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Emre Akbaba : « Eto’o aimait le joueur que j’étais »

Propos recueillis par Diren Fesli
Emre Akbaba : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Eto&rsquo;o aimait le joueur que j’étais<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pur produit du 93, Emre Akbaba a dû faire face à une infection dans le sang qui menaçait son rêve de devenir professionnel, avant de lutter face à de graves blessures. Peu importe, l'international turc n'a jamais rien lâché et s'est fait un sacré nom en Turquie. Rencontre avec un homme conscient que rien ne lui a été offert, et fier de ce qu'il a réalisé.

Tu vis depuis une dizaine d’années en Turquie, mais tu es avant tout un gamin de Montfermeil. Qu’est-ce que représente le 93 pour toi ?Je suis né à Montfermeil, puis j’ai grandi à Clichy-sous-Bois. J’ai d’ailleurs joué dans le club de Clichy-sous-Bois avant de rejoindre Montfermeil en U19 DH. J’ai des liens forts avec le 93, ma famille, mes amis du quartier de la Forestière, mes anciens coéquipiers sont toujours là-bas donc c’est une partie de moi. Je fais en sorte de leur rendre visite chaque été, c’est mes racines. En Turquie, parfois tu oublies d’où tu viens et ce que tu as réussi. Du coup quand je rentre, le fait de voir tous ces regards remplis de fierté me motive encore plus. Ça fait deux ans que je passe à la CAN des quartiers à Clichy-Montfermeil, j’accompagne l’équipe de Turquie, ça fait plaisir à tout le monde !

Tu n’étais pas tenté de mettre les crampons et jouer avec eux ?Je sais qu’il y a beaucoup de joueurs professionnels qui jouent, mais j’ai eu des blessures tellement graves que je ne le fais pas ! D’ailleurs à chaque fois, je déconseille aux jeunes des centres de formation d’y participer. (Rires.)

Tu as tenté ta chance dans plusieurs clubs en France, mais il manquait toujours quelque chose.Je me rappelle qu’en U13, j’avais fait des essais au Havre pour trois jours parce que je commençais à me faire un petit nom en Île-de-France, mais je n’avais pas le mental, j’étais trop jeune, pas assez fort, je n’arrivais pas à m’exprimer. En U19, j’ai passé une semaine à Laval, ça se passait bien, mais ça ne s’est pas fait. Après cet essai, je me suis dit qu’il fallait absolument que je tente ma chance en Turquie.

Puis en 2011, une occasion se présente à toi.Il y avait une grande détection qui rassemblait 250 joueurs amateurs d’origine turque qui venaient de toute l’Europe, c’était une semaine avant le début du mercato en Turquie et des recruteurs des clubs de première et deuxième division étaient présents, c’était une chance unique. J’ai tapé dans l’œil d’Antalyaspor qui m’a proposé un contrat professionnel après quelques entraînements avec la réserve. Je suis rentré hyper content en France, prêt à faire les démarches administratives avant de rejoindre le groupe professionnel.

Le premier coup dur de ta carrière intervient paradoxalement à ce moment-là…Le deuxième jour de stage, je commence à tomber malade puis à tellement trembler que je me dis qu’une douche me fera du bien, mais je m’évanouis. Une fois réveillé, j’étais à l’hôpital, j’ai vraiment cru que j’allais mourir, j’y suis resté une semaine. Le médecin a dit au club que j’avais une infection dans le sang et qu’il ne fallait pas me reprendre, donc retour à la case départ, je suis rentré en France ! On était en septembre et je suis parti voir mon coach de Montfermeil pour trouver une solution. Il m’a dit que des clubs de CFA me voulaient, mais que c’était trop tard pour signer, donc j’ai fini à Bobigny en DSR. J’ai fait mon année là-bas avant que le coach de la réserve d’Antalya ne me contacte à nouveau pour démarrer mon aventure, il ne m’a pas lâché.

Tu passes de Montfermeil aux portes de la Süper Lig qui est ton rêve, mais tu ne peux pas à cause d’une maladie… Bon, j’ai rencontré ma femme durant cette période, donc quelque part, c’est un mal pour un bien !

Tu as dû passer par toutes les émotions en quelques semaines, en effleurant un contrat professionnel avant de te retrouver en DSR…J’ai passé mon année à prendre des antibiotiques pour retrouver ma santé et je tentais de relativiser en me disant que j’allais passer du temps avec ma famille avant d’y retourner. Je continuais à appeler Antalyaspor, mais le médecin ne validait toujours pas mon arrivée, c’était très compliqué moralement. Tu passes de Montfermeil aux portes de la Süper Lig qui est ton rêve, mais tu ne peux pas à cause d’une maladie… Bon, j’ai rencontré ma femme durant cette période, donc quelque part, c’est un mal pour un bien !

Est-ce qu’on peut dire que c’est plus facile de percer en Turquie qu’en France ?J’ai vu une statistique marquante qui disait que la France était le deuxième pays qui exportait le plus de joueurs professionnels après le Brésil. Il y a un potentiel énorme en France, c’est très difficile de percer. Il faut l’avouer, c’est plus simple en Turquie, même si mon contrat pro, j’ai dû aller le chercher avec le travail, rien n’était donné.

Finalement, tu signes ton contrat professionnel avec Antalyaspor qui ne t’a jamais réellement fait confiance, ce qui avait d’ailleurs le don d’agacer un certain Samuel Eto’o…Quand je suis revenu de prêt à Antalyaspor, Eto’o me parlait beaucoup et aimait le joueur que j’étais. Il n’était pas d’accord sur le fait que je veuille quitter le club. Je suis comme ça, j’ai des envies qui me viennent d’un coup et c’est impossible de me retenir. J’ai préféré partir du côté d’Alanyaspor en deuxième division, un pas en arrière certes, mais qui m’a permis de viser plus haut par la suite. Si j’ai pu jouer pour Galatasaray, je le dois à ce club.

Tu te rends compte, le gamin de Montfermeil qui quitte son quartier, seul avec ses valises, et qui devient meilleur buteur de l’histoire d’Alanyaspor ?

Tu es la légende d’Alanyaspor puisque tu es le meilleur buteur de l’histoire du club avec 67 buts, rien que ça. Tu réalises ?Pour être honnête, quand j’étais en prêt à Alanya la saison dernière, je n’étais même pas au courant que je pouvais battre ce record, je n’y pensais pas. C’est après avoir marqué face à Rizespor que j’ai été mis au courant de ce que je venais de réaliser avec un partage du club sur les réseaux sociaux. Tu te rends compte, le gamin de Montfermeil qui quitte son quartier, seul avec ses valises, et qui devient meilleur buteur de l’histoire d’un club de Süper Lig neuf ans après son arrivée ? J’étais tellement fier.

En 2018, Galatasaray et Fenerbahçe se font la guerre dans les médias pour te recruter, mais tu choisis Galatasaray.Alanyaspor avait un accord avec Fenerbahçe, mais je ne pensais qu’à Galatasaray qui était le club de mon enfance, celui de mes rêves. Tous les grands clubs du pays me voulaient et ça me faisait plaisir, mais pour moi c’était évident, j’ai fait le choix du cœur. En plus, on allait jouer la Ligue des champions, donc comment refuser ?

Lors de ton premier match en Ligue des champions justement, tu finis homme du match lors de la victoire 3-0 face au Lokomotiv Moscou.Lors de ce match-là, j’avais provoqué un penalty puis délivré une passe décisive, quel souvenir ! Juste avant, j’avais marqué un doublé face à la Suède avec la Turquie, donc je ne pouvais pas mieux commencer. Sauf que trois jours avant notre déplacement à Porto, je me fais une fracture du métatarse, et je ne joue plus de la saison… J’ai même raté l’occasion de jouer au Parc des Princes devant ma famille et mes amis en Ligue des champions, et de goûter au Stade de France avec le maillot de la Turquie. Ça m’a fait mal, mais je ne pouvais rien y faire.

Comment t’es-tu remis de ça ?J’ai dû garder un plâtre pendant trois mois, je ne pouvais même pas aller chercher un verre d’eau seul. J’ai vécu un moment très difficile, j’ai réussi à revenir, mais cette fois, je me suis fait une fracture du tibia péroné vers la fin de la saison, c’était un cauchemar.

Comment se relève-t-on de deux grosses fractures en quelques mois ? Tu aurais pu clairement arrêter ta carrière.Je crois que c’est inné en moi, je ne lâche jamais rien. Quand j’ai vu l’état de mon tibia lors de ma deuxième blessure, je me suis dit pendant deux secondes « Putain, merde, là c’est chaud ». Mais tout de suite après, encore sur le terrain, je pensais déjà à mon retour et qu’il fallait vite se mettre au travail. C’est arrivé parce que ça devait arriver, c’est une épreuve de Dieu, c’est comme ça. Je me dis toujours qu’il y a pire quand quelque chose de mal m’arrive, je suis croyant et ça m’a permis de ne pas déprimer et d’accepter les choses.

Boucler la boucle de cette carrière serait de jouer en Ligue 1, non ?Parfois je pense à jouer en France, devant ma famille, mes amis, ce serait beau. J’ai entendu quelques rumeurs me concernant, mais sans suite. Aujourd’hui, je joue pour Adana Demirspor qui est un club très ambitieux, on est en tête du championnat pour le moment avec un bel effectif, donc tout va pour le mieux.

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Propos recueillis par Diren Fesli

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