El Tri de l’humiliation à l’humilité
Première leçon à tirer de la Gold Cup : surtout ne tirer aucune leçon. Le parcours du Mexique l'illustre mieux qu'aucun autre. Et si le 5-0 final infligé aux Ricains réjouit tout un pays, pas de quoi non plus faire péter les paquets de Pepito.
Après la détonante Coupe des Confédérations des USA, conjuguée au pathétique début de Gold Cup de la sélection aztèque, le verdict semblait sans appel : le Mexique, amputé et dominé par les États-Unis depuis plus d’un siècle et demi, ne jouirait même plus de sa catharsis footballistique pour se redresser le temps d’un match face à son voisin omnipotent. Ces dernières années, les termes de l’échange s’étaient déjà sévèrement dégradés en faveur des Gringos -les deux dernières Gold Cup leur étaient revenues- et l’été 2009 semblait devoir confirmer la tendance.
Spectateurs avertis, les dizaines de milliers de représentants de la diaspora mexicaine qui avaient colonisé les tribunes du Giants Stadium de New York ont donc préféré se défouler un bon coup avant même le coup d’envoi en chahutant l’hymne de la bannière étoilée. Quand on ne parvient pas à franchir le canal de Panama en phase de poules (1-1), on espère au mieux chiffonner la barbe de l’Oncle Sam sur le plus petit des écarts. La Copa de Oro a eu cela de salutaire qu’elle a fait subir une bonne cure d’humilité à un pays qui considérait la CONCACAF comme son pré-carré inaliénable, avec une arrogance proche d’un George Bush, le cynisme cruel en moins.
Le coup de pied d’Aguirre sur le joueur panaméen Ricardo Phillips n’avait évidemment rien d’un sévisse dans les geôles d’Abu Grahib, mais il fit comprendre au géant régional qu’il devait traiter avec un minimum de respect ses adversaires, un enseignement qu’il aurait déjà dû tirer de son pitoyable et périlleux quatrième rang occupé dans les éliminatoires de la Coupe du Monde. Suspendu trois matches et déjà contesté moins de trois mois après son arrivée à la tête d’El Tri, El Vasco ressort paradoxalement conforté d’une compétition où ses joueurs ont retrouvé le goût du travail bien fait quand il se trouvait en tribunes. Au final, ne reste que les miettes pour son adjoint suppléant, Mario Carrillo.
Perçu comme la véritable tête pensante de la sélection par certains, ou comme un dangereux illuminé par d’autres, Carrillo a marqué les esprits lors de sa carrière solo (à l’America Mexico, à Puebla …) en recourant aux services d’une assistante spirituelle, dénommée Mama Toña. Sa spécialité : apporter des bonnes énergies par le biais de pratiques ésotériques. On ignore si la sorcière a aidé la sélection à se frayer un chemin jusqu’en finale, mais c’est bien une équipe appliquée et décidée qu’a retrouvé Aguirre. Positive vibrations.
En finale, El Vasco s’est définitivement donné le beau rôle en signant un coup de maître : l’entrée de Carlos Vela en deuxième période, les cinq buts d’El Tri ayant été marqués quand le Gunner se trouvait sur la pelouse. Aguirre devient ainsi le premier technicien à avoir intégré avec succès les deux étoiles de la sélection championne du monde des moins de 17 ans, Vela et Giovani Dos Santos, meilleur passeur du tournoi. Cet amalgame tant attendu pourra-t-il perdurer au-delà d’une compétition pas vraiment plus relevée qu’un tournoi de beach soccer ?
Car, c’est un fait, lors de cette Gold Cup, peu d’équipes se présentaient au complet. Les États-Unis alignaient, eux, une équipe B, voire pire, ses étoiles se trouvant mobilisées par la reprise des entraînements en Europe, ou par les joutes rugueuses de la MLS. Alors dur de voir dans ce fantasme réalisé -l’emporter 5-0 à New York- un gage de succès pour la prochaine rencontre, cette fois capitale, entre les deux États-Unis (d’Amérique et du Mexique). D’autant qu’El Tri ferraillait aussi sans plusieurs de ses leaders (Marquez, Blanco …). Alors, pour les leçons ….
Le 12 août, date de la prochaine rencontre au sommet, c’est d’une rencontre qualificative pour la Coupe du Monde qu’il s’agira. Chez lui, le Mexique se devra de réduire une nouvelle fois les gringos en viande à tacos, pour ne pas s’éloigner quasi définitivement de l’Afrique du Sud. Souvent malmenée sur le sol américain, El Tri n’a jamais lâché le moindre point dans son stade fétiche face aux Ricains. Plutôt rassurant. Mais en ces temps de valses des valeurs, il s’agit de se méfier de tous les fondamentaux. Même les plus anciens. Le Mexique ne l’avait plus emporté à Gringoland depuis dix ans. Et les USA avaient-ils déjà battu l’Espagne ?
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