- Journée mondiale de l'hémophilie
En fait-on trop avec le sang des joueurs ?
Pour des raisons de santé évidentes, tout footballeur est obligé de sortir du terrain dès qu’il est victime d’un saignement, aussi minime soit-il. Quels seraient les risques si cette règle n’était pas imposée ? Et est-ce obligatoire de déclarer une maladie transmissible par le sang ?
Un crampon qui traîne sur une cuisse, une arcade qui pète après un duel aérien, un coup de coude au niveau de la lèvre, un duel crâne contre crâne, et voilà une tache rouge qui se dessine. Qu’elle recouvre toute une partie du corps ou qu’elle soit superficielle, la sentence est la même : sortie de terrain pour le blessé atteint d’un petit ou d’un gros bobo, quelques soins plus ou moins compliqués, un épais bandage ou un mince pansement, et le joueur peut retourner se promener sur le terrain. Sauf que parfois, la blessure ne veut rien entendre et le sang continue de couler. Un peu ou beaucoup, l’arbitre s’en moque et ordonne au malheureux de retourner auprès de son staff pour définitivement bloquer cette coulée tenace. Ce qui peut être insupportable quand on pense qu’elle peut s’arrêter toute seule avec un peu de temps.
Une loi tout terrain
Pourtant, cette règle fait évidemment sens. Son objectif est d’empêcher la transmission par le sang de maladie virale, à savoir l’hépatite B, l’hépatite C ou le sida. Un malade atteint d’une de ces pathologies peut en effet contaminer une autre personne si les deux sangs se « mélangent » . « Il faut qu’il y ait contact entre les deux plaies, effectivement, confirme Philippe Kuentz, médecin de l’AS Monaco depuis douze ans. Donc mathématiquement, dès qu’un joueur saigne, la moitié du chemin est parcouru. Raison pour laquelle on a toujours appliqué ce principe de précaution, qui consiste à sortir un joueur quand il saigne. » Ok. Et si jamais le corps arbitral fait preuve d’un peu trop de mansuétude, les risques de transmission sont-ils importants en cas de contact entre les deux plaies ? « Les fréquences sont très faibles, mais pas potentiellement nulles. Malgré le fait qu’il reste peu élevé, le risque est difficile à mesurer, reprend le médecin. On sait juste que le sida et les hépatites sont transmissibles par le sang, même si on n’a pas de cas avéré chez les footballeurs à ma connaissance. »
Dès lors, pas question de parler d’excès de zèle au sujet des décisions arbitrales. Outre le fait que la plaie pourrait s’infecter et le sang troubler le champ de vision d’un joueur, soigner la blessure demeure un principe élémentaire. « Réduire au maximum les risques contaminants en lavant et en changeant le short ou le maillot représente la moindre des choses » , insiste Philippe Kuents. Surtout que les footballeurs ne sont absolument pas à l’abri des maladies concernées. Les staffs médicaux doivent d’ailleurs obligatoirement être informés de ces pathologies. Chose respectée selon le médecin de l’ASM. « De toute façon, il y a des prises de sang tous les deux mois. Donc on sait. Mais le secret médical nous interdit d’en faire part au club. Et même à l’épouse du principal concerné. »
Chicão avait-il une idée derrière la tête ?
Plus globalement, les médecins évoluant dans le football de haut niveau incitent vivement les joueurs à procéder aux vaccins contre l’hépatite. D’autant que de nombreux joueurs sont porteurs de la maladie sans le savoir. Le docteur Kuentz, qui a connu quelques cas sur le Rocher, explicite : « On sait que des joueurs ont eu l’hépatite B, en sont partiellement guéris, mais restent des porteurs sains de la pathologie. Si ces porteurs sains se blessent et que leur sang entre en contact avec celui d’un autre joueur non vacciné, il y a là aussi un risque de transmission. Cela reste très rare, hein. N’empêche qu’on recommande fortement de vacciner tout joueur contre l’hépatite B. »
Les footballeurs ne seraient donc pas obligés de se vacciner contre l’hépatite B pour pouvoir évoluer au plus haut niveau ? « Non. Enfin, je ne sais pas vraiment s’il existe un vaccin obligatoire au point d’immobiliser le joueur et de lui faire la piqûre, mais on insiste beaucoup. » S’ils ne sont pas convaincus, ils pourront toujours réfléchir au geste de Chicão. En 2012, le joueur Santa Cruz avait tartiné de sang le visage d’Esley, qui lui avait ouvert l’arcade sourcilière d’un bon coup de coude dans un match de troisième division brésilienne. « Je lui ai déjà pardonné de m’avoir mis du sang sur le visage » , avait réagi Esley. Tant qu’il n’avait pas de plaie sur la tronche…
Par Florian Cadu