ne peut pas s’en séparer. À Stamford Bridge, tous ces principes ont été trahis, à partir de l’abandon des deux premières idées.
Le succès du milieu à trois et le sacrifice de Pastore
Première pierre à l’édifice du jeu de possession : instaurer le 4-3-3 et son milieu à trois : Thiago Motta, Marco Verratti et Blaise Matuidi. Le Barça joue avec un 6, Busquets, un distributeur mobile, Xavi, et un joueur plus libre, que ce soit Fàbregas ou Iniesta. Mais la fonction de ces derniers reste de construire la possession, même s’ils participent aussi à son développement au-delà des zones de confort du milieu de terrain. À Paris, le triangle n’a pas de forme régulière, du fait des déplacements de Matuidi. Si Motta et Verratti construisent la conservation en évoluant généralement sur la même ligne, comme s’il y avait deux Busquets, Matuidi abandonne sa position pour donner de la verticalité, et laisse Ibrahimović former la pointe du triangle au milieu.
En Ligue 1, Matuidi a réalisé 52 passes en moyenne cette saison, soit seulement 5 de plus que Zlatan. Il s’agit du même total que sous Ancelotti, preuve que le changement de style de jeu n’a pas eu d’influence sur sa participation. Une conséquence de l’installation du 4-3-3 a été le sacrifice de Javier Pastore, qui n’a trouvé sa place ni dans le milieu à trois, bien trop loin de la zone de vérité, ni sur un côté, où Blanc lui a préféré Lavezzi et Lucas. Au-delà des schémas, l’omniprésence d’Ibrahimović dans le troisième quart du terrain gêne toujours autant la spontanéité des déplacements de l’Argentin, toujours enclin à occuper une position axiale, et le jeu de possession ne met pas en valeur la vista du Flaco, amoureux des espaces. Une autre conséquence est le faible temps de jeu de Cabaye, qui pourrait parfaitement s’adapter au 4-3-3, mais qui est arrivé trop tard pour s’imposer dès cette saison.
Les promotions d’Ibrahimović et des latéraux
Alors que Guardiola avait tenté de faire comprendre au reste du monde que Zlatan n’était pas fait pour le jeu du Barça, il se trouve que Blanc est parvenu à faire grandir l’influence du Suédois au fur et à mesure que la possession de balle du PSG s’améliorait. Cette saison, le rôle d’Ibra est devenu encore plus complet, avec 47 passes en moyenne en Ligue 1 (40 l’an passé), 11 passes décisives (8 l’an passé, avec cinq matchs en plus) et encore plus de tirs par match, malgré la présence de Cavani (5,1 contre 4,6). Les autres joueurs qui ont vu leur participation augmenter sont les deux latéraux : Maxwell est passé de 50 à 60 passes par match, et la moyenne de Jallet est passée de 40 à 53. Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’un des automatismes apparus cette saison a été la phase de jeu où Zlatan redescend au milieu pour se démarquer, envoie le ballon sur un côté et sprinte vers la surface à la réception d’un centre. Une association attaquant-latéraux qui exclut la participation des milieux centraux parisiens, encore une fois bien plus conservateurs qu’au Barça ou au Bayern (version Bundesliga).
Changement de style défensif
L’an passé, le club de la capitale obéissait au concept-phare de Carletto, à savoir le fait de devenir une équipe « compacte » . C’était la clé pour tout : l’équilibre défensif, la relance sans risque et le contrôle du jeu sur petites phases de construction au milieu. C’est pour cette raison que Carlo avait mis du temps pour abandonner son 4-3-2-1. Avec la « philosophie » de Laurent Blanc, le PSG a appris une tout autre manière de défendre, à savoir la défense avec le ballon. Avec la possession et un meilleur ratio de passes réussies (89% contre 85%), le PSG a moins de déchets et prend l’initiative à son adversaire en toute occasion, sauf à Londres. Après 34 journées, le PSG avait encaissé 20 buts l’an passé, et il en était à 19 cette saison. Mais le PSG souffre moins : la différence s’observe dans les statistiques de Sirigu, passé de 2,48 arrêts par match l’an passé à 1,62 cette saison.
Les coups de pied arrêtés
C’est le chantier sur lequel Laurent Blanc a fait l’unanimité. Avec 26 buts marqués sur coup de pied arrêté en Ligue 1 contre seulement 12 l’an passé, la différence est immense. À cela s’ajoutent 8 pions précieux en C1. Des buts importants (le csc de David Luiz au Parc, Pastore contre Monaco, Thiago Motta contre Olympiakos, Rabiot contre Guingamp) qui ont soulagé le jeu du PSG tout au long de la saison. Forcément, après la réussite de Chamakh, Ciani, Diarra et Planus à Bordeaux, Blanc a maintenant l’étiquette d’expert en la matière. Il est intéressant de noter que le PSG ne dépend ni d’un buteur (Motta, Silva, Alex, Marquinhos, Ibra, Rabiot) ni d’un passeur en particulier (Lavezzi, Motta, Lucas, Pastore, Maxwell). Cette saison, même Ibra marque de la tête.
Le mental et la maturité
C’est le chapitre sur lequel l’épisode de Stamford Bridge a certainement le plus de conséquences. Sous la poigne de Carlo Ancelotti, le PSG avait habitué les Parisiens à lever le pied contre les petits et à se dépasser dans les grands rendez-vous, à Valence, à Barcelone ou encore contre Marseille (deux victoires et un nul). Cette saison, le PSG domine outrageusement les petits, mais a montré des signes de faiblesse quand l’adversaire a du répondant, comme le montrent les deux nuls contre Monaco et la double confrontation face à Chelsea.
Lors du match retour, le plan de Laurent Blanc a fait preuve de manque de courage et d’incohérence tactique. Ancelotti avait parfois commis l’un ou l’autre, mais jamais les deux en même temps. Déjà à l’époque de Kombouaré, le PSG s’était lourdement incliné 3-0 au Vélodrome dans le seul « duel » de sa demi-saison qatarie. Une spécialité française ? En revanche, il faut noter que le PSG a traversé la saison avec bien plus de sérénité qu’à l’époque du duo Ancelotti-Leonardo, comme s’il avait troqué le charisme contre la sagesse. Après les 66 cartons jaunes et 8 rouges de l’an passé (après 34 journées), les hommes de Blanc n’ont écopé que de 54 jaunes et 1 rouge. La touillette, ça calme.
Par Markus Kaufmann
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