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Embrasser le bourreau
Alors qu'on lui reprochait souvent de ne pas être assez décisif, Neymar sortait le plus grand match de sa carrière le 8 mars dernier en Ligue des Champions. Contre qui ? Contre le PSG, obsédé et hypnotisé par son bourreau au point de monter le transfert le plus fou de l'histoire pour en faire sa superstar.
Tricoteur, joueur Youtube, pas adapté à l’Europe… Il y a quatre ans, Neymar sortait la grand voile et traversait l’Atlantique avec une pelletée d’étiquettes scotchées dans le dos. Rien de bien original, le paquetage habituel de tous les petits cracks made in Brasil à qui on demande de prouver qu’ils ne sont pas que des otaries bonnes à jongler avec n’importe quoi. Après avoir vu le gamin à l’oeuvre avec le Barça, les observateurs en étaient arrivés à cette conclusion sans appel : OK, Neymar est vraiment fort. Mais ces mêmes observateurs, toujours là quand il s’agit de juger des joueurs avec le même empressement qu’un maraîcher en train de comparer les légumes à Rungis, continuaient à faire la fine bouche.
Neymar sait dribbler, passer, marquer ? Il leur en fallait plus, et un nouveau mot magique fleurissait ici et là sur les lèvres bavardes : décisif. Neymar ne le serait pas assez. Compliqué, quand on prétend être un grand joueur ! Faire des grigris contre Gijón, ça épate peut être les gosses à crêtes, mais où est le Brésilien quand il s’agit de faire trébucher les grands d’Europe ? Jusqu’au 8 mars 2017, la capacité de Neymar à être un général de guerre était discutable, et donc discutée. En bref, au moment d’avoir les épaules larges, le Barça devrait plutôt compter sur son M et sur son S que sur son N. Soit. Mais le match contre Paris au Camp Nou, celui qu’on appelle désormais la remuntada sans que personne n’ose demander de quoi on parle, Neymar a fermé quelques clapets. Et le PSG, en plein syndrome de Stockholm post-traumatique, vient s’enrôler l’homme qui a mis tout le projet qatari plus bas que terre il y a cinq mois.
L’anti-Danton
Inutile de rejouer la scène du crime encore et encore. En l’espace de 90 minutes, Neymar a souillé le PSG comme jamais le club parisien ne s’était fait souiller. Buteur, passeur, provocateur de péno, Neymar était cet homme juché sur son cheval blanc qui pointait toujours son épée vers ses ennemis à la 88e minute alors que Barcelone avait encore trois buts à marquer. Dix minutes plus tard, Neymar avait planté les deux premiers avant de filer la dernière passe décisive à Sergi Roberto. Terminé bonsoir. Paris, c’était plus facile que Gijón. Dans un monde normal, le club terrassé, ses dirigeants, ses fans et ses joueurs auraient fait de leur bourreau un homme honni. Une pourriture qu’ils voudraient voir mourir, contre qui on a envie de monter des plans, d’échafauder des vengeances.
Mais dans le monde du PSG version qatarie, on paye plus cher que le prix estimé du Parc des Princes pour le faire venir dès le mercato qui suit. Comme si, une fois devenu millionnaire, le petit à lunettes du collège payait une fortune pour que les loubards qui le victimisaient dans la cour de récré viennent habiter avec lui. Et on imagine déjà la scène d’un Neymar débarquant tout sourire pour la première fois dans le vestiaire parisien aller dire bonjour à Kevin Trapp et à Thomas Meunier, avec les yeux rieurs et l’air de dire : « Remember me ? » Le 5 avril 1794, Georges Danton montait sur l’échafaud et lançait à celui qui allait le guillotiner un insolent : « Bourreau, tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine. » Aujourd’hui, encore abîmé par le supplice du 8 mars, Paris fait de son tortionnaire sa coqueluche. Le projet qatari, à l’arrêt la saison dernière, a une curieuse façon de mener sa révolution.
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