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En Angleterre, Negredo a trouvé royaume à son pied
Indiscutable dans le système Pellegrini, Álvaro Negredo est devenu la Bestia des Citizens. Un nouveau surnom qui colle au profil de l’Animal : bosseur, buteur et déménageur. À 28 ans, Negredo a pourtant dû s’exiler outre-Manche pour jouir d’une reconnaissance méritée. En voici les raisons.
Parce que c’est un ouvrier du ballon rond
Avant de connaître la lumière, Álvaro Negredo a longtemps vogué dans l’ombre. Formé au Rayo Vallecano, puis parti à 20 ans au Real Madrid Castilla, son parcours professionnel est tortueux. Loin d’être un surdoué, l’homme ne compte pas ses efforts ni ses sacrifices. Question d’honneur : « Mes parents ont toujours fait leur possible pour que nous (les Negredo sont une fratrie de trois, ndlr) ne manquions jamais un entraînement, pour toujours nous aider, pour laver nos maillots et que nous les ayons propres le lendemain. » Avec un papa taxi à Vallecas, Álvaro connaît le prix du labeur. Alors il ne rechigne devant rien. Après deux ans dans la succursale du Real, il part en 2007 pour les anonymes Andalous d’Almería. « Soldado est mon modèle, lâche-t-il lors de son arrivée. Il est revenu au Real et j’espère le faire un jour, pour pouvoir démontrer que je peux triompher au Real Madrid. » 31 buts et deux saisons plus tard, c’est le FC Séville qui met le grappin dessus contre 15 millions d’euros. Une juste récompense pour ce déménageur et gros bosseur qui n’a jamais réveillé le moindre intérêt merengue. La working-class de Vallecas ne pouvait se mêler à la bourgeoisie du Bernabéu, apparemment.
Parce que son mètre 86
Pour expliquer le peu d’engouement espagnol, ses mensurations sont gages d’explication. Avec son mètre 86, Álvaro ne donne pas dans le gabarit des Minimoys tels que Xavi, Iniesta ou Cazorla. Dans un rôle de vrai neuf, sa participation au toque est minime. L’an dernier, lorsqu’El País lui demande sa différence avec un autre vrai buteur comme Falcao, il fait dans la franchise : « Ma taille » . Plus déménageur que danseur étoile, Negredo aime le contact. Comme un ballon d’eau chaude prêt à imploser, il détonne en Liga. Son physique ne l’empêche pourtant pas de marquer comme un cochon. Avec pas moins de 101 buts en Liga, il est une valeur refuge du championnat. Son exil en Angleterre ne va pas faire fléchir son ratio de buts. Depuis son arrivée à Manchester City, il en est déjà à 14 banderilles. Mieux, il a gagné les faveurs de Pellegrini qui le préfère souvent à son concurrent bosnien Džeko. Dans une ligue bien plus physique, Negredo est apprécié comme il se doit. Autrement dit, comme un buteur de calibre international, aussi bon avec ses pieds qu’avec sa tête. Depuis son but victorieux face à Liverpool, la presse anglaise l’a ainsi nommé la Bestia.
Parce que la concurrence en Roja
Le 6 octobre 2009, Negredo découvre les joies de la sélection. Quelques jours plus tard, le 14, il inscrit même un doublé face à la Bosnie. Ces débuts en fanfare ne vont pourtant lui assurer un billet pour le Mondial sud-africain. C’est donc durant le road-trip ukraino-polonais qu’il va connaître son premier tournoi avec la Roja. La faute à une concurrence exacerbée. Dans un système Del Bosque qui laisse une importance minime aux attaquants de pointe, Negredo fait face à la concurrence de Llorente, Torres, Villa ou Soldado. Depuis cet automne, c’est le pichichi de la Liga, Diego Costa, qui est même venu se rajouter à la liste des prétendants. Autre hic, Negredo n’a jamais joué pour un vrai gros de Liga. Que ce soit à Almería ou dans un FC Séville en décadence, aucun de ces clubs ne lui offraient la lumière du Barça ou du Real Madrid. Pas grave, lui souhaitait depuis longtemps « pouvoir jouer dans un autre championnat et connaître une autre culture footballistique » . Le Real Madrid, il l’a pourtant intégré à 20 ans. Avec la Castilla, il espérait « rester ici beaucoup d’années » . Raté, il ne fera que deux saisons sans jamais connaître le Santiago Bernabéu. Et ne connaîtra pas un destin à la Soldado.
Parce que les préjugés ont la vie dure
Un papa taxi à Vallecas, une gueule de kéké au volant de sa Seat Ibiza, des tatouages de taulard : autant dire qu’Álvaro Negredo n’a pas vraiment la gueule du gendre idéal. Plutôt celle d’un ouvrier en BTP. En Espagne, pays où les préjugés ont la vie dure, difficile de faire passer le petit gars de Vallecas pour une star du ballon rond. Dommage, car Álvaro est un chic type. Un mec capable de se déguiser en cow-boy quelques semaines après son arrivée à Almería et un mec à l’hygiène de vie irréprochable. Chez les ultra-médiatisés FC Barcelone et Real Madrid, difficile de lui faire une place au soleil. Avec un blase des plus communs en Espagne, Negredo n’allait pas remplir les caisses par son merchandising. Ça, Manchester City s’en carre, et l’a fait venir cet été pour enfiler les pions comme des perles. Bingo, la hype espagnole fait fureur à l’Etihad Stadium. Mieux, malgré son mètre 86, Álvaro sait également se servir de ses pieds. Technique, il peut délivrer des caviars, aérer le jeu et combiner sa puissance à des gestes techniques léchés. Bref, pour une fois, l’Espagne du football avait tout faux. En attendant le Mondial prochain…
Parce que la confiance de Pellegrini
L’histoire entre Manuel Pellegrini et Álvaro Negredo est celle d’un « je t’aime, moi non plus » . Lors de son arrivée sous la guérite du Santiago Bernabéu en 2009, El Ingeniero ne souhaite pas rapatrier l’alors attaquant de pointe d’Almería, pourtant auteur de 19 buts lors du dernier exercice de Liga. Pas rancunier, lorsque Álvaro reçoit l’offre des Citizens cet été, il fonce. Aux manettes, Manuel Pellegrini a souhaité sa venue. Plus qu’un Gonzalo Higuaín, Negredo entre dans ses plans. Avec un égo loin d’être démesuré et un CV pas folichon, il ne pourra être qu’une bonne surprise. Bingo. En concurrence avec Džeko et Jovetić, l’Espagnol se taille la part du lion. Ses statistiques personnelles sont presque inattendues – 14 buts et 5 passes décisives – et son entente avec le Kun Agüero détonne. Par sa présence physique, Álvaro bloque une charnière qui doit ensuite se coltiner l’Argentin. Un enfer. Alors, quand Manu l’ingénieur affirme « qu’il a été un attaquant très important en Espagne, et qu’il le sera aussi ici » , nous pouvons le croire sur parole. Álvaro est la Bestia qui manquait aux Citizens.
Par Robin Delorme, à Madrid