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Élie Baup et Rolland Courbis jugent la saison des Girondins

Propos recueillis par Nelio Da Silva et Mathias Edwards
Élie Baup et Rolland Courbis jugent la saison des Girondins

Élie Baup et Rolland Courbis cumulent dix ans à la tête de l'équipe première des Girondins, qu'ils ont connue quasi systématiquement européenne. Alors que Bordeaux a neuf orteils en Ligue 2, les deux hommes sont bien placés pour expliquer la situation catastrophique d'un club auquel ils sont toujours très attachés et pour balancer quelques piques bien senties.

À trois journées de la fin du championnat, Bordeaux a quatre points de retard sur Saint-Étienne. Croyez-vous encore au maintien des Girondins en L1 ?Élie Baup : C’est compliqué d’y croire, quand on a gagné si peu de matchs dans la saison. Surtout lorsqu’on voit les derniers matchs, où ils se font souvent remonter après avoir mené. L’espoir est peut-être d’aller chercher la place de barragiste, mais il faudrait que Saint-Étienne ou un autre club se laisse aller sur les derniers matchs. Ça paraît très compliqué.

Au rugby, ils parlent de « défaites encourageantes ». Celles de Bordeaux sont décourageantes. Pour gagner, il faut qu’ils mettent cinq buts. Même un fakir n’arriverait pas à sauver Bordeaux.

Rolland Courbis : Malheureusement, je n’y crois pas non plus. Mathématiquement, tout est possible, mais quand je vois jouer Bordeaux… Ils pouvaient encore espérer à la trêve, avec la possibilité de se renforcer et de gagner en confiance en étant plus solides. Mais là, il faudrait un miracle. Et on est à Bordeaux, pas à Lourdes. Il faudrait que les Girondins terminent avec deux victoires et un nul pour avoir de l’espoir, ce qui semble compliqué. Plus que les défaites, c’est le contenu qui est inquiétant. Au rugby, ils parlent de « défaites encourageantes ». Celles de Bordeaux sont décourageantes. Pour gagner, il faut qu’ils mettent cinq buts. Même un fakir n’arriverait pas à sauver Bordeaux.

Qu’est-ce que ça vous fait de voir les Girondins dans cet état ?EB : C’est un crève-cœur, d’abord par rapport aux gens que je connais qui travaillent au club. Puis même par rapport à l’environnement et à la ville, c’est vraiment dur à avaler. C’est un club historique qui vient de fêter ses 140 ans, l’un des plus vieux de France. Ce club, il a un passé très fort avec des résultats positifs et une grosse influence sur le championnat de France. Cela peut arriver qu’il y ait financièrement de gros problèmes, que les clubs soient sur le fil. Mais là, lier à la fois le sportif et le financier et voir cette déchéance, c’est très dur.

Cet hiver, à la suite du départ de Petković, il a été question que je leur donne un coup de main avec David Bettoni. Si cela s’était fait, j’y serais allé à pied.

RC : Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne me laisse pas indifférent. Cet hiver, à la suite du départ de Petković, il a été question que je leur donne un coup de main avec David Bettoni. Si cela s’était fait, j’y serais allé à pied. On avait déjeuné avec Gérard Lopez, c’était sympa. J’avais proposé que Bettoni soit l’entraîneur numéro 1, et moi son accompagnateur. J’aurais assisté à tout ce qu’il se passe, et le soir, on aurait débriefé ensemble. Mais c’est lui qui aurait décidé des compositions d’équipe. Je n’ai pas la prétention de dire que Bordeaux se serait sauvé avec cette solution. Mais sans cette solution, c’est compliqué.

Le problème du foot d’aujourd’hui, c’est que l’aspect commercial prend le pas sur le sportif. Il faut que le terrain et le plan de jeu de l’équipe restent la préoccupation et la priorité de ceux qui dirigent les clubs.

Comment en est-on arrivé là ?EB : Je ne vois pas comment le rachat par Gérard Lopez et tous ses actionnaires a pu être possible, dans la mesure où le club avait de grandes difficultés financières. Lors des saisons précédentes aussi, il y a eu des investisseurs qui n’ont pas amené un projet sportif de qualité et qui n’ont pas pensé au football. C’est le problème du foot, aujourd’hui : l’aspect commercial prend le pas sur l’aspect sportif. Je ne sais pas où va le sport, mais il doit garder des identités de jeu. Il faut que le terrain et le plan de jeu de l’équipe restent la préoccupation et la priorité de ceux qui dirigent les clubs.RC : Depuis la vente du club par M6, c’est la foire d’empoigne. D’après ce qu’on entend, il y a des problèmes à tous les étages. EB : Certains joueurs, qui sont de passage, se demandent ce qu’ils foutent là. Dans le même temps, on a des jeunes qui ont été vendus pour faire de l’argent alors que c’est en gardant ces jeunes qu’on fait l’identité du club et l’identité sportive. On forme moins de jeunes et quand on en forme, on ne les garde pas : sportivement, le projet n’a pas de sens.

Comment avez-vous réagi à l’arrivée de Gérard Lopez ?EB : Je n’ai pas de jugement à porter. D’un côté, on se dit qu’on ne sait pas d’où vient l’argent. De l’autre, on se rappelle ce qu’il a fait à Lille avec Galtier en se maintenant avant d’être champion de France. On pouvait penser qu’il allait faire la même chose à Bordeaux, et il n’y avait pas d’autres repreneurs avec des garanties financières suffisantes. Enfin, je crois…

Gérard Lopez a donné l’illusion de pouvoir encore rester en Ligue 1. Cela a plu à tout le monde, mais derrière, il faut regarder la saison qu’ils sont en train de faire. S’il y avait eu une rétrogradation financière l’an dernier, les comptes auraient pu être remis à plat, et ça redémarrait.

RC : Gérard Lopez a commencé par redonner confiance aux supporters, mais il fallait que cela se traduise sur le terrain. Et là, ce ne sont pas que les résultats qui sont catastrophiques, c’est également le contenu. Quand tu es supporter et que tu vois une équipe aussi peu solide, tu n’es pas fier de ton club.EB : Jean-Didier Lange faisait partie d’un projet de reprise et il considérait qu’il valait mieux repartir en deuxième division, par rapport à la situation financière. Repartir sur un projet collectif, et remonter en ayant une structure solide à tous les niveaux. Là, Gérard Lopez a donné l’illusion de pouvoir encore rester en Ligue 1. Cela a plu à tout le monde, mais derrière, il faut regarder la saison qu’ils sont en train de faire. Maintenant, je ne sais pas où cela va s’arrêter : est-ce que cela va être juste une rétrogradation sportive ? S’il y avait eu une rétrogradation financière l’an dernier, les comptes auraient pu être remis à plat, et ça redémarrait.

Comment jugez-vous l’effectif des Girondins ?RC : Cet effectif est très moyen. Il y a un potentiel offensif qu’il est dommage de ne pas exploiter avec une certaine solidité. L’équilibre, c’est toujours le premier problème à résoudre. Il vaut mieux ne marquer que 25 buts, mais en encaisser 24, que d’en marquer 80 et en prendre 150.EB : C’est juste une somme de joueurs, mais où sont les complémentarités ? Où sont les liens de l’équipe ? Les projets de jeu ? Ce n’est pas tout de rajouter des joueurs pour faire une équipe. Au contraire, les joueurs existent parce qu’il y a l’équipe. Un joueur trouve la réussite parce qu’il y a un collectif, un thème de jeu et une idée générale. Là, c’est la somme de mecs qui fait qu’on essaie de faire une équipe alors que ça devrait être l’inverse. Tout doit partir du terrain. Qu’est-ce que je fais quand j’ai le ballon ? Qu’est-ce que je fais quand je ne l’ai pas ? En transition ? Ce sont toutes ces questions qui font qu’on a un style de jeu. À partir de là, il y a des joueurs qui adhèrent au projet. Là, on prend des joueurs parce qu’ils sont arrière droit, arrière gauche, milieu ou autre et on les met parce qu’ils sont à ce poste. Mais sans projet de jeu, vous ne pouvez pas avoir d’efficacité sportive.

Les recrues sont quasiment toutes intéressantes individuellement, c’est leur complémentarité qui est mauvaise.

La venue de Vladimir Petković, qui se révélera être une erreur de casting, est l’élément déclencheur de cette saison cauchemardesque ?RC : C’était un choix surprenant, c’est sûr. Il y a déjà une énorme différence entre sélectionner la Suisse et entraîner les Girondins de Bordeaux, un club historique. Entraîner Bordeaux, ce n’est pas simple du tout. Si Jean-Louis Gasset n’a pas trouvé la solution, on pouvait se douter que ça allait être compliqué pour son successeur, surtout sans renfort de qualité.

C’est vrai qu’il n’a pas été aidé par la qualité du recrutement…RC : Les recrues sont quasiment toutes intéressantes individuellement, c’est leur complémentarité qui est moyenne. Et vous connaissez mon indulgence. Quand je dis « moyenne », ça veut dire qu’elle est mauvaise.

Ces dernières années, différents profils d’entraîneurs se sont succédé sans succès sur le banc bordelais. Comment expliquer cela ?RC : Le contexte est compliqué. Prenons le cas des supporters : certains ne sont pas assez supporters, d’autres le sont trop, certains sont supporters-dirigeants… C’est un labyrinthe ! Avant d’engager des humains, il faut acheter une grosse boussole. Parce qu’aux Girondins, on a perdu le nord.

Le nombre de buts encaissés, c’est un truc de fou. Ne pas prendre de but, c’est une question d’état d’esprit.

EB : C’est un tout. Il y a le directeur sportif et les recruteurs qui font venir certains joueurs et qui en font partir d’autres, qui font qu’Adli est déjà ailleurs pendant toute la saison. Le métier d’entraîneur est de toujours essayer de ramener le projet sportif au centre du village. C’est d’essayer de se dire que la priorité, c’est le collectif. Là, il n’y a rien au niveau sportif. Il y a des mecs qui sont là pour essayer de limiter la casse, en se demandant ce qui va leur arriver à la fin de la saison. Dans ce club, on essaie de limiter la casse en tapant dans les gros salaires, en vendant des joueurs, en ayant des joueurs en prêt… Il y a une préoccupation financière qui est énorme et derrière, on n’arrive pas à mettre en place un projet sportif. Que ce soit avec Petković, Guion ou je ne sais pas qui, on sent bien que c’est compliqué.

Bordeaux a encaissé 85 buts cette saison en championnat, c’est ce qu’il y a de pire pour un entraîneur ? RC : Pour un entraîneur, les défaites sont toutes difficiles à avaler. Mais les défaites en étant ridicules, c’est un cauchemar.EB : Historiquement, Bordeaux a toujours été une équipe à qui il était difficile de marquer des buts. Que ce soit avec Aimé Jacquet, Laurent Blanc ou moi. Au temps de Bez, c’était ça, l’identité. C’était très solide. Maintenant, quand on voit le nombre de buts encaissés, c’est un truc de fou. Ne pas prendre de but, c’est une question d’état d’esprit.

Vous pensez que les Girondins peuvent atteindre la barre des 100 buts encaissés cette saison en L1 ?RC : Non, il reste trop peu de matchs. Mais vous vous rendez compte des questions que l’on se pose lorsqu’on évoque Bordeaux ?

Si Christophe Urios avait un cousin dans le football, c’est sûr que ça ne ferait pas de mal.

La défaite à domicile contre Marseille est-elle le symbole de la fin d’une époque ?RC : Ouais, mais ces matchs sont spéciaux. À l’aller (2-2), Bordeaux a failli l’emporter avec une occasion de Pembélé à la 91e. Donc même en étant nul cette saison, Bordeaux aurait pu gagner à Marseille. EB : S’il y avait bien une année où on sentait que Marseille pouvait faire un résultat à Bordeaux, c’était cette année. C’était presque inconcevable qu’ils n’y arrivent pas. Tout ça ne veut plus rien dire.

Malgré tout, les supporters sont toujours derrière leur équipe. Cela vous étonne ?EB : Je les ai connus, ils étaient derrière l’équipe, ils le sont encore. Le foot doit être quelque chose d’apaisant, doit amener du bonheur aux gens, et il faut le partager. Il faut que le foot soit une source de réjouissance, dans une société où tout n’est pas facile. Si le foot ne devient que des marques, il y a le risque que cela soit démodé.RC : C’est un des seuls espoirs qu’il reste : ce club ne laisse pas indifférent, même si le rugby marche mieux que le football actuellement. Si Christophe Urios (l’entraîneur de l’Union Bordeaux Bègles, NDLR) avait un cousin dans le football, c’est sûr que ça ne ferait pas de mal. EB : Si l’UBB arrive à entraîner derrière elle tout Chaban-Delmas, c’est parce que les gens se retrouvent dans un projet de jeu et dans les ambitions. Même s’ils viennent de perdre quelques matchs, il y a toujours de l’engouement parce que le projet sportif est porté par Christophe Urios, les joueurs, le président. Tout le monde est à l’unisson pour aller gagner des matchs et faire du jeu. C’est ça, le sport, le collectif. Il faut que l’élan vienne du terrain pour se transmettre dans le club, dans les tribunes et dans la ville. J’ai passé sept ans là-bas, on était européens chaque année, je n’ai jamais vu le stade avec moins de 25 000 personnes. C’est énorme. Ce qu’il se passe au rugby, c’est un peu ça. Les Bordelais aiment le sport, ce ne sont pas que des gens qui jouent au golf et au tennis à Primrose.

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