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En 1972, le Brésil remporte la mini-Coupe du monde
C'est un tournoi oublié. En 1972, le Brésil organise une sorte de mini-Coupe du monde, pour commémorer le 150e anniversaire de son indépendance. La France est de la fête, comme toutes les sélections sud-américaines. Sans Pelé, en retraite internationale, le Brésil revit son indépendance en l'emportant face au Portugal.
Et un nouveau trophée pour Emílio Garrastazu Médici. Président d’un Brésil mis au pas, le militaire Médici voulait voir dans les victoires de la Seleção une validation de ses options politiques martiales. En 70, Médici avait brandi la Coupe du monde, tout sourire, aux côtés de Pelé. Victoire d’un Brésil « fort, heureux et uni » . Derrière le football samba, la dictature. Deux ans plus tard, Médici lève un nouveau trophée : la Coupe de l’indépendance (Taça Independência en VO), également connu sous le nom de Mini-Copa, un tournoi international au plateau aussi relevé que curieux, dont le premier match se joua un 11 juin.
Les Bleus de Larqué, Djorkaeff, Trésor et Revelli
En 1972, toute l’Amérique du Sud avait été conviée au Brésil. Même les Vénézuéliens. Pas loin d’en être encore à apprendre les règles du jeu, les experts en base-ball se feront punir par la Yougoslavie de Dragan Džajić (10-0). Le Brésil était lui qualifié d’office pour le deuxième tour, en compagnie de l’Écosse, de l’URSS, de l’Uruguay et de la Tchécoslovaquie. Concernée par le premier tour, la France cohabitait dans son groupe avec l’Argentine et la Colombie, mais aussi avec deux hybrides : une sélection représentant la CAF, dont le Camerounais Jean-Pierre Tokoto était l’un des référents, et une autre représentant la CONCACAF. Les Bleus de Jean-Michel Larqué, Jean Djorkaeff, Marius Trésor, et Hervé Revelli, tiendront en échec l’Argentine (0-0), et remporteront le reste de leurs matchs. Ils seront pourtant éliminés au premier tour. L’Albiceleste du futur Stéphanois, Osvaldo Piazza, devançant les Bleus au goal average. Seuls les vainqueurs de chaque groupe pouvaient accéder à la deuxième phase.
Marius Trésor revient sur le parcours des Bleus 42 ans après. « On avait battu une sélection africaine dont la majorité des joueurs jouait en France, la Colombie et une autre sélection continentale, mais il y avait les deux têtes d’affiche, l’Argentine et nous. Et ce match nul les qualifie. Quand nous sommes arrivés à Rio après notre élimination, on s’est dit que c’était dommage d’être éliminés puisqu’on avait passés un moment assez génial sur place finalement. » Malgré l’élimination, l’ancien défenseur garde un très bon souvenir de son séjour brésilien : « C’est la première fois que je mettais les pieds au Brésil, on sortait d’une saison difficile avec Ajaccio à cette époque ,et c’est un peu le début de ma carrière, car avant cette tournée, je n’avais que deux sélections et ça a été le départ d’une très belle aventure. »
Si la Coupe de l’indépendance était organisée par la confédération brésilienne et la CONMEBOL, sa raison d’être était politique : célébrer les 150 ans de l’indépendance du Brésil, et faire la retape d’un régime pour qui un bon adversaire était un adversaire mort, torturé ou disparu. Alors président de la Confédération brésilienne des Sports et proche du régime, João Havelange profita de cette mini-Coupe du monde pour créer ou resserrer des liens avec les pays invités. Ne manquait à l’affiche que les champions du monde européens : Italie, RFA et Angleterre. En 1974, Havelange sera élu président de la FIFA.
Jairzinho, le sauveur
Avec Gerson, Tostão et Rivelino, mais sans Pelé, qui avait exécuté son chant du cygne au Mexique, le Brésil va tranquillement gérer à domicile. Le Scracth de Ouro termine leader de son groupe, expédiant au passage la Yougoslavie (3-0). La Seleção gagne ainsi son billet pour la finale. Le Portugal remporte l’autre ticket, en devançant l’Argentine, l’Uruguay et l’URSS. Si, pour les torcedores, la finale rêvée aurait été un Brésil-Argentine, il n’y avait pas plus fort symboliquement que d’affronter l’ex-colon, 150 ans après l’indépendance acquise. Malgré sa dream team, le Brésil ne fut pourtant pas loin de vivre un autre Maracanazo.
Devant 100 000 personnes, la Seleção affronte un redoutable Portugal, dont neuf des onze joueurs évoluent au Benfica. Eusébio et consorts résistent longuement, mais le Brésil va finir par arracher la décision, via Jairzinho, à la 89e minute (1-0). En 1970, le futur Phocéen avait marqué lors de chaque match de la Coupe du monde. Avec cette Coupe de l’indépendance faite maison, le Brésil, trois fois vainqueur du Mondial entre 1958 et 1970, ajoutait un nouveau trophée à son palmarès. Le régime militaire aussi. Le pays du futebol devra attendre 2014 pour accueillir une nouveau tournoi planétaire.
Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin