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Elie Dottelonde : « L’UNFP tire quasiment tous les profits des vignettes Panini »

Propos recueillis par Quentin Ballue
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Avocat au barreau de Paris, Elie Dottelonde vient d'intenter un procès contre Panini France. Motif : l'exploitation non consentie de l'image de plusieurs anciens joueurs de Ligue 1. Une première audience est prévue le 19 janvier 2022 devant la 17e chambre du Tribunal judiciaire de Paris. En attendant, le pénaliste fait le tour de la question du droit à l'image des footballeurs. Au risque de faire grincer des dents, du côté de l'UNFP notamment.

Le problème est que l’UNFP a accaparé la gestion du droit à l’image des footballeurs représentés avec des joueurs d’autres clubs et traite directement avec certaines sociétés.

En quoi les footballeurs sont-ils lésés en matière de droit à l’image ?L’UNFP, via la Charte du football professionnel, a instauré un monopole dans l’exploitation de l’image des joueurs de Ligue 1. Le syndicat accapare leur droit à l’image quand plusieurs joueurs de plusieurs clubs sont représentés. Dans cette hypothèse, l’UNFP s’estime en capacité de céder ce droit à des sociétés privées et à en garder l’ensemble des profits. Par exemple, quand Neymar a signé au PSG, il y a eu un avenant au contrat de travail selon lequel le club devenait titulaire de ses droits à l’image quand il apparaît avec l’équipement du PSG. Normalement, Panini et EA Sports devraient se rapprocher du club en leur proposant : « On veut exploiter l’image de vos joueurs, à combien vous nous cédez l’exploitation de leur droit à l’image ? » Le problème est que l’UNFP a accaparé la gestion du droit à l’image des footballeurs représentés d’autres clubs et traite directement avec certaines sociétés.

Cette situation repose donc sur la Charte du football professionnel ?Le site de l’UNFP explique qu’au début des années 1970, Panini veut s’installer en France et propose 20 000 francs à la Ligue, qui refuse en disant que ce n’est pas assez. Panini va donc voir l’UNFP, qui venait d’être créée et qui accepte. Le partenariat UNFP-Panini est né comme ça. Au fur et à mesure, la valeur de l’image des joueurs a augmenté, et dans les années 1990, l’UNFP a tenté de justifier cet accord. Le syndicat a donc inséré dans la Charte du football professionnel un article relatif à la gestion du droit à l’image des joueurs, l’article 280, qui distingue deux situations. Quand l’image de cinq joueurs du même club est exploitée, il faut que le club recueille le consentement du joueur par un avenant au contrat de travail. En revanche, lorsque plusieurs joueurs de plusieurs clubs sont concernés, leur image ne peut être utilisée qu’avec l’accord et au profit de l’UNFP. Là, il n’y a plus aucune référence au consentement du joueur.

Combien représentent ces profits pour l’UNFP ?C’est compliqué parce que la gestion est assez opaque. C’est du bon sens de dire que dans tous les cas, ce sont des montants assez élevés. Mais quand bien même l’UNFP ne vendrait ces droits à l’image que 100 000 euros, ce serait toujours 100 000 euros de bénéfices puisqu’elle n’achète pas ces droits en amont.

L’UNFP ne reverse au mieux que 200 euros par an aux joueurs de Ligue 1 et 150 euros aux joueurs de Ligue 2.

Qu’en est-il à l’étranger ?Je connais moins les législations étrangères, mais j’ai discuté avec le cabinet d’avocats qui s’occupait du transfert de Gareth Bale au Real Madrid. Ils m’expliquaient qu’en Angleterre, les clubs rachètent le droit à l’image de leurs joueurs et les cèdent gratuitement à la société Premier League, puisqu’à la fin de l’année, la société reverse les dividendes à tous les clubs. C’est une manière de mutualiser les droits à l’image pour négocier des montants plus importants. Ensuite, les bénéfices tirés de cette exploitation sont répartis au prorata. In fine, les clubs tirent des profits de cette exploitation, alors qu’en France, l’UNFP tire quasiment tous les profits des vignettes Panini et ne reverse au mieux que 200 euros par an aux joueurs de Ligue 1 et 150 euros aux joueurs de Ligue 2.

