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Emir Spahic est-il aussi méchant qu’on le dit ?
Ce soir, le PSG retrouvera une vieille connaissance. Emir Spahić, ancien distributeur automatique de baffes et de coups de latte sous les couleurs montpelliéraines, s'avance avec Leverkusen pour tenter de contrecarrer les ambitions de Zlatan and co. Sans finesse ni état d'âme.
Emir Spahić est le genre de mec que l’on craint. Une gueule de molosse, 1m83 de muscles taillés selon les standards balkaniques (pas ceux de Levallois-Perret) et des yeux qui flinguent toute envie d’en découdre : le Bosnien impose ce respect glacial associé à tout homme de son envergure. Et c’est en 2009 que la France découvre la bête. Repéré sur les champs de bataille russes, au MFK Lokomotiv, Spahić pose sa mallette et son arme corporelle à Montpellier pour décourager les attaquants de Ligue 1. En deux saisons de coups, d’interventions autoritaires et de démonstration de puissance, Emir se fait un nom dans le golfe héraultais. Boucher pour certains, défenseur dur au mal pour d’autres, le bonhomme s’attire les foudres tout autant qu’il charme les amateurs de travail bien fait. Mais qu’importe la méthode : Emir Spahić s’attache à exécuter la tâche pour laquelle il est payé.
Un guerrier sur le terrain
« C’est un mec super sympa, adorable même. » Quand Garry Bocaly se souvient de son ancien compère de défense, les mots sont doux et bienveillants, bien loin de l’image renvoyée durant deux saisons par le Bosnien. Régulièrement qualifié de brute épaisse, Emir Spahić s’est forgé une réputation dans l’Hexagone en balançant Nolan Roux un soir de décembre 2010 ou en envoyant son coude dans la tronche d’Issam Jemaa quelques mois plus tard.
Difficile après ces faits d’armes télévisés de louer la bonhomie d’Emir. Pascal Baills, ancien adjoint de René Girard sur le banc montpelliérain résout pourtant la dualité de son poulain : « En dehors du terrain et du foot, c’est un mec adorable, quelqu’un de serviable, y a rien à dire. Il a énormément de discipline dans tout ce qu’il fait, il est très sérieux. Parfois, ça arrive qu’il y ait un truc qui l’emmerde et il le fait comprendre. » Crème en dehors du rectangle vert, Spahić se transformerait en guerrier une fois la pelouse foulée. Une attitude parfois poussée à l’extrême et dont se plaignait en son temps le victimaire Nolan Roux : « Spahić est le plus dur des défenseurs en Ligue 1. Samedi, il m’a mis des coups qui n’ont pas été sanctionnés par l’arbitre de la rencontre. De mon côté, je n’ai pas réagi. C’est dommage. Il voulait me faire mal. » Érigé en porte drapeau de la violence sur les terrains, le Bosnien n’en a cure. Car au fond, Spahić est un professionnel méthodique, mais entier : « C’est pas un méchant mec. Quand tu connais le personnage, tu sais que quand il y un truc qui l’emmerde, il peut foncer et ne pas réfléchir. Quand il est à table et qu’il prend de la salade en entrée, c’est le maïs à droite, la tomate à gauche, y a rien de mélangé. C’est vraiment discipliné dans son assiette. Si y a une miette de pain qui tombe à côté, il va la retirer » , décortique Bocaly pour raconter son ex-coéquipier. Baills poursuit : « Son défaut, c’est sans doute d’être impulsif. Sur le terrain, ça peut occasionner des fautes, de l’énervement, de l’agacement, des cartons. Mais il a d’énormes qualités aussi. » Des qualités trop souvent sacrifiées sur l’autel de quelques coups assénés.
Un meneur aux qualités indéniables
Souvent défini par sa propension à distribuer les mandales, Emir Spahić n’en reste pas moins un bon, voire très bon footballeur. Malgré une deuxième saison plus compliquée sous les couleurs du MHSC, le Bosnien a foulé la pelouse de Séville et revêt désormais la tunique de Leverkusen. Des clubs honorables dans lesquels il a su imposé son style : « Footballistiquement, c’est un très bon joueur. Techniquement, pied droit, pied gauche, de la tête, il est très bon. Et il aime défendre » , analyse Pascal Baills. « Il anticipe énormément et il est super à l’aise de ses deux pieds, il n’y a aucune différence. » Capitaine de la sélection de Bosnie-Herzégovine qui ralliera le Brésil en juin prochain, Spahić sait même mettre son caractère au service de l’équipe et assume le rôle de meneur dans un groupe : « C’est quelqu’un qui, à l’entraînement, était très exigeant envers lui-même. Vachement exigeant avec les autres aussi. Mais je me souviens aussi qu’il avait pris une maison où il y avait des canapés dont il ne se servait pas. Il a appelé les kinés pour leur demander de lui montrer où se détendait le vestiaire et il a amené le canapé. Il est même allé à Ikea pour chercher des meubles. C’est lui qui a installé le lieu de vie de l’ancien vestiaire avec ses cousins, ses frères… » raconte Baills. Victime de ses excès ou coupable de ses dérapages, Emir Spahić avance tête baissée vers la compétition, mais reste, en dehors du terrain, un homme attentionné, ayant même parfois fait amende honorable : « Emir est quelqu’un d’intelligent. Ça lui est déjà arrivé de s’excuser quand il allait trop loin » , se rappelle Garry Bocaly. Mais face au PSG, même s’il est incertain ce soir, Emir Spahić évoluera dans son style, sans fioriture ni pitié pour ses adversaires : « S’il y a des accrochages, ça se branchera. Avec Ibra…(rires)ça peut être intéressant. C’est quelqu’un qui n’a peur de personne. C’est un joueur de haut niveau tout simplement. » Un joueur qui ne saurait rentrer chez lui sans la satisfaction du travail bien fait.
Par Raphael Gaftarnik et Antoine Donnarieix