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Emmanuel Deschamps et Didier Macron
Le président de la République, Emmanuel Macron, sera au stade ce soir pour la demi-finale de Coupe du monde des Bleus face à la Belgique. Il en profitera pour retrouver celui qui est certainement son inspiration première, vu la ressemblance troublante de leurs trajectoires respectives : Didier Deschamps. Décryptage de deux parcours-clones, entre précocité, nouvelles technologies, pragmatisme et ch... ance.
Une fois de plus, FOG est dans le brouillard. Dans le dernier numéro du Point, Franz-Olivier Giesbert publiait un édito intitulé « Didier Deschamps, l’anti-Macron » , traçant « un parallèle saisissant entre la modestie de l’entraîneur des Bleus et l’hubris d’Emmanuel Macron » . Absurde. Comme annoncé lors de sa visite à Clairefontaine avant le départ des Bleus en Russie, Emmanuel Macron sera présent ce mardi à Saint-Pétersbourg pour la demi-finale de l’équipe de France en compagnie de Guy Roux, Jean-Pierre Papin, l’écrivain Olivier Guez, le président de la JS Suresnes Sylvain Porthault, et un jeune garçon que le président avait croisé lors d’un déplacement sur la base de loisirs de Moisson, dans les Yvelines, en août 2017, selon l’AFP. Une délégation ciselée comme une liste des 23 pour gagner le match de l’opinion. Mais surtout, le président de la République ne fera pas le déplacement pour observer son jumeau maléfique. Il le fera pour soutenir son jumeau tout court. Voire son frère siamois, si l’on en croit ces comparaisons indiscutables.
La même confiance en la jeunesse
Qui peut égaler un homme qui est devenu président de la République française à 39 ans ? Peut-être un autre qui était capitaine de l’équipe de France espoirs à 16 ans, du FC Nantes à 19 ans, d’un club vainqueur de la Ligue des champions à 24 ans ; un homme par la suite entraîneur d’une équipe finaliste de la C1 à 35 ans et sélectionneur de l’équipe de France à 43 ans. Une précocité qui pousse Emmanuel Macron et Didier Deschamps à faire confiance à la jeunesse. En 2017, la moyenne d’âge des députés élus dans la foulée de l’accession du leader d’En Marche à l’Élysée était de 48,6 ans, soit six ans de moins que celle de l’assemblée sortante, et surtout un record dans l’histoire de la Ve République. Didier Deschamps, lui, a composé la liste des 23 Bleus la plus jeune du XXIe siècle pour ce Mondial avec une moyenne d’âge de 26 ans et une moyenne de sélections de seulement 23,8.
Le même amour des nouvelles technologies
Salon CES de Las Vegas, VivaTech à Paris, inauguration de l’incubateur de start-ups de Xavier Niel : Emmanuel Macron n’est jamais le dernier quand il faut fricoter avec les nouvelles technologies pour montrer qu’il est un jeune homme moderne et bien dans son époque. Alors certes, Didier Deschamps a plutôt une réputation qui colle à son nom de famille, mais il ne faut surtout pas se fier aux apparences. Car quelle est la première équipe de l’histoire à avoir profité de la « goal-line technology » ? L’équipe de France de Deschamps, le 15 juin 2014, sur une frappe de Benzema qui rebondit sur le poteau, puis sur le gardien du Honduras avant de dépasser la ligne de peu. Et quelle est la première équipe de l’histoire à avoir profité de la VAR ? L’équipe de France de Deschamps, le 16 juin 2018, pour une faute du défenseur australien Josh Ridson sur Antoine Griezmann. Didier est fin prêt pour la Silicon Valley.
La même ch… ance
Il n’est plus nécessaire de présenter la fameuse ch… ance à Dédé. Sa plus belle expression a sans doute eu lieu en 2014, lorsque la France s’est offert un groupe constitué de la Suisse (tête de série la plus faible de la compétition), du Honduras et de l’Équateur. Un chef-d’œuvre. Mais l’Euro 2016 n’est pas mal non plus, avec sa poule Suisse-Albanie-Roumanie et ses tours suivants contre l’Irlande et l’Islande. À côté de ça, le Mondial 2018 avec ses matchs contre l’Australie, le Danemark et le Pérou ferait presque office de travaux d’Hercule. Mais le sélectionneur de l’équipe de France a un sacré concurrent en la matière. Au premier tour de l’élection présidentielle 2017, Emmanuel Macron s’est en effet retrouvé dans un groupe constitué des Républicains (qui ont aligné un joueur suspendu), du PS (qui a vécu son Knysna), et de la France insoumise (avec son capitaine qui mord les adversaires à la Luis Suárez). Avant de se retrouver en finale contre une candidate Front national qui n’avait clairement pas bossé les fondamentaux avant le débat d’entre deux tours. Le tout alors qu’Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et François Hollande n’avaient pas passé les éliminatoires. Autant lui filer la coupe avant le tournoi.
Le même pragmatisme
« On y va pour gagner, pas pour participer » , a lancé Emmanuel Macron après sa visite à Clairefontaine. « Si je pousse à l’extrême, je partage son avis. Une compétition, on se lance, c’est pas pour y participer, c’est pour la gagner » , a répondu Didier Deschamps dans la foulée en conférence de presse. Depuis le début de son aventure politique, Emmanuel Macron le clame, il préfère le pragmatisme à l’idéologie, et il a tenté de le montrer en nommant des ministres d’un peu tous les bords (mais surtout d’un, quand même). Le sélectionneur des Bleus est dans la même logique puisqu’il a décidé de sélectionner Ousmane Dembélé, un joueur qui n’a toujours pas réussi à choisir entre être gaucher ou droitier. Comme Macron a réussi à évincer François Bayrou, qui tentait pourtant d’imposer les mêmes idées depuis quinze ans, Didier Deschamps a pris, sur le banc de l’équipe de France, la place de Laurent Blanc, un homme qui se faisait surnommer « le Président » et qui développait à peu près la même idéologie, mais sans ce petit truc en plus qui donne envie de le suivre. En toute logique, donc, cette affaire devrait se terminer sur les Champs-Élysées.
Par Thomas Pitrel