La FIFPro commercialise-t-elle également l’image des footballeurs professionnels sans leur consentement ?Je ne connais pas la manière dont sont gérés les droits à l’image dans les championnats étrangers. Une chose est sûre, lorsque vous jouez au jeu vidéo FIFA, vous verrez que l’un des premiers écrans d’accueil indique qu’EA Sports détient les droits de la FIFPro. Or, dans les années 2000, des joueurs et des clubs de Belgique et des Pays-Bas ont attaqué EA Sports sur le même fondement que le mien, et EA Sports a fait intervenir la FIFPro, qui a payé les joueurs en concluant un protocole transactionnel avec eux.

Vous poursuivez Panini France pour une exploitation abusive de l’image de vos clients. Quelle ligne de défense attendez-vous de la partie adverse ?L’avocat de Panini explique que la société exploite le droit à l’image des joueurs en application de la garantie que leur a offerte l’UNFP. Il est donc plus qu’envisageable que Panini fasse jouer cette garantie et in fine, si quelqu’un devait payer, ce serait l’UNFP. Le conseil de Panini estime par ailleurs que ces actions sont prescrites, puisque cela concerne notamment des footballeurs retraités depuis plus de 5 ans, mais sur le site panini.fr, on peut encore acheter des vignettes et des albums jusqu’aux années 2000. Tous les joueurs qui sont en activité ou qui l’ont été dans les années 2000, comme certains de mes clients, pourraient assigner Panini pour demander réparation de l’exploitation abusive de leur image.

Il est donc plus qu’envisageable que Panini fasse jouer cette garantie et in fine, si quelqu’un devait payer, ce serait l’UNFP.

Combien de clients représentez-vous dans cette affaire ?Un peu moins d’une dizaine pour l’instant. Ce sont d’anciens joueurs, dont certains ont arrêté l’année dernière. Ils sont tous français, il y a un ancien international par exemple, mais la nationalité n’est pas une condition. Il faut simplement avoir évolué dans le championnat de France. Un ancien international sénégalais m’a appelé et comme il a joué en Ligue 1, il pourrait très bien suivre cette procédure.

Avez-vous été contacté par des clubs, qui pourraient eux aussi s’estimer lésés ?Il serait cohérent juridiquement et économiquement qu’ils touchent également les profits d’exploitation d’image de leurs joueurs avec Panini, EA Sports, etc. C’est ce qui se passe avec la société Sorare, qui est un peu le Panini 3.0 et qui passe des contrats directement avec les clubs, pas avec l’UNFP. Dans la mesure où le club rémunère le joueur en contrepartie de son travail et de son droit à l’image, il devrait en tirer les profits. Mais pour l’instant, les clubs ne semblent pas enclins à lancer une procédure.

J’espère simplement que mes clients, qui veulent faire valoir leurs droits, obtiennent gain de cause. Et si mon travail juridique permet au football français d’être un peu plus équitable en matière de gestion de droit à l’image, on ne va pas s’en plaindre.

Que demanderez-vous au titre de la réparation du préjudice ?Nous faisons des demandes assez importantes qui se justifient par différents éléments. Le préjudice moral peut être aggravé par le nombre de vignettes vendues et par la surface éditoriale consacrée : le fait que le joueur apparaisse une première fois avec son club, une seconde fois individuellement, et pourquoi pas une troisième fois en Une du magazine. Pour des joueurs dont l’image a été exploitée sur plusieurs années, ça se chiffre en centaines de milliers d’euros. On s’en remet à la compétence des magistrats, qui décideront. J’espère simplement que mes clients, qui veulent faire valoir leurs droits, obtiennent gain de cause. Et si mon travail juridique permet au football français d’être un peu plus équitable en matière de gestion de droit à l’image, on ne va pas s’en plaindre.

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Propos recueillis par Quentin Ballue

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