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Munir El-Haddadi : « Petit à petit, la Liga devient plus équilibrée »
Promu cette saison en Liga et actuel huitième du championnat, l’UD Las Palmas peut compter sur les services de Munir El Haddadi pour fluidifier son collectif. Avant de recevoir le Real Madrid, l’ailier de 28 ans formé à La Masia donne quelques billes sur son parcours et la saison emballante des Canariens.
Las Palmas a mis six journées pour remporter son premier match en Liga, mais semble désormais avoir trouvé son rythme de croisière. Quel est le secret pour bien tourner en première division ?
Quand tu montes dans l’élite, il faut savoir trouver un bon équilibre avec l’arrivée de nouvelles recrues et l’exigence collective requise par notre entraîneur. Ça nécessite forcément un temps d’adaptation, ça se peaufine. Match après match, on apprend à mieux se connaître et à mieux comprendre les principes de jeu : conserver le ballon et bien défendre à la perte de celui-ci. À chaque match et chaque entraînement, le Mister (García Pimienta) est là pour nous transmettre la confiance et nous permettre de pratiquer le jeu que nous déployons. Il sait comment diriger un groupe, comment l’entraîner. Les jeunes issus du centre de formation sont aussi habitués à ce football.
Ce qui marque, plus que la stratégie de possession, c’est la position très haute des défenseurs. Que recherche García Pimienta défensivement ?
À rester dans le camp adverse. Si tu laisses une ligne de quatre dans ton propre camp alors que tu as le ballon, cela ne sert à rien. Le fait de garder ces joueurs dans le camp adverse nous permet d’exercer une pression sur l’adversaire, et si le ballon est perdu, il faut être présent pour exercer un pressing haut à la récupération. Plus nous sommes proches de la cage adverse, plus nous optimisons nos chances de nous créer des occasions de but. C’est la vision de notre coach, nous nous sentons à l’aise avec cette philosophie. Je connais son style de jeu depuis tout petit, je partage cette vision, et c’est pour cela que je suis venu à Las Palmas. Quand j’étais encore en formation au Rayo Majadahonda (prêté par l’Atlético lors de la saison 2010-2011, NDLR), c’est lui qui est venu me superviser. J’avais mis un triplé ce jour-là, et il s’est dit : « Lui, il faut qu’il vienne avec moi. » L’offre est arrivée, l’Atlético de Madrid ne voulait pas me laisser partir, mais j’ai finalement passé deux ans à La Masia à ses côtés, il m’a apporté beaucoup d’enseignements. Un jeu en deux touches, un regard, et tu fais ta passe. Plus tu le fais, plus tu apprends. Nous avons gardé une excellente relation. Cet été, j’étais libre. Il m’a appelé pour me demander si je voulais venir, j’ai accepté.
Si ce Las Palmas est très typé Barça, y a-t-il une petite ambiance de Clásico avant de jouer le Real ?
Les idées de La Masia, je les ai intégrées dans ma formation : travailler, aider son coéquipier et rester humble par-dessus tout. Si tu as l’envie et que tout le monde reste sur la même longue d’onde, cela ne peut que se passer de bonne manière. En ce qui concerne la venue du Real, l’équipe est heureuse de jouer ce type de rencontre, car en face, ils font partie des meilleurs joueurs du monde. C’est un match spécial, surtout pour le public. Mais dans le fond, ça a la même valeur qu’un autre match de Liga, où nous donnons toujours le meilleur de nous-mêmes. Le Real ne dérogera pas à cela.
Depuis le match contre Almería, il y a énormément de polémiques sur l’arbitrage autour du Real Madrid. Est-ce que tu penses que cela peut affecter Las Palmas lors de la rencontre à venir ?
Sincèrement, nous ne sommes pas inquiets à ce sujet. Nous allons simplement jouer notre jeu, rester concentrés sur ce que nous savons faire dans ce match et oublier les arbitres qui vont faire leur travail comme ils en ont l’habitude. Notre travail à nous, c’est de nous concentrer sur notre football.
En ce qui te concerne, tu n’as jamais pu marquer contre le Real Madrid en carrière. Et si c’était pour ce samedi ?
(Rires.) Tu sais qu’à chaque fois que je joue contre eux, j’y pense. J’espère que ce sera pour cette fois-ci.
L’an passé, Gérone était un promu en Liga et lutte aujourd’hui pour le titre. Vous êtes promus cette saison, et vous êtes classés huitième de Liga. Tu as l’impression que l’écart s’est réduit entre les favoris et les clubs plus modestes ?
Oui. Il y a de cela quelques années, il semblait impossible pour un promu d’arriver à concurrencer les clubs du haut de tableau sur le long terme. En réalité, les équipes qui passent de la deuxième à la première division peuvent profiter de cette dynamique pour rivaliser. Avant, les favoris creusaient rapidement l’écart. Petit à petit, cela devient plus équilibré. Gérone fait une saison magnifique pour le moment, nous sommes également en bonne forme.
Tu en es à ton sixième club de Liga (Barça, Valence, Alavés, Séville, Getafe et Las Palmas). Qu’est-ce que tu apportes aux plus jeunes dans le vestiaire ?
Je leur donne à tous le même discours : travailler, prendre soin de soi et profiter sur le terrain. S’ils sont attentifs à cela, la récompense viendra. À mon échelle, je suis là pour les accompagner et les aider autant que je peux. J’ai commencé le football professionnel à 17 ans et, en un peu plus de dix ans, ça a beaucoup changé. Aujourd’hui, quand tu vois tous ces matchs et les blessures qui en découlent, j’ai la sensation que les clubs sont dans le besoin d’amener rapidement leurs jeunes du centre de formation à l’échelon professionnel. Mais il faut voir ça comme une bonne nouvelle pour ces jeunes et pour ceux qui aiment ce sport.
Comme d’autres avant et après toi, tu as reçu cette étiquette de futur Messi. À quel point penses-tu que cela a affecté ton parcours professionnel ?
En fait, tu te rends compte que chaque joueur qui démarre en attaque au Barça est rapidement comparé à Messi : « Regardez, c’est le nouveau Messi… » Mais non, c’est tout simplement impossible. Quand j’ai commencé ma carrière au Barça, je n’ai pas prêté attention à cela, car ces étiquettes n’aident pas les joueurs dans leur progression. J’ai mon propre style et je ne suis pas Messi. J’aurais bien voulu, mais non. Je savais que je pouvais faire les choses bien pour m’installer dans l’équipe première et apprendre auprès des meilleurs : Leo, Ney ou Suárez qui ne pouvait pas jouer à ce moment-là (suspendu quatre mois pour avoir mordu l’épaule de Giorgio Chiellini en plein match, NDLR). Et franchement, j’ai énormément appris.
Tu as commencé à jouer pour l’Espagne en équipe nationale, mais tu es parvenu à créer une jurisprudence pour parvenir à jouer avec le Maroc. Comment as-tu vécu cette transition ?
J’étais très jeune quand j’ai commencé à jouer avec les catégories jeunes de la sélection nationale espagnole (Il a honoré une sélection avec la Roja en 2014, NDLR). Mais avec le temps, j’ai pris conscience d’une autre possibilité que m’offraient les racines de mes parents. Il a ensuite fallu faire les démarches pour y arriver, mais j’ai pu être convoqué avec le Maroc (en 2021).
Depuis, le Maroc est devenu demi-finaliste du Mondial, sans que tu fasses partie du groupe.
Il faut voir la qualité de l’effectif. Les Marocains sont nombreux à évoluer dans les grands championnats européens. Avec le Mondial réalisé, il y a vraiment de quoi être fier. Si cela se poursuit, il y aura une nouvelle génération de ce type pour représenter notre pays. Bien entendu, j’aimerais revenir en sélection. Je regarde tous les matchs du Maroc en ce moment, j’espère vraiment qu’ils remporteront la CAN, cela me rendrait très heureux.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix