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Embrouille de famille à Troyes
À l'heure où plusieurs groupes de supporters français ont décidé d'interpeller la ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports à propos de leur situation, So Foot revient sur un conflit opposant le club de Troyes à certains de ses supporters. Bien loin des ombres et lumières parisiennes.
Avec un public pas forcément réputé pour mettre le feu à chaque match et malgré une saison en Ligue 2 très moyenne, l’ESTAC a quand même pu compter sur ses fidèles supporters cette année. Près de 6000 abonnés au stade de l’Aube et, selon les comptages de la Ligue de football professionnel (et avant les chiffres des deux dernières rencontres de l’année à domicile), près de 10 000 spectateurs à chaque rencontre dans l’enceinte auboise. Un chiffre plutôt honorable vu les affluences françaises, mais qui cacherait un conflit entre la direction troyenne et certains de ses supporters. Et selon le groupe des Ultras Troyes (aujourd’hui auto-dissous), cette situation ne daterait pas d’hier.
« Les conflits avec les différentes directions ont toujours plus ou moins existé depuis notre création (2006). Au début, on critiquait ouvertement le président de l’époque qui ne pensait qu’à dépenser ses tunes dans le coté festif (spectacles, etc) plutôt que d’acheter des joueurs pour rester en Ligue 1 » , explique un de ses anciens responsables à So Foot. « À l’époque, on nous interdisait les drapeaux, mégaphones… » Au moment de la passation de pouvoir entre Thierry Gomez et Daniel Masoni, tout s’arrange, de l’aveu même des ultras. « Jusqu’à la montée en L1, ça allait plutôt bien. On avait toujours les mêmes stadiers avec qui on avait une relation relativement bonne. Seulement, 3 semaines avant la reprise et ce retour parmi l’élite, on apprend que l’on va être « exilé » en Tribune Nord haut (sachant qu’on a connu pas moins de 4 emplacements entre 2006 et 2013) et qu’aucune place ne pourra être vendue dans notre bloc… La faute à 2 pétards lors du derby à Reims et lors du match de la montée contre Amiens. Déjà là, on a songé à tout arrêter, mais la première division pour une ville comme Troyes, c’est que du bonheur. »
Grève générale
S’ensuit une « saison galère » d’après ces supporters qui dénoncent des « fouilles à part » et une omniprésence des stadiers à leurs côtés. Fatigué et ne souhaitant pas être reconnu comme une association officielle d’après le club troyen, le groupe annonce son auto-dissolution lors de l’intersaison. Lors de la quatrième journée de Ligue 2 et la réception de Caen à domicile, une partie des ex-ultras s’associe à une action de contestation du collectif Troyes Fans, un collectif né lors de la saison 2012/2013 qui regroupe trois associations (Magic Troyes, Tiger 10 et Kop D Tricasses) de supporters plus ou moins actifs de l’ESTAC et dont l’objectif est d’ « améliorer l’ambiance du stade de l’Aube » . La raison de cette contestation ? Un nouveau changement de tribune pour le collectif, alors que celui-ci souhaite rester en tribune Seine Basse où les gradins sont derrière les buts et au plus près du terrain. Pour se faire entendre, les trois groupes entrent donc en grève pour les matchs à domicile. Lors de la rencontre face aux Normands, plusieurs banderoles fleurissent (avec plus ou moins de succès) dans l’enceinte de l’ESTAC et des tracts sont distribués. La grève (ni bâche ni chant) est maintenue pendant un certain temps, mais des contacts sont finalement renoués début septembre entre les Troyes Fans et la direction du club. Souhaitant relancer l’ambiance dans le stade, le président du club accepte finalement de remettre le collectif à sa place pour le plus grand bonheur des associations qui font leur retour officiel contre Le Havre le 13 décembre 2013.
De leur côté, les ex-Ultras Troyes continuent à mener des actions de contestation. Banderoles et chants très hostiles contre le responsable de la société de stadiers de Troyes, dont ils demandent la démission, ou contre le président du club. Daniel Masoni ira même jusqu’à porter plainte après avoir essuyé des insultes par certains de leurs membres lors d’un déplacement à Dijon en octobre dernier. Le son de cloche n’est évidemment pas le même pour les supporters, ces derniers pointant du doigt des abus de la part du club et de la police ( « sur la demande de la direction » selon ces fans) à Lens, contre Auxerre à domicile ou en novembre à Créteil.
C’est toi ou moi.
Des accusations que Daniel Masoni, le président de l’ESTAC, réfute totalement. « C’était à Créteil, ce n’est donc pas nous qui avons initié les démarches avec la police… Nous n’intervenons pas du tout auprès des forces de l’ordre à l’extérieur et nous n’avons aucune main là-dessus » , tient-il à préciser avant de continuer : « Sur 9000 spectateurs de moyenne, c’est presque logique que l’on fasse des déçus. Mais ça ne me perturbe pas du tout, car ici, on n’a jamais payé une amende de quoi que ce soit. Que ce soit à la Fédé ou à la Ligue. » Réputé bon enfant et familial, le public du stade de l’Aube ne se fait effectivement pas remarquer par des incidents. Un objectif ardemment souhaité par la Ligue de football professionnel et qui oblige les clubs français, pourtant en manque d’ambiance, à ralentir les ardeurs des supporters les plus actifs . « Pourtant, on est comme tout le monde », assure le président troyen. « On veut faire vivre les tribunes. On pense par exemple que les supporters ne font pas assez de bruit, dans le bon sens du terme. Et pour améliorer ça, on voit les autres groupes de supporters une fois par mois. Avec eux, le contact est bien établi et pour l’instant, c’est plus que positif… » Concernant les ex-Ultras Troyes, Daniel Masoni est clair : « On leur a demandé d’être raisonnables, de suivre les autres. Ce sont eux qui se sont auto-dissous… »
Et chez ces derniers, une sorte de défaitisme est de mise. Ils ne vont quasiment plus à domicile ( « une galère » ) et se réservent pour quelques rencontres à l’extérieur « Depuis 5 ans, on a vu qu’il était impossible d’imposer durablement un mouvement ultra à Troyes » , confie un de ses membres. « Aujourd’hui, on réunit une vingtaine/trentaine de types, trop peu pour avoir un poids sur la direction. Alors on préfère passer un bon moment entre potes, sans se soucier d’agiter un drapeau, d’accrocher une bâche ou encore de chanter 90 minutes… En revanche, on ne souhaite plus aucun dialogue avec le club. Cela ne sert à rien de parler avec eux puisque, dans ton dos, ils vont prendre un tas de mesures pour te la mettre à l’envers. Mais on rôdera toujours au stade et en déplacement. Et s’il faut refaire des actions, on les refera. Masoni et ses sbires ne se débarrasseront jamais de nous. » Ambiance… Rétablir un dialogue entre les deux parties, une première mission pour Najat Vallaud-Belkacem ? Troyes n’est qu’à 1h20 de Paris.
Par Antonin Peru, Antoine Aubry et Nicolas Kssis-Martov