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- 11 mai 1976
Elton John, président
Depuis le 11 mai 1976, Watford voit le football à travers les lunettes extravagantes d'Elton John, son président à vie. Avec l'entraîneur, Graham Taylor, l'artiste a formé un duo qui a conduit le petit club du nord-ouest londonien vers les sommets du championnat anglais, avant une lourde rechute.
C’est l’une des exigences de Sir Elton quand il donne un concert : disposer dans sa loge d’une télé avec un maximum de canaux sportifs pour se tenir au courant de l’actualité du football. En bon anglais, l’auteur de « I’m Still Standing » est sévèrement accro au ballon, et au club de sa ville, le Watford FC. Un club qu’il a sorti des bas-fonds pour lui offrir quelques années de glamour. Le 11 mai 1976, Elton John, pas loin d’être alors l’artiste pop le plus populaire du globe, prend la présidence du club qu’il supporte depuis sa tendre enfance. Outre son statut de célébrité et ses tenues fantaisistes, le musicien millionnaire dépareille par l’âge de ses artères au moment de faire son entrée dans le milieu tout en briques rouges de la quatrième division anglaise. Elton John n’a pas encore franchi le cap de la trentaine.
Pour bien signifier sa différence, l’artiste décide, un an après sa prise de pouvoir, de recruter un autre jeune premier, Graham Taylor, futur sélectionneur de l’Angleterre, un entraîneur plus vert que les vétérans de l’équipe (33 ans). L’attelage dénote mais recueille immédiatement ses premiers succès. Watford monte en troisième division en 1978, et se permet, la même année, de sortir Manchester United de la League Cup. On a connu départ plus laborieux. Dès 1982, les Hornets, surnom de l’équipe, atteignent le Graal : la première division, celle qu’ils n’avaient jamais fréquentée de leur histoire. Les millions d’Elton font merveille. Watford peut notamment compter sur sa doublette d’anglo-jamaïcains, formée par le jeune John Barnes, rabattu à 17 ans par les recruteurs du club, et l’avant-centre Luther Blissett, qui rejoindra brièvement le Milan AC en 1983.
Président à vie
L’acmé de l’ère Elton John se produit dès la première saison dans l’élite de Watford. Les hommes de Graham Taylor accrochent la deuxième place du championnat derrière Liverpool, et Blissett occupe la tête du classement des buteurs, avec 27 pions au compteur. La saison suivante, Watford écrit un nouveau hit en se hissant en finale de la Cup, perdue face à Everton. Les supporters Toffees sortent alors une banderole « Désolé Elton, c’est pour ça qu’on doit nous appeler les Bleus (The Blues) » . Sortis de leur cave, les Hornets se contentent les saisons suivantes d’osciller dans le ventre mou de la première division, et de miser sur la Cup pour se donner quelques frissons. En 1987, sonne la fin du bal : Graham Taylor s’en va à Aston Villa, et Elton John vend peu après ses parts, pour libérer un peu de place dans son agenda de star planétaire. Privé du duo Graham-Elton, Watford tombe en dépression et retrouve la deuxième division.
Dix ans plus tard, grand classique du show-biz, Graham et Elton font leur come-back main dans la main. Un retour pas franchement triomphal. Il faut attendre 1999 pour que Watford parvienne à retrouver la Premier League, au plus grand bonheur des supporters adverses, qui concoctent quelques chants en référence à l’homosexualité de l’artiste. Malgré l’appui de l’interprète de « Candle in the Wind » , le club du nord-ouest londonien s’appuie sur une économie trop modeste pour se maintenir dans la ligue la plus riche du monde. Watford termine la saison en lanterne rouge. Aujourd’hui, Elton John bénéficie du statut de président à vie du club, auquel il avait renoncé en 2008 pour manifester son opposition aux décisions de l’équipe dirigeante, avant de revenir sur sa décision dès 2009. Considéré comme radin par certains supporters à l’aune de la grandeur de sa fortune, Elton John continue de donner un peu de lui pour les Hornets. En 2010, il s’est produit au sein du stade de Watford, pour un concert au bénéfice du club. Du moment qu’il ne chante pas à la mi-temps …
Marcelo Assaf et Thomas Goubin