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El Hadary, le record sur un fil
On peut être né le 15 janvier 1973 et disputer la Coupe du monde 2018. Ce pourrait être le cas pour Essam El-Hadary, dernier rempart égyptien, en cas de titularisation face au pays hôte ce mardi soir. Ce qui serait une belle récompense pour ce vétéran reconnu en Afrique, mais méconnu sur la scène internationale.
Veille de match à Saint-Pétersbourg. En conférence, Essam El-Hadary se présente pour la première fois face aux journalistes depuis son arrivée sur le sol russe. Tout de suite, l’homme fait sentir qu’il a un coup de gueule à passer : « On est victimes(les gardiens, N.D.L.R.) de la FIFA et de leur développement, tous les quatre ans. Le football appartient plus aux joueurs qu’aux gardiens. Les gardiens sont toujours les victimes, on doit toujours s’adapter aux nouveaux ballons. Celui-ci a des problèmes, mais c’est le même pour tous les gardiens. On a eu les qualifications pour s’adapter. On doit être prêts, on le sait. Mais je le répète, on est toujours les victimes des avancées. »
Les questions sur son état de forme ? Éludées rapidement. Pourtant, à désormais 45 ans, elles paraissent plus légitimes que jamais. Bien sûr, Dino Zoff a remporté le trophée à quarante ans en 1982 et Faryd Mondragón était sur le pré au Brésil à 43 ans passés. Si toutes ces interrogations subsistent, c’est parce qu’El-Hadary a de grandes chances de commencer le deuxième match du groupe A face à la Russie pour ainsi devenir le joueur le plus âgé à disputer une Coupe du monde. Rien que ça.
Un monument qui n’a plus rien à prouver… ou presque
Amusant, lorsqu’on sait que ce Mondial 2018 est aussi le premier que connaît Essam El-Hadary alors qu’il a commencé sa carrière internationale en 1996. Sur le plan continental, cela fait bien longtemps que le natif de Damiette n’a plus rien à prouver. Quatre fois vainqueur de la CAN avec l’Égypte, El-Hadary a toujours eu l’envie, au fond de lui, de disputer une Coupe du monde. À l’instar de Buffon qui aurait dû disputer son sixième Mondial et dont l’absence permet aussi de mettre en valeur son record, El-Hadary est le seul à décider quand il arrêtera sa carrière. En Égypte, sa popularité est au niveau des frères Hossam, d’Ahmed Hassan ou même de la hype du moment Mohamed Salah.
Une reconnaissance qui n’entrave pas pour autant le mode de vie du bonhomme, réputé pieux et discret dans la vie. Patrice Carteron ne dit d’ailleurs pas autre chose à son sujet : « Il a une très forte personnalité. Quand je suis arrivé, le club était mal classé et El-Hadary ne faisait plus vraiment partie des plans en sélection. Je sentais qu’il ne supportait pas cette situation. Il a été un des moteurs du redressement de l’équipe, il a retrouvé sa place chez les Pharaons et a disputé la Coupe d’Afrique des nations 2017 au Gabon en atteignant la finale. J’ai été impressionné par sa rigueur. Il fait attention à tout : c’est tout juste s’il ne pèse pas ses aliments. »
El-Shenawy, l’Iznogoud devenu calife
Récemment, la donne était pourtant plus compliquée côté terrain. Légèrement blessé à une côte face à la Colombie, il est apparu plus que fébrile lors du naufrage face à la Belgique quelques jours plus tard (0-3). Pas étonnant que lors du match d’ouverture, Héctor Cúper ait préféré titulariser Mohamed El-Shenawy (29 ans). Concurrent numéro un d’El-Hadary malgré des ligaments croisés touchés en avril dernier, le portier de Port-Saïd a livré un match de grande facture face à l’Uruguay. Au point d’être élu homme du match. Même s’il a refusé le titre car il était sponsorisé par une marque de bière, El-Shenawy ne compte pas pour autant se rasseoir sur le banc pour autant. Et tant pis si El-Hadary reste à le regarder pour le reste de la compétition, ce n’est tout simplement pas son problème.
S’il paraît impensable qu’Héctor Cúper ne titularise pas son jeune vieillard ou ne le fasse entrer lors de l’un des deux derniers matchs, la problématique de la compétitivité se pose. En cas de victoire de l’Égypte face à la Russie mardi avec El-Shenawy titulaire, Cúper prendra-t-il le risque d’aligner d’El-Hadary, et ce, même s’il n’est pas le meilleur à son poste ? Dans le cas contraire, le privera-t-il du plaisir de disputer quelques minutes en Coupe du monde et d’intégrer le livre des records ? Des questions qui trouveront rapidement leurs réponses. Même si, en attendant, c’est la hype autour de Mohamed Salah qui continue d’occuper la majorité des esprits. Lequel est encore loin d’avoir réalisé une carrière à la El-Hadary.
Par Andrea Chazy
Propos de Carteron issus du site Le Monde.fr