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Emiliano Sala, prêt du but

Par Matthieu Rostac
Emiliano Sala, prêt du but

Peut-on être un vrai « joueur de prêt » ? Si Thibaut Courtois en avait fait le démonstration en restant des années à titre provisoire à l'Atlético Madrid, Emiliano Sala en a fait un sacerdoce. En seulement quatre matchs au Stade Malherbe, l'attaquant argentin a triplé son quota de but marqués avec les Girondins de Bordeaux.

En ce premier jour de février 2015, le public de Michel-d’Ornano n’en revient pas. Sur le terrain, le jeune Lenny Nangis, lui, se tient la tête à deux mains dans la surface. On joue la 89e minute du match Caen/Saint-Étienne, et la nouvelle recrue des Normands, Emiliano Sala, vient de manquer l’immanquable en envoyant mollement et à bout portant le ballon dans les bras d’un Stéphane Ruffier qui n’en demandait pas tant. Heureusement pour lui, le Stade Malherbe gagnera 1-0 face aux Verts. À six cent kilomètres au sud, du côté du Haillan, l’heure est sans doute au soulagement, peut-être à la moquerie. Un peu à la compassion aussi. Quelques jours plus tôt, les Girondins de Bordeaux ont refilé aux Caennais cet attaquant argentin dégingandé dont ils n’ont jamais su quoi faire sur le terrain et qui, semblerait-il, n’a jamais su quoi faire sur le terrain. Sauf que depuis ce funeste premier jour de février, Emiliano Sala enquille les pions avec le Stade Malherbe : trois buts en quatre matchs, tous marqués dans le jeu, dont un doublé face au RC Lens. Rien d’étonnant à ça pour autant, le natif de Cululu ayant fait sienne une sacrée spécialité : briller hors de ses bases en prêt.

Un chameau chez les Chamois

À dire vrai, Emiliano Sala est un enfant des Girondins. À l’âge de quinze ans, le joueur part à cent cinquante bornes de chez lui pour intégrer le fameux Proyecto Crecer de San Fernando, dans la province voisine de Córdoba. Plus qu’un simple centre de formation, le Proyecto Crecer est en quelque sorte l’annexe argentine des Girondins de Bordeaux, qui peut se permettre d’aller piocher chaque année dans le vivier de jeunes talents locaux. Rodrigo Castro, meneur de jeu de 22 ans prêté au Red Star, ainsi que l’ailier Valentin Vada, qui évolue avec la B des Girondins, sont notamment issus de l’académie de San Fernando. En 2010, Sala avait fait office d’expérimentation en intégrant la réserve bordelaise à seulement vingt ans. Pas forcément avec succès : lors de sa première saison en CFA, l’Argentin inscrit trois petits buts en onze matchs. Puis s’envole pour l’US Orléans, alors en National, pour la saison 2012-2013. L’USO termine huitième à quatre points du CA Bastia, dernier promu en Ligue 2. Surtout, Sala joue trente-sept des trente-huit matchs du club en National, dont trente-six comme titulaire. Et plante dix-neuf buts. Dans une continuité logique de progression, Bordeaux prête à nouveau son poulain à dégaine de chameau, en Ligue 2 cette fois-ci, du côté de Niort. Rebelote : avec la liquette des Chamois sur le dos, Sala plante dix-huit buts et aide le club à jouer les trouble-fêtes, en lice pour la montée en Ligue 1 à la 31e journée, cinquième au final.

Un troisième prêt en trois ans

Forcément, à l’été 2014, Emiliano est accueilli comme l’une des meilleures recrues des Marine et Blanc, dans un groupe en pleine transformation avec la nomination de Willy Sagnol qui assure avoir besoin de lui. Malheureusement pour l’Argentin, un autre attaquant au profil gauche anime l’avant-poste bordelais : Cheick Diabaté. Et le Malien a beau faire des passements de jambe en slow motion, il score (huit buts en quinze matchs). Sala, lui, multiplie les erreurs et marque un seul but, un penalty face à Monaco en août, en onze matchs (dont quatre titularisations). À vingt-quatre ans, l’espoir girondin semble s’être définitivement mué en escroquerie sud-américaine. Sans mentionner l’émergence de Thomas Touré, qui affectionne le même jeu en profondeur que Sala. Le désaveu est tel que lorsque le club marine et blanc annonce début janvier que Diabaté sera absent pendant quatre mois en raison d’un genou récalcitrant, Emiliano Sala se retrouve toutefois prêté au Stade Malherbe de Caen quelques semaines plus tard. Lorsqu’il arrive sur les bords de l’Orne, l’Argentin a la lourde tâche de remplacer le goleador normand Duhamel, parti pour l’ETG. Coup de pression supplémentaire pour le fébrile attaquant qui n’en avait pas besoin, qui pourrait expliquer son raté monumental face à Sainté pour son premier match. Depuis, Sala a clairement retrouvé la confiance : en témoigne sa chiche de trente mètres envoyée spontanément dans le but du gardien Lensois Belon.

Batistuta pour modèle

S’il est clair que Sala bénéficie d’un timing excellent, arrivé dans un club invaincu depuis le 17 janvier dernier grâce notamment à un Julien Féret retrouvé, force est de constater que l’Argentin aide aussi grandement le SM Caen. Parfaitement intégré au système de jeu prôné par Patrice Garande, Sala brille par sa mobilité et sa capacité à créer des brèches dans les défenses adverses. Un comble pour un joueur qui semble n’avoir d’argentin que le nom, et dont le style de jeu et le gabarit (1,86m pour 75kg) se rapprochent plus de ceux d’un Brandão que du Gabriel Batistuta qu’il porte aux nues. C’est d’ailleurs lui qui relance les siens lors du match nul face au PSG, lors de sa première titularisation, en marquant un but après un bon placement entre les lignes dans un rôle de neuf et demi. Une telle grinta qu’elle en est même saluée par Marcelo Bielsa himself en conférence de presse, le qualifiant de « joueur de référence avec beaucoup de présence » . Enfin, surtout beaucoup de prêt-sence.

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Par Matthieu Rostac

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